Editorial

Une manne économique hors de portée ?

Benjamin Kuriyo, Directeur de publication

Le pays fait face à une pénurie récurrente de devises. Cette situation paralyse l’activité économique d’autant plus que les recettes d’exportation n’arrivent pas à financer les importations. Le pays dépense plus de 1,2 milliards USD alors que la valeur totale des exportations oscille autour de 250 millions USD. Le café et le thé, deux principaux produits d’exportation ne suffisent pas couvrir les besoins en importation.

Par contre, la reprise des activités d’exploitation industrielle des minerais pourrait apporter une bouffée d’air à l’économie nationale. Ce qui résorbait au moins sur le court terme le déficit de la balance commerciale. A titre illustratif, en 2019, les recettes du secteur minier ont dépassé 74 millions USD. L’économie n’avait pas les mêmes signaux avec une pénurie criante de devises qui fragilise le tissu industriel.

En 2021, les activités des sociétés extractives des terres rares et d’or ont été suspendues.  Selon les autorités, les contrats entre le gouvernement et ces sociétés présentaient un certain déséquilibre. Ce qui a conduit à suspension de ces sociétés jusqu’à nouvel.

Le gouvernement voulait donc établir des contrats gagnant-gagnant. Seules les coopératives d’exploitation aurifère artisanale ont été par après autorisées à reprendre leurs activités. « Le gouvernement a pris des mesures pour mieux réglementer le secteur minier. Cela après avoir constaté que la richesse du sous-sol ne profitait qu’à une poignée de gens au lieu de contribuer au relèvement économique du pays », a déclaré Evariste Ndayishimiye, Président de la République du Burundi lors d’une émission publique le 30 décembre 2022.

Cependant, l’exploitation artisanale de l’or n’arrive pas à rééquilibrer la balance des paiements. Les coopératives d’orpailleurs n’ont produit qu’une quarantaine de kg d’or durant les six premiers mois. Pour une nouvelle fois, le gouvernement a suspendu les activités de toutes les coopératives qui n’ont pas atteint la production d’1 kg.

Pour reprendre les activités d’extraction, les orpailleurs ont été soumis à une série de conditions notamment, la signature d’un contrat avec le ministère en charge des mines, céder à l’Etat 30% de la production aurifère, vendre directement la production du métal jaune à la Banque centrale…

Selon une étude de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI) publiée en 2019, le mini-boom minier du Burundi présente des fragilités. Les sociétés impliquées ne sont pas des majors du secteur minier. « Si certaines d’entre elles jouissent d’une vraie crédibilité industrielle, d’autres ne semblent pas présenter des garanties sérieuses en termes de compétences techniques et de capacités financières », lit-on dans cette étude.

Ainsi, le nouveau code minier a été promulgué en juillet 2023. Les sociétés extractives disposent de trois mois pour se conformer aux dispositions dudit code. Apparemment, rien ne bouge pour redémarrer les activités d’extraction.

Le pays est toujours en attente d’un investissement important dans le secteur minier pour mettre l’exploitation du gisement du nickel de Musongati estimé à 6% des réserves mondiales. L’exploitation du nickel s’avère onéreuse et complexe. Il en est de même pour les terres rares. Le Burundi devrait normalement profiter de la transition énergétique pour exploiter et vendre les minerais stratégiques dont le nickel et les terres rares. Malheureusement, ces minerais sont hors de portée compte tenu des préalables pour l’extraction et la raffinerie des minerais. D’ailleurs, les terres rares doivent leurs noms à la complexité de les séparer pour en extraire les éléments indispensables dans la fabrication des micro-puces électroniques, des semi-conducteurs ou encore de l’armement moderne (les fameux missiles hypersoniques). Sur le plan de l’innovation technologique, les terres rares rentrent dans la fabrication des batteries des voitures électriques, des supra-aimants utilisés dans la fabrication des éoliennes, etc.

En attendant le retour des multinationales, le pays peut investir dans l’exploitation des sites aurifères et dans le raffinage de l’or sur place pour non seulement accroître les recettes d’exportation, mais aussi pour stabiliser la valeur de la monnaie. L’or monétaire sert à jauger le niveau économique d’un pays ou à consolider la monnaie locale. Economiquement parlant, les réserves d’or officiellement détenues par les banques centrales renseignent sur les capacités d’un pays à effectuer les échanges de toutes natures entre les nations, y compris les transferts de capitaux.

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Benjamin Kuriyo.

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