Finance

Dette publique : Il y a un risque de surendettement élevé

Même si la dette publique augmente de plus en plus depuis 2015, la croissance économique ne suit pas la même cadence. Les experts recommandent de bien gérer la dette publique, car elle augmente de façon inquiétante.  Pour y parvenir, la mise en place d’une stratégie de gestion de cette dette est une urgence. Sinon, si la situation reste ainsi, le pire est à craindre. Il y a un risque de surendettement élevé 

Dans le forum national sur le développement du Burundi tenu du 18 au 19 novembre 2021, les experts ont alerté sur le niveau inquiétant de l’augmentation de la dette publique depuis 2015. Selon Dr Euphrem Niyongabo, cette dette est dominée par la dette intérieure estimée à ¾ de la dette totale du pays.  Néanmoins, cet expert s’inquiète du fait  la croissance économique n’est pas en train de suivre cette cadence. Au regard de cette situation, Niyongabo se demande si l’Etat est à mesure de rembourser la dette publique et ses intérêts. Selon les indicateurs de la Banque Mondiale et du FMI sur lesquels on se base pour se rendre compte si la dette est remboursable ou pas,  il fait savoir qu’on n’a pas encore dépassé les limites. A titre illustratif, concernant la valeur actuelle de la dette publique sur les exportations  dont le seuil est fixé à 140%, le Burundi est à 143%. Pour le service de la dette extérieure affectée aux exportations qui est fixé à 10%, le Burundi est légèrement en dessous de ce seuil en 2021. Pour la  valeur actuelle de la dette publique sur le PIB  dont le seuil est fixé à 35%, le seuil du  Burundi en 2021 est de 65%. Quant à la  valeur ajoutée de la dette publique sur les recettes dont le seuil est fixé à 200%, le Burundi est à 340% en 2021.

Selon Niyongabo, ces indicateurs montrent qu’une bonne partie des recettes fiscales collectées est orientée vers le remboursement de la dette. Sur base de ces chiffres, cette analyse a montré que la dette publique reste viable.  Mais, elle est sujette à des risques de surendettement. Cela veut dire que jusqu’ à maintenant, le Burundi n’a pas eu de difficultés à rembourser sa dette. Il a honoré ses engagements. Néanmoins, le risque est qu’il y a quelques indicateurs qui ont dépassé le seuil dans ce qu’on appelle scenario de référence car, après le scenario de référence, il y a ce qu’on appelle le scenario de choc. «Nous tendons vers un risque de surendettement élevé même si nous parvenons à honorer nos engagements», alerte Niyongabo.

Roger Ntwenguye, directeur général adjoint de la BGF : «Je déplore que les banques commerciales financent la dette intérieure à plus de 50%. Elles avancent à l’Etat plus de 1500 milliards de FBu».

L’Etat pourra-t-il continuer à rembourser la dette ?

A la question de savoir si l’Etat pourra continuer à  rembourser la dette, Niyongabo affiche une certaine réticence. «D’un côté, l’Etat pourra rembourser, car il y a un certain nombre d’hypothèses optimistes», souligne-t-il.  A titre d’exemple, le Burundi s’est engagé à redynamiser les relations de coopération internationale. Ce qui constitue une source de revenus pour le trésor. De plus, on assiste à des perspectives macro-économiques positives en termes de croissance économique et de stimulations des exportations. De plus, les statistiques montrent qu’une grande partie de la dette extérieure est orientée vers les secteurs générateurs de revenus comme l’agriculture, l’énergie et les mines ainsi que les infrastructures.  Le problème réside sur la manière dont la dette intérieure qui occupe ¾ de la dette totale a été gérée. «Nonobstant, vu que  la dette publique augmente de 4% du PIB par an et que les dépenses d’investissement public diminuent de 1% du PIB par an, on peut conclure qu’une grande partie de la dette publique n’a pas été allouée aux investissements générateurs de croissance économique. Ce qui est un défi majeur, car c’est la croissance économique qui crée les emplois et qui augmente les recettes et les revenus des ménages. Bref, c’est la croissance économique qui est le premier indicateur du développement durable », confie-t-il.   

Et si on analyse la performance du Burundi dans la collecte des recettes fiscales qui est passée de 11% à 16% du PIB de 2015 à 2019, Niyongabo  nuance les résultats.  Néanmoins, il n’y a pas d’optimalité, car les dépenses engagées dans la collecte des recettes fiscales sont nombreuses. «L’OBR ne cesse d’augmenter le personnel et ses équipements. En principe, on devrait mettre en place une politique fiscale qui limite ce qu’on appelle le coût social de la collecte fiscale. Pour le moment, le rythme de croissance des recettes est moindre par rapport à celui des dépenses engagées dans la collecte. De plus, la consommation augmente alors que les recettes collectées sur cette consommation n’augmentent pas.  Donc, il y a encore des opportunités dans la collecte des recettes fiscales qui ne sont pas exploitées», laisse entendre Niyongabo.   

Le niveau des exonérations empire la situation

Un autre indicateur est relatif à l’exonération fiscale. Dans un pays où la dette publique augmente sensiblement avec un déficit budgétaire inquiétant, on doit maîtriser les exonérations fiscales. Selon Niyongabo, la loi des finances fixe les exonérations à 18 milliards de FBu dans le budget de l’Etat. Mais, à la fin de l’exercice budgétaire, on trouve que le niveau des exonérations a atteint plus de 200 milliards de FBu, soit 3% du PIB ou 20% des recettes intérieures qui partent dans les exonérations.  Selon cet expert, cet écart est énorme.

Le secteur privé oublié

Roger Ntwenguye, directeur général adjoint de la BGF déplore que les banques commerciales financent la dette intérieure à plus de 50%. Elles avancent à l’Etat plus de 1500 milliards de FBu. Selon toujours lui, la dette publique va crescendo. De même pour le déficit budgétaire. Par exemple, fin 2020, le déficit budgétaire était estimé à 400 milliards de FBu et à 200 milliards de FBu en 2019. Donc, il augmente d’année en année. Il s’inquiète donc au sujet de la soutenabilité de cette dette qui est toujours croissante. Si les banques commerciales mobilisent les ressources pour financer la dette publique, cet expert indique que l’avenir des ménages et des entreprises est incertain, car la mission principale des banques commerciales est de financer le secteur privé étant donné qu’il est le moteur de la croissance économique. Selon lui, si cette cagnotte  finançait le secteur privé, ce serait une très bonne chose. A titre d’exemple, les banques commerciales ont financé le secteur privé ces deux dernières années à hauteur de plus de 300 milliards de FBu. La plupart des projets financés étaient de type industriel. Et on espère que d’ici trois ou quatre ans, on pourra créer plus de 3000 emplois. Donc le fait que les banques commerciales sont entrain de financer la dette publique constitue une perte énorme pour la croissance économique.

Quelques pistes de solutions

Pour éviter le pire, les experts indiquent que la dette publique devrait être bien gérée, car les conséquences du surendettement sont fâcheuses.  Et une stratégie de l’endettement et de la gestion de la dette publique devrait être mise en place pour gagner le pari.  Il faut aussi limiter les dépenses, élargir l’assiette fiscale, exploiter de façon transparente les secteurs porteurs de croissance comme celui des minerais qui peuvent générer beaucoup de revenus, réduire les charges des sociétés publiques, adopter la numérisation du système fiscal, reduire les exonérations et consacrer des dépenses importantes aux secteurs générateurs de revenus et de croissance économique.

Notons à toutes fins utiles que les experts disent que l’augmentation et la mauvaise structuration de la dette publique rend vulnérable le pays et l’expose aux chocs économiques et financiers.

A propos de l'auteur

Jean Marie Vianney Niyongabo.

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