Société

« Père inconnu » ou peur dissimulée ? 

Derrière le « père inconnu » se cache souvent une histoire non racontée, une peur non exprimée. Avant de forcer les mères à révéler les pères de leurs enfants lors de l’enregistrement dans les livres de l’état civil, Patrice Saboguheba propose de garantir d’abord leur sécurité et de rendre disponibles les test ADN pour éviter qu’il y en aient qui soient faussement accusés.

Le sociologue Patrice Saboguheba : « Sans aucune mesure d’accompagnement, cela pourrait causer plus d’ennuis que de bien ».

« Se w’umwana amenywa na nyina », disent souvent les Burundais pour expliquer que c’est seule la maman qui connait le vrai père de son enfant. Mais parfois, il peut arriver des cas où même cette maman ignore le vrai auteur de sa grossesse, pour les cas de viol par exemple ou celles qui font des rapports sexuels avec plusieurs partenaires. Dans de tels cas, lors de l’enregistrement de ces enfants à l’état civil, dans la place du père, il sera mentionné « Père inconnu ». C’est triste, mais il n’y a pas d’autres choix.

Pourtant, il y a également des fois où la mention « père inconnu » lors de l’enregistrement de l’enfant à l’état civil soit une échappatoire. Comme l’explique le sociologue Patrice Saboguheba, « le père inconnu » ne signifie pas toujours qu’il est inconnu. Parfois une maman refuse de révéler le père de l’enfant juste pour cacher une longue histoire qui se trouve derrière tout cela. Une histoire qu’elle a soit honte de raconter, soit peur de s’exprimer sous peine de se créer des ennuis ou de risquer sa vie. Selon lui, une fille engrossée par un administratif, son employeur ou une autre personne influente n’aura jamais le courage de le dénoncer. De même, une fille engrossée par un membre proche de sa famille aura honte de dénoncer cette inceste de peur de voir sa famille divisée », explique Saboguheba. Les enfants nés dans de telles conditions porteront officiellement cette identification de « père inconnu » bien que leurs papas soient connus.

 « On va les forcer à dénoncer »

« Que veut dire un père inconnu ? C’est-à-dire que ces enfants sont nés des arbres ou des vaches ? Nous allons forcer leurs mamans à révéler les pères ces enfants, car sûrement qu’elles les connaissent », fait savoir Martin Niteretse, ministre de l’Intérieur lors d’une rencontre avec les gouverneurs des différentes provinces.

Selon Saboguheba, obliger les mères célibataires à révéler les auteurs de leurs grossesses comme le souhaite le ministre de l’Intérieur est une excellente initiative. Cela pourrait remettre dans leurs droits ces enfants qui risquent de porter toute leur vie le chagrin de ne pas connaître leurs pères. Toutefois, selon ce sociologue, sans aucune mesure d’accompagnement, cela pourrait causer plus d’ennuis que de bien.

L’obligation de dénoncer pourrait faire qu’une personne soit accusée d’être le père de l’enfant à tort. « Le seul test qui peut révéler le vrai père de l’enfant c’est le test ADN. A moins qu’il soit rendu disponible dans les différentes structures sanitaires, beaucoup de personnes seraient faussement accusées », fait-il savoir. Pour celles qui craignent pour leur sécurité, Saboguheba propose de leur garantir d’abord leur sécurité avant de les obliger à dénoncer.

A propos de l'auteur

Florence Inyabuntu.

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