Développement

Regideso : Le champ est vaste pour le nouveau D.G

Dans le viseur du Président de la République, la Regideso vient de changer de main. Malgré tout, cette société s’efforce à tenir la tête hors de l’eau. Des défis et des projets, le nouveau patron de cette société a du pain sur la planche

La santé financière de la Regideso s’améliore. Cette société n’a plus de dettes envers ses créanciers. « Le chiffre d’affaires a augmenté de 56 milliards de FBu en 2017 à 107 milliards de FBu en 2019. Le bilan vire vers le positif. Il était de -8 milliards de FBu en 2017 contre – 2 milliards de FBu en 2019 », a révélé Siméon Habonimana lors des cérémonies de remise et reprise ce lundi 19 janvier 2021. Cet ancien patron de la Regideso certifie que le bilan sera largement positif.

Dr Major Jean Albert Manigomba a été nommé à la tête de la Regideso. Il aura la lourde responsabilité de redresser la santé financière de cette société de distribution d’eau et d’électricité.

A la prise de ses fonctions en juin 2018, M. Habonimana affirme que la Regideso était en ruine. « La trésorerie était de plus de 1,8 milliards de FBu et les dettes s’élevaient à 38,7 milliards de FBu et les créances envers la Regideso étaient estimées à 26 milliards de FBu ». Ainsi, le recouvrement forcé était impératif pour redresser la pente.

Le montant non recouvré reste élevé

La Regideso dispose d’un montant de 12 milliards de FBu sur ses comptes, mais l’Etat lui doit 16 milliards de FBu. L’économiste Léonidas Ndayizeye tente d’éclairer ce contraste. Nul n’ignore le gaspillage de l’eau et de l’électricité dans les établissements publics. Les factures s’accumulent alors que les budgets alloués à cet effet deviennent insuffisants. En conséquence, ces établissements, généralement d’intérêt public (écoles, hôpitaux, camps militaires, etc.) ne paient pas et les arriérés augmentent d’année en année. Ce qui peut justifier le montant élevé dû par l’Etat à la Regideso.

Normalement, les créances doivent faire l’objet de recouvrement à l’échéance. Si ces créances ne sont pas recouvrées, cela doit naturellement peser sur la capacité de production de l’entreprise et réduire la qualité de ses services, avertit-il. Pour lui, il devrait donc y avoir toute une série de mesures impliquant des changements de comportements, que ce soit dans le management de la Regideso ou dans les habitudes de paiement des factures par l’Etat.

Toujours du pain sur la planche

Les charges de l’entreprise pèsent lourdement sur la santé financière de l’entreprise. En 2019, a pu enregistrer 107 milliards de FBu de recettes, mais elle a dépensé presque 62 milliards de FBu pour acheter de l’énergie à la centrale thermique exploitée par la société Interpetrol. A la même période, elle devrait payer 2,4 milliards de FBu de commissions à la société PayWay Burundi, a précisé M. Habonimana.

La vétusté du réseau de distribution de l’eau entraine des pertes estimées à 40%.

Malgré les difficultés auxquelles elle fait face, la Regideso essaie de garder la tête hors de l’eau. Plusieurs projets sont en cours. L’alimentation en eau potable et le raccordement à l’électricité de certains quartiers de la ville de Bujumbura comme Carama, Gahahe et ceux du Sud de la capitale économique, la modernisation au niveau de la gouvernance de la société sont les uns des projets en cours.  D’autres projets concernent la réhabilitation des installations électriques dans la municipalité de Bujumbura. Pour renforcer son système de recouvrement, la Regideso va installer 600 compteurs intelligents pour les 600 grands consommateurs de courant. Il y aura également la construction d’un immeuble à 3 niveaux pour abriter les projets de cette entreprise. Cela va permettre d’épargner les frais de location qui s’élèvent à 33 millions de FBu par mois.

Le nouveau DG retrousse les manches

Dr Major Jean Albert Manigomba annonce qu’il vient à la Regideso pour accélérer les dossiers ayant connu une certaine avancée positive avant mon arrivée. Nouvellement nommé à la tête de cette société, il est conscient de la tâche qui l’attend. Convaincu que les problèmes à résoudre ne manquent pas, le nouveau patron de la Regideso ne promet pas de miracles, mais compte pouvoir mener à bon port sa mission. « Les méthodes à mettre en branle me seront dictées par la situation réelle des dossiers dont je vais commencer à m’imprégner sans tarder », a-t-il indiqué.

La privatisation, une solution prévisible

La Regideso est accusée de ne pas être à la hauteur de sa mission et la privatisation semble être une des solutions envisageables pour relever le défi. Interrogé sur les stratégies à adopter pour un meilleur rendement de cette société, Pr Léonidas Ndayizeye, enseignant chercheur à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FSEG) a tenté une explication. Pour lui, la privatisation peut être une des solutions à emprunter pour développer cette entreprise à caractère commercial.

Cependant, ce chercheur a révélé les deux faces de la privatisation. « L’expérience a montré que peu de gouvernements ont une idée claire et précise des étapes requises pour assurer la mise en œuvre efficace d’une privatisation, de la planification jusqu’au suivi du transfert », avertit cet expert.  «Les gouvernements ont tendance à procéder rapidement à une privatisation complète, alors qu’une alternative moins radicale aurait pu se révéler plus profitable», conseille-t-il. Une analyse aussi précise que possible de la situation du secteur en question au cas où un gouvernement choisirait de procéder à une privatisation.

La vétusté du réseau électrique entraine des pertes estimées à 25%.

La privatisation n’est pas toujours bénéfique

« …dans la plupart des cas, les multinationales acquéreurs ne font pas mieux que les entreprises publiques. Non seulement elles revoient à la hausse les coûts des biens et/ou des services qu’elles offrent, mais aussi la qualité de leurs services n’est pas pour autant améliorée. Des fois, on se retrouve d’ailleurs avec une qualité moindre, pour un coût plus élevé », prévient Pr Ndayizeye.

Il cite le cas du Mali où la privatisation a aggravé la situation des entreprises publiques. Le Mali a vendu ses entreprises d’électricité et d’eau au groupe français Bouygues, à la fin des années 90. Du coup, les tarifs de ces deux secteurs ont bondi de 60% entre 1998 et 2002 en raison, selon la multinationale, des coûts liés à la construction de nouvelles infrastructures. Une hausse fulgurante des mauvais payeurs s’en est suivie mais, surtout, la colère populaire a commencé à se faire entendre sur cette hausse de prix.

Par conséquent, relate Pr Ndayizeye, le gouvernement a contracté un prêt de 11 millions d’euros auprès des institutions internationales afin que Bouygues puisse baisser les tarifs de 10% en 2003. L’on voit donc que la privatisation ne constitue pas un gage de diminution des dépenses de l’Etat. D’ailleurs, en 2007, le gouvernement malien a dû décider de renationaliser l’entreprise d’eau et d’électricité. Ce sont des questions auxquelles il faut accorder beaucoup d’attention. Des études préliminaires doivent être menées par des organismes, ou des centres d’étude soigneusement choisis, et nantis d’une solide expérience, d’un bon savoir et d’un savoir-faire exceptionnel en la matière, conclut-il.

Chose promise, chose due  

Pour rappel, le chef de l’Etat s’est exprimé sur la mauvaise gestion de la Regideso. Il a déclaré que la Regideso a échoué dans sa mission de distribuer l’eau et l’électricité. Réagissant avec véhémence, le Chef de l’Etat leur a asséné un direct à l’estomac. « Nous allons leur retirer la responsabilité de gérer l’eau et l’électricité pour l’accorder à d’autres qui pourront générer des bénéfices », avait-il laissé entendre lors d’une émission publique animée au chef-lieu de la province de Ngozi le 30 décembre 2020.

A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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