Environnement

Les déchets municipaux, un potentiel peu exploité

La problématique de la gestion des déchets est loin d’être maîtrisée. Pourtant certains pays réussissent à mettre en œuvre des programmes ambitieux de valorisation des déchets. Dans les lignes qui suivent, Burundi Eco vous fait découvrir comment transformer les déchets qui étaient jadis considérés comme une malédiction en une opportunité de développement

Dans les pays du Nord, le recyclage est en général obligatoire. Les gouvernements lèvent des taxes liées à l’élimination des déchets. « Par contre dans nos pays, il n’y a pas de taxe pour couvrir le recyclage. La première chose à faire est de mettre en place une loi spécifique à l’élimination des déchets », fait savoir Pr. Théophile Ndikumana, chimiste-physicien.

Les déchets municipaux ne devraient pas être une ménace, mais plutôt une opportunité de développement

Le tri sélectif, une étape cruciale

La gestion des déchets repose sur un système efficace de collecte des déchets. Pour ce faire, la collecte doit se faire minutieusement des ménages jusqu’aux centres de recyclage. Pour réussir cette activité, les écologistes proposent à chaque ménage de disposer d’au moins trois à quatre bacs poubelles. (Voir encadré) Il est à noter que les déchets dangereux tels que les médicaments périmés, les piles sèches et autres équipements électroniques sont directement acheminés vers les déchetteries pour un traitement spécifique. Il existe des poubelles dédiées aux plastiques, aux papiers et autres emballages recyclables, aux produits en verre et aux métaux. Dans ces conditions, les déchets municipaux seront utilisés pour produire de l’électricité, des briquettes combustibles, des engrais organiques (le compost), du gaz, de l’eau, des pavés ou servir dans le bitumage.

La Suède, championne du tri sélectif

Les informations rapportées par nos confrères de la télévision France 24 démontre que la Suède est un bon élève en matière de gestion des déchets. Ce pays a réussi à faire de ses déchets une mine d’or. La chaleur qui provient de la combustion des déchets non recyclables est utilisée pour produire de l’électricité et une autre partie de ces déchets est revendue pour réchauffer les maisons, surtout pendant l’hiver. Le système est performant de telle manière que la Suède importe les déchets pour faire fonctionner ses usines. Ainsi en 2016, la Suède a importé 1,4 millions de tonnes d’ordures. Un service que les pays d’où proviennent ces ordures paient 36 Euros par tonne, soit un chiffre d’affaires annuel estimé à 50,4 millions d’Euros (c’est l’équivalent de 151 200 000 000 FBu au taux officiel de 3000 FBu par Euro).

Une expérience inédite en Afrique

L’Afrique n’a été pas en laisse. L’Ethiopie vient d’inaugurer la centrale électrique de Reppie (décharge publique dont la taille est d’environ 36 terrains de football) qui produira l’énergie à partir des déchets. Premier du genre sur le continent, l’infrastructure a une capacité de production de 25 MW. Le coût du projet s’élève à 120 millions USD. La centrale transformera environ 1 400 tonnes de déchets par jour.  Sa production alimentera 30% des ménages vivant dans la capitale Addis-Abeba, rapporte l’agence Ecofin. En plus de l’électricité, l’usine de valorisation énergétique produira trois millions de briques à partir de cendres résiduelles et 30 millions de litres d’eau seront récupérés des déchets.

La bio-méthanisation, une alternative au charbon

La production du biogaz ou bio-méthanisation est un procédé simple de valorisation des déchets organiques consistant en leur dégradation en l’absence d’oxygène (digestion anaérobie). Cette technique conduit à la production d’un mélange gazeux appelé biogaz dont le gaz principal est le gaz méthane (CH4). Le biogaz produit à partir des déchets organiques devient une source d’énergie renouvelable, estime M. Lucien Citeretse, dans son étude réalisée sur les perspectives pour une gestion durable des déchets.

Pour le cas de notre pays, la production du biogaz constitue une meilleure opportunité surtout dans un contexte où l’utilisation du charbon encourage le déboisement. Chaque année, la population urbaine consomme 104 718 tonnes de charbon de bois. Cette consommation entraîne une perte annuelle de 6 980 ha de couvert forestier, alertent les experts. D’ici 30 ans, le couvert forestier du Burundi, estimé à 171 625 ha, pourrait disparaître, préviennent-ils. Ce qui explique l’urgence de trouver des produits des substitutions du charbon.

Les initiatives de recyclage de déchets municipaux méritent d’être soutenues

Le recyclage du verre et du plastique

Le verre, une fois collecté, part directement vers les centres de tri moderne. Il y est effectué le tri proprement dit. Les opérateurs procèdent au classement des verres selon leurs composants. Les verres sont nettoyés puis broyés avant d’être acheminés vers les verreries où elles servent de matières premières. Le Burundi ne dispose pas actuellement d’une verrerie. La naissance de la société Russo-Burundiaise Tanganyika Lisma Ligthing Innovation (TTLINNO), spécialisée dans la fabrication des produits lumineux laisse espérer que l’usine de fabrication des bouteilles en verre (ex-Verrundi) soit de nouveau fonctionnel.

La plupart des plastiques incolores sont lavés puis fragmentés pour servir de matières premières à la fabrication des bouteilles plastique. Les plastiques colorés ou opaques sont collectés à part et sont recyclés. Ils servent à la fabrication des tuyaux en PVC, des tôles, des arrosoirs, des seaux, des panières en plastiques etc. Certains pays utilisent les plastiques fondus pour renforcer le bitumage des routes.

Un projet innovant dans le secteur de l’environnement

Egide Nahimana, président de l’Association de Valorisation des Déchets en Plastique au Burundi (AVDPB) a initié un projet de recyclage des déchets plastiques en pavés. Près de 250 agents (ex-enfants de la rue, chômeurs) participent à la collecte des bouteilles, des sachets et d’autres flacons en plastique. Ils gagnent entre 300 FBu et 500 FBu par kilo de sacs plastiques collectés. Pour fabriquer les pavés, on procède par fusion et moulage en passant par le mélange des plastiques fondus avec du sable », explique M. Nahimana. L’unité de transformation est encore au stade embryonnaire. La capacité de production oscille entre 300 et 400 pavés par jour. Dans ses perspectives, l’AVDPB prévoit une production à grande échelle et la diversification des produits dérivés des plastiques (les planches, les carreaux, les tôles, etc).

Par ailleurs, Pr. Ndikumana prévient que la combustion des plastiques dégage des gaz nocifs à l’organisme. «La fonte des plastiques dans les fours artisanaux est extrêmement dangereuse. Celui qui exerce cette activité s’expose à des gaz toxiques et pollue son entourage immédiat. A la longue les particules finissent par atteindre la fameuse couche d’ozone qui nous protège contre le rayonnement solaire nocif. Donc ces fours artisanaux sont à proscrire», dit-il.

Les déchets en acier, générateurs de revenus

Les emballages en acier sont récupérés puis compressés et enfin expédiés vers les industries. Une fois arrivé dans les aciéries, le métal compressé est fondu et réutilisé dans la fabrication de divers matériaux. A titre illustratif, il faut 19 000 boîtes de conserve pour faire les parties métalliques d’une voiture. Cela prouve à suffisance que les déchets métalliques constituent non seulement une opportunité d’emplois, mais aussi un apport au développement.

Les investisseurs commencent à s’intéresser au recyclage des métaux dans notre pays. Depuis 2012, l’entreprise « Iron and Steel » fabrique les fers à béton à partir des déchets métalliques collectés à travers tout le pays. Avec un chiffre d’affaires d’à peu près 4 millions USD, l’entreprise emploie plus ou moins 200 unités. Sa capacité de production est de 20 tonnes de fers à béton par jour.

Le rôle du gouvernement est indéniable dans la réussite de tels projets au Burundi. Celui-ci doit confectionner des politiques de gestion durable des déchets qui serviront de boussole aux investisseurs potentiels. Dans ce sens, le Plan National de Développement (2018-2027) prévoit l’aménagement d’une centrale thermique à base des déchets municipaux. La centrale aura une capacité de 30 MW et sera réalisé dans le cadre du Partenariat Public Privé (PPP). Dans l’entretemps, le ministre en charge de l’environnement prépare une stratégie de gestion des déchets qui sera publié prochainement.

A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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