Integration régionale

L’utilisation du Français dans les pays membres de l’EAC : Une aubaine pour le Burundi ?

L’utilisation du Français dans les pays membres de l’EAC permettra un bon déroulement des activités dans ces pays. Selon les experts en éducation et économie, l’utilisation de la langue de Molière pourra constituer une aubaine pour le Burundi. Cela pourra générer plus d’opportunités d’emplois et de prestations étant donné que les appels d’offres, les concours, les tests de recrutement et les interviews  qui se faisaient exclusivement en Anglais vont désormais se faire en Français 

Lors de leur 21ème sommet par vidéoconférence samedi le 27 février 2021, les Chefs d’Etat des pays qui composent cette Communauté ont admis la requête de la RDC au sein de l’EAC et reconnu le français comme langue officielle de cette famille à côté de l’Anglais et du Kiswahili. Selon Rosette Irambona, porte- parole du ministère de l’EAC, de la Culture, du Sport et de la Jeunesse, l’officialisation du Français dans les pays membres de l’EAC constituera un atout majeur dans les activités de l’EAC. Les Burundais qui avaient des difficultés de s’exprimer en Anglais dans différentes conférences vont pouvoir s’exprimer à l’aise. Ils vont désormais comprendre le contenu des échanges et cela leur permettra de contribuer au développement du pays.  Bref, pour  les francophones comme les Burundais et les Congolais, l’adoption du Français comme langue officielle dans l’EAC  sera une avancée notoire.

Néanmoins, il y a encore pas mal d’étapes à franchir  dans tous les pays de l’EAC pour commencer à utiliser officiellement la langue de Molière, indique Irambona. «Les pays comme l’Ouganda, la Tanzanie, le kenya et le Sud Soudan doivent se préparer en conséquence. Ils doivent d’abord apprendre cette langue.  Et parce que leur niveau en français est très bas, le processus doit prendre un temps non négligeable. Et des moyens financiers doivent être injectés dans tout ce processus, car on doit payer les professeurs qui vont enseigner cette langue.  Pour ces raisons, les langues de travail reconnues à l’EAC restent actuellement le Kiswahili et l’Anglais», fait remarquer Irambona. Jusqu’à maintenant, on continue à recourir aux interprètes pendant les conférences pour les francophones.

Dr Yves Ndayikunda, recteur de l’Université Lumière de Bujumbura : «Officialiser le Français constitue une très grande opportunité pour le Burundi, car la plupart des enseignants chercheurs au Burundi sont plus francophones qu’anglophones».

La diversité linguistique, une source de richesse

Selon Xavier Mureha, économiste nanti d’une expertise en intégration régionale,  faire du Français une langue officielle dans les pays de l’EAC est une bonne chose pour le Burundi, car dans la littérature économique, la langue est considérée comme un facteur d’intégration au même titre que la proximité géographique et les infrastructures. De plus, la diversité linguistique est une source de richesse dans une communauté économique régionale. Cela pourra générer plus d’opportunités d’emplois et de prestations, étant donné que les appels d’offres, les concours, les tests de recrutement et les interviews à l’EAC qui se faisaient exclusivement en Anglais vont désormais se faire en Français.  Les Burundais pourront être recrutés pour enseigner le français chez nos voisins anglophones.  Et Bireha de demander la reconnaissance effective du français par l’EAC basée sur une politique linguistique qui obligera les universités des pays anglophones à intégrer le Français dans leurs programmes de formation.

Le Français dans les pays de l’EAC, une grande opportunité pour le Burundi

Dr Yves Ndayikunda, recteur de l’Université Lumière de Bujumbura abonde dans le même sens.  Il fait savoir que rendre officiel le Français constitue une très grande opportunité pour le Burundi, car la plupart des enseignants chercheurs au Burundi sont plus francophones qu’anglophones. Très peu sont bilingues au moment où la majorité des populations des pays membres de l’EAC parlent l’Anglais et le Kiswahili.  Ce qui constitue un blocage au niveau de la mobilité.  La tendance est que les enseignants des pays membres de l’EAC viennent prester au Burundi. Nonobstant, très peu de Burundais partent en Ouganda, en Tanzanie, au Kenya et au Sud Soudan suite à la barrière linguistique.  La raison est que la plupart des institutions universitaires au Burundi sont bilingues. On enseigne en Français et en Anglais. Pour celles qui ne le savent pas, il y a des cours qui sont dispensés en Anglais.

Entre 1500 et 1600 étudiants Congolais à l’Université Lumière  

C’est la raison pour laquelle la majorité des étudiants Congolais préfèrent aller étudier dans les universités burundaises, car c’est dans ces universités où ils partagent  la même langue d’enseignement qui est le français. A l’Université Lumière de Bujumbura, on a des étudiants Congolais estimés entre 1500 et 1600. Néanmoins, il y a très peu d’étudiants qui proviennent des autres pays de l’EAC suite à la barrière linguistique. Avant 2015, il y avait pas mal de Rwandais. Rares sont les Ougandais, les kenyans, les Tanzaniens et les Sud Soudanais qui fréquentaient les universités burundaises. Il y a quelques étudiants Tanzaniens issus des familles diplomatiques accréditées au Burundi.  Lorsque l’Université Lumière de Bujumbura a soufflé ses 20 bougies il y a deux ans, on a dénombré 11 nationalités d’étudiants qui fréquentent cette université. Il espère qu’avec l’adoption du Français comme langue officielle de l’EAC, l’effectif des étudiants des pays membres de l’EAC va augmenter.

Donc avec l’entrée en vigueur du Français comme langue officielle de l’EAC, Ndayikunda laisse entendre que c’est une grande opportunité pour les enseignants chercheurs Burundais qui vont prester dans les pays de l’EAC. C’est une porte d’entrée pour aller y prester.

Le Français aura une place de choix dans le système éducatif

Et Ndayikunda indique que  cela va influer sur le système éducatif. Le Français aura une place de choix. Avant que le Burundi n’entre dans l’EAC, peu de Burundais avaient l’engouement d’apprendre l’Anglais. Et pour le Kiswahili, c’était autre chose.  Mais après qu’il soit entré dans cette famille, on a commencé à apprendre ces deux langues pour s’intégrer dans le milieu anglophone. C’est pour cette raison qu’au Burundi l’Anglais et le Kiswahili s’apprennent depuis l’école primaire.  Maintenant, comme le Français devient une langue officielle dans l’EAC, les populations des pays membres de l’EAC vont s’intéresser beaucoup plus au Français pour s’intégrer dans le milieu francophone, surtout que la RDC va bientôt rejoindre l’EAC.  Ce sera une bonne dynamique qui pourra permettre à moyen terme l’équilibre des échanges en termes de mobilité. On s’attend à ce que les enseignants chercheurs burundais aillent prester dans les pays de l’EAC. Ce qui est un atout pour le Burundi.

Cette forme de diplomatie va contribuer à l’émergence du Burundi dans l’EAC. Selon Ndayikunda, il suffit d’avoir des enseignants compétents. Cela permettra que le Burundi et les opportunités qu’il regorge soient connus. Plus il y a beaucoup de Burundais qui vont se rendre dans les pays de l’EAC, plus le Burundi et les opportunités qu’il regorge seront à la portée de tout le monde.  Donc ce n’est pas une fuite de cerveaux comme on le croit. Et d’ailleurs, il éclaire que la mobilité qui existe aujourd’hui entre les universités des pays membres de l’EAC est encadrée. Les professeurs et les étudiants ne restent pas dans ces pays pour de bon. Les professeurs prestent et puis reviennent dans leurs pays d’origine après un certain temps bien défini selon les normes qui régissent le conseil interuniversitaire qui réunit les universités membres. Même pour les étudiants.  Avec l’officialisation du Français dans l’EAC, le Burundi à travers ses universités va donc exporter  son expertise dans les autres pays membres de l’EAC. Les investisseurs pourront implanter des universités dans les pays membres de l’EAC puisque la barrière linguistique est levée.   

L’Université Lumière dispose d’un campus à Goma en RDC

Et Ndayikunda fait savoir que l’Université Lumière de Bujumbura  a déjà anticipé en créant un campus à Goma en RDC. «Les étudiants Congolais de notre université qui ont apprécié notre système d’enseignement nous ont demandé de l’y implanter pour aider leurs frères et sœurs congolais qui n’ont pas de moyens financiers suffisants pour venir s’installer au Burundi à proximité de nos campus», renchérit-il.  «En tant que membre du conseil interuniversitaire, cela permet à notre université d’être en réseau  avec les autres universités de l’EAC. Dans le même sens, notre université a récemment discuté avec les collègues sud soudanais  pour qu’ils envoient leurs étudiants au Burundi pour y’apprendre le Français», poursuit-il.

L’autre avantage de l’officialisation du français pour le Burundi est que cela va figurer parmi les conditionnalités pour accéder à certains postes. Du fait qu’il y a beaucoup de Burundais qui parlent en même temps l’Anglais et le Français, il leur sera facile de bénéficier de beaucoup d’emplois. Et il revient aux habitants des pays anglophones  de l’EAC de se presser à apprendre le Français afin d’être plus compétitifs. Pour toutes ces raisons, faire du Français une langue officielle dans les pays membres de l’EAC est un facteur très déterminant. Pour toutes ces raisons, l’officialisation du Français dans la famille des pays membres de l’EAC constitue une aubaine pour les institutions universitaires Burundaises.

Ndayikunda demande donc aux institutions universitaires de bien s’organiser pour qu’elles parviennent à offrir un service de qualité. La raison est que les universités des pays anglophones vont envoyer des étudiants dans les universités burundaises afin d’y apprendre le Français. Donc on devrait bien se préparer  pour se positionner à un niveau très respectable au niveau des services offerts. Aujourd’hui, on voit des parents Burundais qui envoient leurs enfants poursuivre leurs études dans les pays de l’EAC pour apprendre l’Anglais. Avec l’officialisation du français dans les pays de l’EAC, on s’attend à ce que le mouvement sera inversé.  Donc, pour Ndayikunda, c’est une aubaine qui vient de se créer pour les Burundais.  Sinon, si on trouve que les services offerts ne sont pas de qualité, les étudiants des pays de l’EAC vont tourner le dos au Burundi. Ils vont se diriger vers les autres pays francophones. Pour lui, il est temps que les enseignants se préparent en conséquence. Le contenu des programmes devrait  être de qualité pour éviter le désordre. Bref, il faut tout planifier pour éviter de probables échecs. Et, pour atteindre l’objectif escompté, le recteur de l’universite lumière de Bujumbura confie que l’utilisation du numérique  devrait prendre le devant.

Mots-clés :
A propos de l'auteur

Jean Marie Vianney Niyongabo.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur.
La rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires enfreignant ces règles et les règles de bonne conduite.

éditorial

Des initiatives à faible portée

Des initiatives à faible portée

Malgré les multiples signaux de relance économique, la crise économique perdure. Le pays n’a pas assez de devises pour couvrir ses importations. Par effet de contagion, les produits importés plongent le pays dans une spirale inflationniste. La dépréciation continue du FBu retarde l’impact des réformes macroéconomiques entreprises. L’inflation affiche une tendance baissière depuis le début de l’année. Le taux d’inflation aurait diminué de 5 points passant de 17,2% à 12% entre janvier et avril 2024, selon les données officielles. Cependant, cette baisse n’est pas ressentie chez les consommateurs qui assistent à la flambée des prix des denrées alimentaires.

    Abonnez-vous à notre bulletin

    Journal n° 609

    Dossiers Pédagogiques

    Facebook

  • éditorial

    Des initiatives à faible portée

    Des initiatives à faible portée

    Malgré les multiples signaux de relance économique, la crise économique perdure. Le pays n’a pas assez de devises pour couvrir ses importations. Par effet de contagion, les produits importés plongent le pays dans une spirale inflationniste. La dépréciation continue du FBu retarde l’impact des réformes macroéconomiques entreprises. L’inflation affiche une tendance baissière depuis le début de l’année. Le taux d’inflation aurait diminué de 5 points passant de 17,2% à 12% entre janvier et avril 2024, selon les données officielles. Cependant, cette baisse n’est pas ressentie chez les consommateurs qui assistent à la flambée des prix des denrées alimentaires.
  • Journal n° 609

  • Dossiers Pédagogiques