Les conventions minières sont suspendues jusqu’à nouvel ordre. Cette décision a été prise par l’Etat dans l’optique de renégocier les contrats avec les industries extractives. Le gouvernement dénonce un déséquilibre au niveau des clauses. Les experts proposent la révision du cadre légal régissant le secteur minier et la valorisation des produits miniers avant l’exportation
Le gouvernement burundais a récemment suspendu les activités des sociétés minières. Pour cause, l’Etat ne profite pas des ressources minières. Les industries extractives exploitent le sous-sol burundais, mais le pays ne bénéficie pas d’une juste part des revenus générés par l’exploitation des minerais.
Léonidas Sindayigaya, porte-parole du ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines précise que le gouvernement veut renégocier les contrats avec les sociétés minières. L’objectif est de redynamiser le secteur minier pour que toutes parties prenantes en tirent profit. Il a été constaté qu’il y a un déséquilibre au niveau des conventions minières et lesdites conventions sont constamment violées, justifie M. Sindayigaya. Le professeur Steve De Cliff, expert qui siégeait au conseil d’administration de Rainbow Mining Burundi charge les sociétés minières qui s’enrichissent au détriment de l’Etat.

Les minerais doivent être traités sur place. Cela permettrait d’évaluer à juste valeur les recettes minières.
Les conséquences se font sentir
Pour le moment, les activités d’extraction sont complètement à l’arrêt. Les sites d’exploitation des terres rares sont au point mort. Au site de Gakara, l’endroit est noir de monde et aucun engin d’extraction n’est sur place. Un des ouvriers de la société Rainbow Mining Burundi regrette la fermeture du site. Il fait savoir que la société n’a pas honoré ses engagements en termes de rémunération et demande de tenir compte dans l’élaboration de nouvelles conventions minières.
Pour le moment, les exploitants vivent dans des conditions pénibles, car ils n’ont pas de revenus. Dans la province de Muyinga, les coopératives minières sont fortement touchées par la mesure de suspension des conventions minières. Les exploitants artisanaux manquent de débouchés et ont été sommés de suspendre leurs activités. A Kamaragambo en commune Butihinda, les orpailleurs désenchantent. Les zones aurifères sont jalousement gardées jusqu’à nouvel ordre.
Une décision plutôt salutaire
Les habitants de la commune Mutambu disent ne pas tirer profit de l’exploitation minière. Ils donnent raison au gouvernement. La suspension des conventions minières arrivent à point nommé. Les sociétés minières exploitent nos terres, mais on ne gagne rien en contrepartie, déplorent-ils.
La population réclame la mise en œuvre des projets prévus comme la réhabilitation des routes, les indemnisations et plus de transparence dans le traitement des minerais.
D’après Pamphile Malaika, député élu dans la circonscription de Muyinga, la décision devrait précéder la phase de développement des sociétés minières. « Il n’est jamais tard pour mieux faire », lâche-t-il. Il salue la décision du gouvernement.
La corruption, un cancer pour l’économie
Pour bien renégocier les contrats, le gouvernement devrait préparer un groupe d’experts nationaux qui vont donner du fil à retordre aux multinationales en vue de protéger les intérêts du pays, fait savoir Prudence Bararunyeretse, chercheur et professeur d’universités.
En outre, insiste-t-il, l’Etat devrait exiger aux sociétés minières le transfert des compétentes et de la technologie. L’autre défi est lié à la volatilité des cours des matières premières. Ce qui déstabilise les économies africaines. Là où le bât blesse la corruption plane sur l’exécution des contrats miniers. Cet économiste souligne que la corruption bloque les processus de négociation des contrats.
Dans ces conditions, l’encadrement de l’activité des sociétés extractives est remis en cause. Pour le porte-parole du ministère en charge des mines, il n’y a pas de fumée sans feu. Il signale l’absence de contrôle régulier au niveau des sites miniers. Il espère tout de même qu’au niveau du nouveau dynamisme, le gouvernement va corriger ce tort.

Les industries extractives exploitent le sous-sol burundais, mais le pays ne bénéficie pas d’une juste part des revenus générés par l’exploitation des minerais.
La valorisation des minerais est indispensable
L’expert propose la mise en place des industries de raffinage pour exporter les produits finis. Le traitement des produits miniers au niveau local crée de nouveaux emplois. Le porte-parole du ministère en charge des mines abonde dans le même. Dans la mesure du possible, les minerais doivent être traités sur place. Cela permettrait d’évaluer à juste valeur les recettes minières. On évolue vers là, car le développement de la mine prend du temps, rassure-t-il. Le constat des experts est sans appel. Les sociétés minières exportent les produits intermédiaires et échappent à tout contrôle de l’Etat. « Les nouvelles conventions minières doivent exiger aux sociétés de traiter les minerais avant l’exportation », tranche prof De Cliff. Il propose la révision du code minier car certaines dispositions accordent plus d’avantages aux multinationales, laisse-t-il entendre. Pour le député Malaika, il faut mener des études géologiques sur les gisements miniers du pays. Ainsi, le gouvernement devrait suivre de près les travaux de prospection et de recherche pour qu’il n’y ait pas de tricherie.
Que faire pour redynamiser le secteur minier ?
Il faut des laboratoires d’analyse pour identifier quel type de minerais et estimer les quantités, propose le député Malaika. Et il ajoute que l’Etat devrait finaliser le processus d’adhésion à l’ITIE (Initiative pour la Transparence des Industries Extractives) pour plus de transparence dans la gestion des ressources naturelles.
L’économiste propose la mise en place des textes qui équilibrent les intérêts de l’Etat et des sociétés minières. Pour lui, il faut investir davantage dans le capital humain. En ce sens, l’Etat doit organiser des filières de formation connexes au secteur minier. Et, pourquoi pas ne pas envoyer des experts à l’étranger, suggère le chercheur.
La malédiction ?
Le pays dispose de ressources minières, mais ces richesses ne profitent pas à l’ensemble de la population et parfois les mines peuvent être à l’origine des conflits. L’extraction des minerais remonte aux années 1930, mais le secteur patine toujours. Sa contribution au PIB oscille autour de 1%, clarifie l’expert Bararunyeretse.
Par conséquent, l’apport du secteur minier à l’économie pour améliorer les conditions de vie des populations reste mitigé. L’exploitation industrielle est pire que l’exploitation artisanale si elle n’est pas bien organisée. Elle ne profite pas au pays. Au contraire, l’exploitation artisanale génère des revenus directs à partir de la création de l’emploi et des autres activités génératrices de revenus. La redistribution des ressources est automatique, car les exploitants investissent directement dans les communautés.
Le Botswana devrait servir de cas d’école en matière d’extraction minière. La Suisse d’Afrique comme on l’appelle a trop investi dans la nationalisation des compagnies minières et le secteur minier contribue efficacement à l’économie du pays.
Cet article a été réalisé dans le cadre de la synergie des médias sous la coordination de l’Ong La Benevolencija Burundi et sur appui financier du royaume des Pays-Bas au Burundi et de la Coopération Suisse. Ainsi, six medias partenaires ont participé à cette synergie. Il s’agit de la radiotélévision Isanganiro, de la radio Izere FM, de la radio Rema FM, du journal Burundi Eco, du journal Iwacu et du collectif des blogueurs Yaga.
Le code minier promulgué en 2013 définit les conditions dans lesquelles les titres miniers peuvent être révoqués. En cas de retard injustifié dans le démarrage ou le déroulement des opérations ou des travaux incombant au titulaire au regard des délais résultant du présent Code ou fixés dans la convention minière, l’Etat peut résilier le contrat. De plus, si la société extractive viole les clauses du contrat ou refuse de donner des renseignements techniques telles que définies dans les conventions minières, le titre minier est révoqué.
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