L’efficacité de l’Agence Nationale de Gestion du Stock Stratégique Alimentaire (ANAGESSA) est aujourd’hui une des préoccupations des Burundais. La flambée des prix des produits de consommation courante et le mauvais entretien des stocks inquiètent la population. Burundi Eco revient sur la naissance tumultueuse et l’état des lieux de ce projet
Après deux ans de sa naissance, les espoirs placés dans le projet ANAGESSA s’effritent. Mis en place par un décret présidentiel en mai 2018, ce projet s’inscrit dans la droite ligne de la politique socio-économique du pays. Le gouvernement défendait bec et ongles son projet consistant à éviter une mauvaise gestion des récoltes pour se prévenir contre la famine. Dr Déo Guide Rurema, ministre en charge de l’agriculture et de l’élevage de l’époque a toujours été optimiste quant à l’augmentation de la production. Dans les déclarations du ministère, il fallait mettre en place un mécanisme de gestion d’une bonne récolte de maïs en vue.
Les déclarations des autorités pour justifier la raison d’être de ce projet étaient, on ne peut plus, claires. « ANAGESSA a été créée pour trouver des solutions aux problèmes de gestion des récoltes en vue de garantir une réserve alimentaire physique dans le cadre de la lutte contre les disettes », expliquait Emmanuel Ndorimana alors secrétaire permanent au ministère en charge de l’agriculture en septembre 2019. Pour les autorités, il fallait aussi mettre fin à la spéculation entretenue par les commerçants sur la commercialisation des produits agricoles.
Un résultat largement mitigé
En deux ans, un gouffre important s’est creusé entre le résultat escompté et celui obtenu. Le prix du maïs grain a poursuivi son éternel volatilité. Le prix de vente de 1080 FBu / kg imposé aux commerçants sur le marché n’a jamais été respecté. « A la date du 26 octobre 2021, au marché communément appelé « Chez Sion » et au marché de Cotebu, le prix d’un kilo de maïs grain varie entre 1250 et 1800 FBu selon les variétés », constatait l’hebdomadaire Burundi Eco fin octobre 2021. Aujourd’hui, le prix de cette denrée aînée des stocks d’ANAGESSA est un de ceux qui s’affolent le plus sur le marché, atteignant 2000 FBu/kg.
La problématique liée à la mauvaise conservation des denrées alimentaires est aussi à relever. La récente révocation de ses fonctions le 27 octobre du directeur général de l’ANAGESSA, à la suite de la découverte d’un stock de maïs grain pourri a provoqué un tôlé de critiques.
Les observateurs jugent le projet en panne
« Les grosses difficultés actuellement observables au niveau de ce projet pourraient témoigner l’existence des problèmes dans son élaboration », conclut Pierre Claver Nahimana, ancien député ayant occupé différents postes dans les gouvernements qui se sont succédés aujourd’hui aux commandes du parti sahwanya Frodebu. Pour lui, deux causes seraient à l’origine de cette panne décelée au niveau du fonctionnement de l’ANAGESSA : la mauvaise élaboration ou le manque de moyens pour le faire fonctionner. Il revient sur le projet de conservation de la récolte sous la deuxième république et rappelle que la production était suffisante. Pour lui, il faut aujourd’hui mettre en place de petits projets d’appui pour aider la population à mieux gérer elle-même sa récolte.
Il rappelle que cette politique ne date pas d’hier et qu’elle est liée à la culture même des Burundais. A propos du contexte de création de l’ANAGESSA, Ir Nahimana tente d’établir une corrélation entre la croissance de la population et celle de la production. « L’augmentation de la production n’a pas suivi la croissance de la population. La récolte n’est donc pas suffisante pour avoir un excédent à conserver dans de gros greniers publics », explique-t-il.
Tout de même, Faustin Ndikumana, président et représentant légal de Parole et Action pour le Réveil des Consciences et l’Evolution des Mentalités (PARCEM) pense qu’il faut d’abord augmenter la production agricole. Critique, cet économiste et activiste ne comprend pas comment le gouvernement peut mettre en place des mécanismes de gestion d’une récolte qui n’est pas encore là et fustige la raison d’être dudit projet.
Quid de l’évaluation du projet ?
Pour Pierre Claver Nahimana, «c’est impossible que ce projet continue à fonctionner sans évaluation». Il ne croit pas que le seul limogeage des responsables de ce projet permettra de le faire bien tourner. Il recommande une stricte évaluation du projet et appelle le gouvernement à faire appel aux experts indépendants à l’instar de ceux du ministère concerné pour trouver des solutions durables.
Joint au téléphone, le ministre de tutelle évité de se prononcer sur l’évaluation de ce projet. Selon Dr Ir Sanctus Niragira, la conception du projet est bonne au niveau des textes. Cependant, il affirme avoir déjà mis en place une commission technique en collaboration avec le conseil d’administration de l’agence pour chercher les voies de solutions aux difficultés rencontrées.
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