Le Burundi se meurt. Cette phrase est tirée de la conclusion d’une analyse d’un économiste intitulée « POURQUOI LE BURUNDI EST–IL SI PAUVRE ? ». Le travail relève les causes profondes de la pauvreté en mettant un accent particulier sur les défaillances des pouvoirs publics qui se sont succédé, mais surtout les réformes qui n’ont pas été entreprises ou qui l’ont mal été. L’heure est aujourd’hui au changement, selon lui.
André Nikwigize, l’économiste auteur de l’analyse avance 10 causes principales qui font que le pays sombre dans une pauvreté sans précédent. Pour cet économiste, les causes de la pauvreté sont multisectorielles et interdépendantes. Avec des chiffres, il montre qu’au fur des années la situation a empiré. Des réformes immédiates qui répondent aux besoins des Burundais sont plus que nécessaires. Et il dit : « Les problèmes du Burundi seront réglés par les Burundais eux-mêmes ».
Une démographie qu’on n’a pas su rentabiliser
Ce n’est qu’un secret de polichinelle. Le Burundi est l’un des pays ayant une forte densité de population dans le monde. Nikwigize revient sur ce point avec des chiffres : la population burundaise est passée de 2,8 à 12,9 millions d’habitants entre 1962 et 2022. Sur une superficie cultivable de 25.700 km², la densité démographique est passée de 109 habitants par km² en 1962 à 501 habitants par km² en 2022.
Par conséquent, cette démographie galopante a fait que les terres cultivables disponibles se dégradent progressivement. « Le Burundi s’est engagé dans des pratiques agricoles médiocres, la déforestation, la surexploitation des terres cultivables et des herbages qui épuisent la fertilité de la terre et sèment les graines de la faim », indique-t-il. Cette situation favorise à son tour la faim, la malnutrition et les maladies y relatives.
Toutefois, l’académicien trouve que la démographie, si elle est bien maîtrisée ne devrait pas constituer une menace. Et par maîtrisée, il ne veut pas dire limiter les naissances, mais plutôt en tirer profit. « Le Burundi pourrait bénéficier énormément de la capture de son dividende démographique et tirer des millions de Burundais de la pauvreté à condition d’investir dans la formation et l’augmentation des capacités de la jeunesse, d’autonomiser les femmes, d’améliorer la santé de la population et de réduire les inégalités sociales ».
L’investissement relégué aux oubliettes
Dans cette analyse, Nikwigize évoque le fait de privilégier les dépenses publiques au détriment de l’investissement privé sauf si ce dernier ne profite qu’à certains dirigeants. Il montre la réticence de l’investisseur étranger suite aux facteurs qui sont instaurées, notamment les interférences des politiciens dans les affaires du secteur privé, la justice qui ne protège pas les investissements privés, ainsi que la corruption.
Plus de 90% des Burundais exercent l’agriculture comme leur activité principale. Cependant, l’économiste Nikwigize montre que l’investissement dans ce secteur a été mis au bas de l’échelle. Il expose par exemple que gouvernement investit à peine 8% du budget national dans l’agriculture contre 22% en 1985. Par la suite, ce secteur a contribué pour 33% comme valeur ajoutée au PIB national en 2022 alors qu’il était à 68% en 1985. Une cause valable des crises alimentaires et de l’extrême pauvreté dans laquelle baigne le pays selon lui.
Nikwigize trouve que c’est une erreur politique fondamentale que le Gouvernement dépense actuellement d’énormes sommes d’argent sur le budget national pour l’élevage des lapins, mais délaisse les cultures vivrières et d’exportation.
Victime d’une mainmise de l’extérieur
Le Burundi a longtemps dépendu de l’extérieur pour financer son commerce extérieur, pour alimenter ses réserves en devises et son investissement, soit par des dons ou par des prêts des partenaires au développement et des institutions financières internationales. Et, malgré l’annulation de certaines dettes, les montants de la dette extérieure restent importants, analyse-t-il . Dans cette analyse, ce professeur d’université montre qu’il suffit que, pour des raisons politiques et/ou de mauvaise gouvernance, les donateurs extérieurs ferment les robinets pour que le chaos s’installe.
Pas que cela. Quand il s’agit d’entreprendre des réformes de transformation de l’économie, ces dernières sont dictées et imposées par ces institutions internationales qui conditionnent leurs appuis financiers. La main qui donne, c’est la main qui possède, dit-on. Malheureusement, conclut l’économiste, l’expérience a montré que les réformes imposées de l’extérieur ne répondent pas nécessairement aux préoccupations de la population
Dans son analyse, il évoque aussi un système éducatif inadapté aux besoins de développement national, la persistance des tensions politiques et des meurtres des populations civiles, la mauvaise gouvernance et le manque de transparence de l’administration mais encore le fait que le citoyen n’est pas considéré comme acteur et bénéficiaire du développement.
Pour lui, tous ces facteurs ont enfoncé le pays dans une pauvreté sans précédent. Et il conclut : « il est temps que le Gouvernement du Burundi entreprenne des réformes qui répondent réellement aux préoccupations des populations, par les populations et pour les populations, dans un cadre de concertation démocratique ».
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