Editorial

Filière-café: les investisseurs privés en débandade ?

La nationalisation de la filière-café décourage les efforts des investisseurs privés. La mise en place de l’Office pour le Développement de la Filière du Café (ODECA) est un coup dur pour de nombreux opérateurs du secteur café. Depuis la libéralisation de ce secteur, les opérateurs économiques privés se sont emparés de cette filière. Le gouvernement reproche à ces derniers d’avoir travaillé pour générer des profits au détriment des petits producteurs. D’où la mise en place de l’ODECA, un organe de l’Etat à la fois régulateur et opérateur.

Benjamin Kuriyo, Directeur de publication

Le réengagement de l’Etat dans la filière café a fait couler beaucoup d’encre et de salives. Il s’agit d’une restructuration profonde de toute une filière avec des incidences sur la chaine de valeur. L’ODECA s’occupe de toutes les activités qui étaient confiées aux organes issus de la politique de désengagement de la filière café en l’occurrence la Confédération Nationale des Associations des Caféiculteurs (CNAC-MURIMA W’ISANGI), l’INTERCAFE, les Sociétés de Gestion des Stations de Lavage du Café (SOGESTAL) et la Société de Déparchage et de Conditionnement du Café (SODECO). Au début, il a été constaté des anomalies dans la mise en œuvre de cette politique de tâtonnement notamment au niveau de la collecte des cerises car la plupart des stations de lavage étaient aux des privées. Il importe de signaler que la nationalisation de la filière valorise progressivement les caféiculteurs. Le prix au producteur est passé de 500 FBu à 700 FBu. De plus, le paiement des caféiculteurs intervient à temps. Ce décourage la pratique de l’usure.

Il est à noter que le secteur café fait face à de nombreuses contraintes récurrentes. Le pouvoir d’achat des caféiculteurs reste limité. Ainsi, les caféiculteurs éprouvent des difficultés pour des intrants agricoles en quantité suffisante. A cela s’ajoute le manque de matériel et l’impossibilité d’embaucher une main d’œuvre salariée. La faible fertilité des sols, le vieillissement du verger caféicole, la mauvaise application des techniques culturales (tailles, paillage, fertilisation, désinsectisation …), les perturbations climatiques (grêle, sécheresse, pluies irrégulières) et les insectes ravageurs pèsent lourdement sur la filière café.  La production du café n’est pas satisfaisante. Pour la campagne café 2019-2020, les projections estimaient la production à 75 928,6 tonnes de café cerise, mais la production n’a pas dépassé 47 845,6 tonnes. Cette chute de la production est liée au phénomène dit de cyclicité. « L’abondance de la production est souvent accompagnée par une chute de la production », commentent les connaisseurs de la filière-café.  La production qui était attendue au cours de la campagne café 2020-2021 était de 136 792 tonnes de café cerise, mais la quantité de café cerise collectée est estimée à 73 020, 191 tonnes. Cette fois-ci, le ministre en charge de l’environnement, de l’agriculture et de l’élevage parle du changement climatique comme principale cause de la chute de la production.

Pour pallier à ces défis le gouvernement a initié un projet pour promouvoir la filière-café. Il s’agit du Projet d’Appui à la Compétitivité du Secteur Café (PASC) financé par la Banque Mondiale à hauteur de 50 millions USD intervient dans les activités de renouvellement des vergers caféicoles, la promotion de la culture intercalaire, l’amélioration de la qualité du café, etc.

Malheureusement, le projet sera clôturé prématurément. La Banque Mondiale est dans l’impossibilité de poursuivre les activités dudit projet. « La mise en place de la politique de redressement de la filière café en janvier 2020 en lieu et place de la stratégie 2015-2021 de relance de la filière-café sur base de laquelle était conçu le projet, du fait que la mise à l’écart des agences d’exécution du projet figurant dans l’accord de financement ne permet pas un certain nombre d’activités… », lit-on dans une correspondance adressée au ministre des Finances, du Budget et de la Planification économique le 17 mars 2021. Ainsi le projet sera clôturé le 30 juin 2021 alors que les travaux devraient prendre fin en 2023. Cependant, la Banque Mondiale va continuer à appuyer toutes les activités de nature à soutenir la productivité du café.

Le Burundi devrait miser sur l’amélioration de la qualité de son café pour concurrencer les mastodontes de la filière-café, notamment le Brésil qui produit plus de 3 millions de tonnes de café par an.

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Benjamin Kuriyo.

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