Environnement

Danger : La rivière Ntahangwa menace les infrastructures environnantes

La rivière Ntahangwa balaie tout sur son passage. Des infrastructures tant publiques que privées sont menacées. Certaines classes des écoles se trouvant dans son voisinage se sont déjà effondrées, certaines routes ont été déjà détruites à certains endroits. De plus, la plupart des maisons construites tout près des bords de cette rivière se sont effondrées ou sont sur le point de l’être. Pour éviter le pire, certains propriétaires des maisons ont déjà déménagé. Ces derniers demandent au gouvernement d’intervenir dans l’immédiat

Ntahangwa

Vue partielle de l’avenue Mukarakara complètement détruite

Comme les rivières Muha, Nyabagere, Kanyosha, Gasenyi, Gikoma, la riviere Ntahangwa traverse la capitale Bujumbura. Elle prend sa source dans les hauteurs des Mirwa pour se jeter dans le lac Tanganyika. Elle sépare les communes Mukaza et Ntahangwa et traverse les quartiers Mutanga Sud, Mutanga Nord, Kigobe, Nyakabiga, Jabe, Buyenzi et Ngagara dans lesquels plusieurs infrastructures sont érigées.

Depuis un certain temps, surtout pendant la saison pluvieuse, son lit s’élargit continuellement et dangereusement suite à l’augmentation de son débit. Les ravins s’étendent et, par conséquent, détruisent ses berges. Les infrastructures environnantes s’effondrent ou sont sur le point de céder. La plupart d’entre elles présentent des fissures et quelques riverains ont déjà déménagé. D’autres assistent impuissamment à cette situation pour le moins catastrophique. Les quartiers de Mutanga Sud, Mutanga Nord, Kigobe et Nyakabiga sont les plus menacés.

À Kigobe Sud, zone Gihosha, commune Ntahangwa, un grand ravin s’est formé le long de la rivière et s’élargit du jour au jour sous les yeux impuissants des riverains. Cette rivière a déjà détruit certaines maisons environnantes. D’autres sont sur le point de l’être. L’avenue Mukarakara qui reliait celle des Etats-Unis au Boulevard du 28 novembre en passant par Kigobe est complètement détruite. L’éboulement arrive sur les portails des maisons déjà abandonnées. « Ça fait peur d’y passer à pied », confient les habitants du quartier. Pour éviter les dégâts humains, un agent de la société de gardiennage « Safe Guard » oriente les utilisateurs de cette avenue.

À Mutanga Sud, zone Rohero, commune Mukaza, la rivière Ntahangwa a déjà détruit la route menant vers le quartier de Mugoboka. Seuls les piétons peuvent s’y aventurer. Pire encore, c’est le seul passage pour se rendre à Mugoboka et une fois que la route aura été totalement coupée, ce sera un calvaire pour les habitants de la localité. Cette coupure handicape les activités des utilisateurs de cette avenue. « Puisque le passage des voitures n’est plus possible, nous sommes dans l’obligation de payer des portefaix pour transporter nos effets» affirment-t-ils avant d’ajouter que même les frais de transport ont été revus à la hausse. Un habitant de Mugoboka fait remarquer que le calvaire arrive quand une personne tombe malade, surtout la nuit.

Les murs de certaines salles de classe de l’Ecole Fondamentale (ECOFO) de Mutanga Sud sont déjà fissurés. Les latrines sont totalement sous l’eau. La cour de récréation n’est plus séparée du bord de la rivière. Ce qui est très dangereux pour les élèves. Les maisons de la même localité sont menacées d’effondrement, d’autres présentent des fissures.

 

Au quartier de Nyakabiga, l’Ecole Primaire du Jardin Public (EPJP) est menacée d’effondrement. Les latrines sont déjà sous l’eau. De plus, les infrastructures érigées à proximité de cette rivière peuvent s’écrouler à tout moment.

L’action humaine : source de colère de la rivière Ntahangwa

« Les gens qui extraient du moellon, du sable, du gravier et des pierres dans la rivière empirent la situation. Ils le font tellement mal à tel point que les lits de cette rivière deviennent très larges et par conséquent fragiles », a indiqué M. Jean Marie Sabushimike, expert et professeur de l’université du Burundi, spécialiste en géographie physique. C’est ainsi que même les arbres plantés pour protéger les berges de cette rivière sont souvent emportées par l’eau. La vitesse de l’eau devient forte détruisant ainsi les bordures et élargissant le lit de la rivière. Il a précisé cela le 23 février 2017 lors d’une visite de terrain organisée par le réseau des journalistes environnementalistes en collaboration avec la plateforme nationale de gestion et de prévention des catastrophes. Le professeur Sabushimike a indiqué que le comportement de la rivière Ntahangwa commence en amont dans les contreforts qui surplombent la ville de Bujumbura. Il a fait savoir que les montagnes influencent la dynamique pluviale. « Le sol n’étant pas protégé par une couverture végétale, sa structure et les pentes raides font que le coefficient de ruissellement soit supérieur au coefficient d’infiltration », a-t-il mentionné.

Ntahangwa

Vue partielle de l’avenue Sanzu barrée

Comme aucune chose n’arrête la force de l’eau, on a toujours des inondations qui détruisent tout ce qui est sur son passage, dit-il. Un autre facteur c’est la dynamique des paysages qui est à l’origine des glissements de terrains ainsi que l’instabilité du sol. Dans ce cas, la plaine connait des inondations. Les changements climatiques provoquent des dégâts.

Le code national de l’eau promulgué en 2012 prévoit en son article 5 (30) que les constructions doivent laisser tout au moins « une zone tampon de 25 mètres à partir du bord de toute rivière qui se déverse dans le lac Tanganyika, 50 m pour les autres lacs et 150 m pour le lac Tanganyika ». Pourtant, la plupart des propriétaires des maisons que menace la rivière Ntahangwa auraient, si pas tous, obéi à cette règle. Cependant, on remarque que pour certaines infrastructures, même une zone tampon de 10 m n’a pas été respectée. C’est le cas d’une maison construite en bas du pont se trouvant sur l’avenue du Peuple Murundi côté Ngagara.

Pour limiter les dégâts causés par cette rivière, M. Sabushimike invite le gouvernement à protéger le plus rapidement possible les maisons menacées d’écroulement. Il propose le gabionnage, la construction des murs de soutènement ainsi que la plantation des arbres en amont et en aval de cette rivière. Et, pour trouver une solution durable, le gouvernement devrait commander une étude pluridisciplinaire où se retrouveraient les ingénieurs, les géographes, les économistes environnementalistes, etc. Ces derniers auraient la tâche d’étudier tout ce qui est nécessaire pour la durabilité du projet, surtout que les sections inférieure, moyenne et supérieure n’ont pas les mêmes problèmes ni les mêmes besoins.

Des paroles non accompagnées d’actions

Il y a plusieurs années, la rivière Ntahangwa a été sujet de débats grâce aux actions de certains activistes de la protection de l’environnement comme l’ACVE (Action Ceinture Verte pour l’Environnement) présidée par l’ambassadeur Albert Mbonerane qui ont été aidés par certains médias et certains habitants des quartiers riverains. Par après, un projet pour sa protection a été conçu. Des arbres ont été plantés le long de cette rivière et certains travaux d’aménagement ont été effectués, mais ont été inefficaces. Aujourd’hui, ces arbres sont arrachés par l’eau et ne sont pas remplacés.

L’ambassadeur Albert Mbonerane, ancien ministre de l’Environnement qui aime révéler, dans sa figure de style, des mots que l’eau des rivières lui a inspiré : « Vous avez suffisamment crié, vous n’avez abouti à rien. Laissez-moi le soin de le faire moi-même ». Et voilà que ça fait des années qu’elle se fait entendre et avec une grande colère. Si rien n’est fait dans l’immédiat, plusieurs maisons et infrastructures publiques seront emportées par cette rivière qui a déjà causé pas mal de dégâts.

Amissi Ntangibingura, directeur général de l’Urbanisme et de l’Habitat a indiqué dans une interview qu’il a accordée à l’hebdomadaire Burundi Eco qu’une étude a été effectuée en vue de la canalisation de la rivière Ntahangwa. Il a informé que le gouvernement fera tout son possible pour limiter les dégâts car, a-t-il affirmé, l’état de cette rivière et des constructions environnantes préoccupe beaucoup le gouvernement. Il a ajouté que n’eût été le manque de budget, toutes les rivières qui traversent la ville de Bujumbura seraient canalisées pour une protection durable des infrastructures. Il a invité néanmoins les autorités locales, les médias et les pouvoirs publics à sensibiliser la population à ne pas jeter les déchets dans ces rivières.

A propos de l'auteur

Mathias Ntibarikure.

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2 commentaires
  • B.J.P dit :

    Bjr,

    J’apprécie le reportage du journal Burundi Eco, l’intervention du vaillant géographe Sabushimike J.M ainsi que les déclarations de Mr Amissi Ntangibingura. Sans trop tarder, je vais partager pour inspiration mon expérience d’ailleurs (pays d’Amérique latine) dont un quartier riverain a connu des situations très semblables à celles que connaissent aujourd’hui Mutanga Nord, Sud, ou pire encore Kigobe, etc…

    Dans ce pays, l’étude multidisciplinaire que réclame Mr SABUSHIMIKE y a été menée et a laissée les conclusions suivantes:

    1°) Que c’est techniquement possible de sauver ce quartier riverain menacé
    2°)Que c’est financièrement très couteux pour les victimes
    3°)Que l’Etat n’a pas des disponibilités financières pour les secourir.

    Les actions concrètes et qui se sont avérées très efficaces furent les suivantes:

    1°) Une équipe d’économistes, d’Ingénieurs, et de juristes a travaillé avec les environnementalistes pour fournir le budget nécessaire.

    2°) Une équipe de Banquiers, de consultants, des administratifs locaux et de l’urbanisme s’est réunie pour répartir la facture à chacune des résidences qui se trouve dans le périmètre menacé

    3°) Tous ceux qui ont été incapable de payer cet argent ont été sommés de quitter les lieux par l’acquisition d’autre parcelle construite situées dans la meme Capitale et appartenant soit à de riches compagnies financières et industrielles, soit à des riches familles qui ont accepté de payer la facture.

    Concrètement si l’on veut appliquer ce principe pour le cas NTAHANGWA:

    1°) Les Ingénieurs et environnementalistes doivent actualiser leurs calculs de couts qui seront soumis à une révision par un autre cabinet privé ou meme l’urbanisme (environ 30 Milliards de Fbu pour la réparation de toute la rivière allant de Mugoboka à Kigobe en passant par Mutanga Sud et Nord).

    2°) Ces fonds devront étre gérés par une équipe mixte qui comprend le comité des propriétaires, l’Etat, les Banques et l’association ceinture verte pour l’environnement.

    3°) Une équipe de la Mairie de Buja, de l’urbanisme et des Banques (Secteur public et privé) devra recensé toutes les maisons situées sur le périmètre menacé (environ 100 Villas pour KIGOBE, 200 Villas pour Mutanga Sud, Mutanga Nord, Mugoboka, etc…)

    Si on prend que le cout de réparation est de 30.000.000.000 Fbu/ 300 Villas= 100.000.000 Fbu / Villa

    Les propriétaires qui ne seront pas capables de payer la facture, leur villas seront échangées par celles appartenant à de riches compagnies industrielles ou de Banques, peu importe leur localisation dans la Capitale Bujumbura. De toutes les façons, leur seul choix est d’avoir un autre abri!

    N.B: Il faudra aussi intégrer dans tous ces comités des Juristes.

    Si vous voulez mon contact, je suis au 75 915 580

    1. Idriss Muhoza dit :

      Nous vous remercions énormément pour votre commentaire riche en informations

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