Energie

La REGIDESO en pleine crise financière

La santé financière de la régie de production et de distribution de l’eau de l’électricité (Regideso) va de mal en pis. Tous les indicateurs sont au rouge. Les impayés qui s’accumulent, la corruption, le système de recouvrement défaillant et les malversations économiques minent cette institution. La Regideso dépense plus ce qu’elle gagne, selon le ministre en charge de l’énergie. La direction générale est rappelée à l’ordre

Ir Côme Manirakiza, ministre de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines : « S’il n’y a pas de suivi rigoureux dans le recouvrement des fonds, la société n’évolue pas. Par contre, elle fait obligatoirement faillite »

En date du 29 mars 2019, le ministre en charge de l’hydraulique, de l’énergie et des mines, Ir Côme Manirakiza a tenu une réunion en assemblée générale des employés de la Regideso. Il a dressé un bilan négatif des activités de cette compagnie de production et de distribution de l’eau et d’électricité. Burundi Eco décrypte chacune des irrégularités relevées par le ministre Manirakiza cité par nos confrères de la radio Isanganiro. 

Un personnel pléthorique peu productif 

La Regideso a un personnel pléthorique inoccupé qui, malheureusement, gonfle la masse salariale de cette société. D’après le ministre de l’énergie, certains employés restent assis à longueur de journée sans rien faire. Il a recommandé à la direction générale de recenser le personnel de cette société pour d’éventuelles réaffectations.  

Dans une interview accordée au Journal Burundi Eco en juin 2018, Léonidas Sindayigaya, porte-parole du ministère en charge de l’énergie évoquait surtout la question des sureffectifs de la Regideso. Le ratio employé-abonné reste très élevé. Aujourd’hui nous avons au moins 110 000 abonnés de la Regideso au moment où le personnel oscille autour de 1200-1300 employés. Les standards de la Communauté de l’Afrique de l’Est recommandent que ce ratio soit d’un employé pour 50 abonnés alors que la Regideso dépasse 80 abonnés par employé, a précisé Sindayigaya. 

Un stock « mort » de plus de 10 milliards de FBu 

La passation des marchés publics est un écran de fumée qui cache un phénomène de corruption à la Regideso. Le processus d’approvisionnement en équipements est remis en cause. Certains fonctionnaires de la cellule de gestion des marchés publics commandent des équipements obsolètes qui ne serviront à rien. Actuellement, le stock « mort » totalise plus de 13 milliards de FBu. 

Evolution des états financiers de la Regideso en milliards de FBu (1997 – 2014) – Extrait du dossier de presse du 08 janvier 2015.

Le ministre Manirakiza regrette le manque de transparence dans la passation des marchés. « Après la soumission des offres, les membres de la cellule de gestion des marchés publics retirent certains éléments du Dossier d’Appel d’Offre (DAO) pour favoriser l’un ou l’autre soumissionnaire. C’est pourquoi ce sont les mêmes personnes qui gagnent les marchés. Des enquêtes sont en cours pour identifier les auteurs de ces magouilles », dit-il. 

Le taux d’impayés est très élevé 

En mai 2018, la Regideso accusait des créances de plus 60 milliards de FBu. Malgré les multiples campagnes de recouvrement, la situation ne s’améliore pas.  Car, deux mois après le volume d’impayés a augmenté. 

Le Directeur Géneral de la Regideso, Siméon Habonimana a déclaré que les impayés à la Regideso s’élèvent à 63 milliards de FBu et que la part des grands consommateurs atteint 20 milliards de FBu. Cette situation entrave le fonctionnement la Regideso et l’empêche de bien servir ses clients, a précisé M. Habonimana. Le porte-parole du ministère abonde dans le même sens : « Avec de telles créances, dont certaines sont irrecouvrables, on ne peut pas dire que la santé est au bon fixe », a indiqué M. Sindayigaya. 

La sous-consommation ajoute le drame au drame

A quatre mois de l’augmentation du tarif de l’électricité, la Regideso a déploré la mévente de ce produit de l’électricité. La hausse du tarifaire de l’eau et de l’électricité n’aura pas suffi pour améliorer sa santé financière. La surfacturation est souvent citée par les industriels comme principale raison de la sous-consommation. La récession de l’économie joue également en défaveur de la Regideso

« Les entreprises qui avaient demandé une puissance suffisante sont actuellement bien servies, mais leur consommation d’énergie reste très faible », a souligné Siméon Habonimana, DG de la Regideso. Il est à noter que le contrat de fourniture du courant entre la Regideso et la société Interpetrol précise que la Regideso doit mensuellement payer à la société Interpetrol une somme de 6 milliards de FBu pour la fourniture de 20 MW alors que la quantité consommée chute. Par conséquent, si cette mévente de l’électricité persiste, elle pourrait être fatale pour la santé financière de la Regideso. 

Les conséquences pourraient être désastreuses 

Le constat est qu’il y a un déséquilibre entre les recettes et les charges de la Regideso. Les charges dépassent en permanence les recettes enregistrées. Le ministre Manirakiza réclame des sanctions sévères contre les personnes impliquées dans le détournement des biens publics. « Nous devons éliminer les employeurs défaillants pour rester avec ceux qui défendent les intérêts de la société », prévient-il. 

La surfacturation des devis pour dégager des profits est une réalité. « S’il n’y a pas de suivi rigoureux dans le recouvrement des fonds, la société n’évolue pas. Par contre, elle fait obligatoirement faillite », déplore le ministre Manirakiza. 

Les malversations économiques guettent la Regideso 

Le ministre durcit le ton contre les professionnels corrompus de la Regideso. Les agents rusés négocient avec les industriels pour contourner les compteurs électriques. D’autres industries se font enregistrer dans la catégorie des ménages. Ce qui fausse complètement le système de facturation. « Pire encore, les agents de recouvrement font un deal avec les clients. Ils falsifient les factures de l’eau ou de l’électricité et bénéficient en contrepartie 10 % de la facture », regrette le ministre Manirakiza. 

Certains agents utilisent des taxis-voitures lors des interventions sur terrain. Ce qui alourdit les charges de l’entreprise alors qu’il y a des véhicules de liaison destinées à cette fin. Les gens ont créé des petites sociétés qui font la sous-traitance à la Regideso. Et cela se fait au vu et au su de tout le monde, fait savoir le ministre Manirakiza. D’autres, ne veulent pas que la production de l’énergie augmente, car ils tirent profit du déficit énergétique.

La situation est telle qu’elle est alors des milliers de ménages sont privés d’électricité au Burundi. De plus, les unités de transformation dispersées un peu partout dans le pays peinent à fonctionner faute d’électricité. Dans nos éditions ultérieures, nous reviendrons sur les mesures d’urgence prises par la direction générale pour inverser la tendance. 

A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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