Gouvernance

Démolition des constructions anarchiques : Des pertes énormes enregistrées, mais…

Malgré les pertes énormes liées à la démolition des constructions anarchiques en cours, la population n’en tire aucune leçon  car elle continue à construire des maisons dans différents coins de la ville de Bujumbura dans l’ignorance des normes urbanistiques. Et  cela se fait au vu et au su des administratifs 

Depuis quelques mois, le gouvernement a procédé à la démolition des constructions anarchiques dans tout le pays. Les plus visées étaient les infrastructures construites le long des routes nationales et des avenues des quartiers viabilisées. Dans une descente effectuée par les reporters de Burundi Eco dans certains quartiers de la Ville de Bujumbura, les victimes de cette démolition pleurent à chaudes larmes car des maisons d’habitation, des banques, des maisons d’assurance,  des salons de coiffure, des boucheries, des alimentations, des débits de boissons, des studios, des restaurants, des cafeteria, etc construits anarchiquement  le long des différentes routes ont été rasés.

La démolition des infrastructures construites dans des espaces interdits se poursuit malgré les réclamations de certains propriétaires.

Les commerçants dans la tourmente

Les commerçants s’inquiètent du fait qu’ils ont enregistré des pertes colossales. «Cela fait trois fois que je déménage, car les boutiques  que je louais ont été démolies», se lamente  Jean Claude Nizigiyimana, boutiquier au quartier Nyakabiga III, âgé de 32 ans.   Il estime qu’il a déjà perdu plus d’un million de FBu, car les propriétaires de ces boutiques ne lui ont pas remis les avances qu’il leur avait offertes.  Marc Murisho, habitant la zone Cibitoke abonde dans le même sens. Avec la destruction de ses cinq kiosques construits sur la RN9,  il estime qu’il a subi une perte de plus de 10 millions de FBu. Les propriétaires des maisons en étage ont subi le même sort et sont dans la désolation inouïe.  Un de ces habitants rencontré à Carama fait savoir qu’il a perdu plus de 100 millions de FBu. Il ne sait donc pas à quel saint se vouer.  Cet habitant explique que cette situation se présente ainsi alors qu’il a des documents qui attestent qu’il a construit dans sa propre parcelle.  Selon toujours lui, il a été constaté que dans certains quartiers il y a des maisons démolies alors qu’elles ne sont pas construites dans la partie domaniale. La preuve est qu’on n’avait même pas marqué de croix sur ces dernières.   

Quelle surprise !

De plus, un des propriétaires d’une maison démolie se lamente du fait que  le gouvernement  n’a pas avisé la population de cette démolition. Selon lui, les habitants ont été surpris. La sensibilisation n’a pas eu lieu comme il le fallait. Raison pour laquelle les pertes socio-économiques ont été énormes. L’administration, de la base au sommet aurait pu organiser des campagnes de sensibilisation de la population sur le bien-fondé de cette activité. Nonobstant, cela n’a pas eu lieu comme le stipule le code de l’urbanisme dans son article 71.

Ce code souligne que  la date de l’opération doit être portée à la connaissance de l’ensemble des occupants du périmètre à rénover au moyen d’un panneau de signalisation et de tout autre moyen de communication pour une durée d’au moins trente jours. A compter de la date de délivrance d’une autorisation d’exécution du projet du plan de rénovation, l’article 68 dudit code confie que la commune ou le ministère ayant l’urbanisme dans ses attributions fait dresser la liste exhaustive des infrastructures situées dans les périmètres à rénover en précisant les bâtiments qui doivent être démolis ou qu’il convient de restaurer ainsi que l’identité des occupants et des ayant droits.  Selon l’article 69, les opérations de rénovation ne font recours à l’expropriation que pour cause d’utilité publique ou si le propriétaire ne veut pas participer à ces opérations. Dans ce cas, les propriétaires figurant sur la liste des immeubles à démolir reçoivent en contrepartie des immeubles cédés à la structure chargée de la rénovation une indemnité juste et préalable conformément aux dispositions légales en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.

La démolition jugée nécessaire d’une part

Un ex-administratif s’exprimant sous couvert d’anonymat indique que malgré que la population a enregistré des pertes socio-économiques considérables,  les routes seront élargies. Selon lui, les gens se sont arrogé le droit de construire des maisons et des kiosques au bord des routes sous prétexte que ces espaces  sont situés juste à côté de leurs parcelles. Ils ont profité de la distraction de certains administratifs et cela est déjà devenu une habitude. Dans certains coins du pays, des cabarets sont implantés au bord des routes et les cabaretiers y installent des chaises pour attirer les amateurs de la sainte mousse. Selon toujours lui, cela constitue un handicap au niveau de la mobilité parce que les routes sont devenues exiguës et cela ne cesse pas de causer des accidents. Pire encore, d’autres construisent des kiosques ou des maisons dans la partie réservée aux installations de la Regideso et de l’Onatel. Selon lui, il était temps que le gouvernement réagisse pour inverser la tendance. Et, pour gagner le pari, cet ex-administratif  estime qu’on ne fait pas d’omelette sans casser les œufs.

La prolifération des quartiers non viabilisés inquiète plus d’un

En plus des constructions anarchiques  le long des routes, la prolifération des quartiers non viabilisés inquiète plus d’un. Plus la population urbaine croît, plus les habitants essaient de trouver des endroits à l’extrémité de la ville de  Bujumbura pour se construire des bicoques. Ils grignotent petit à petit sur les terres arables. Ils n’hésitent pas à construire  dans des zones inappropriées au mépris des normes urbanistiques  Pourtant, le constat est que la viabilisation ne suit pas le rythme de l’agrandissement de la ville de Bujumbura.

Erasme Ngiye, expert en aménagement du territoire indique que les constructions anarchiques sur des terres à très fortes pentes et non aménagées sont fréquentes à Gihosha rural, Mugoboka,  Gitaramuka, Gikoto, etc. Cela suite à la démographie galopante dans la ville de Bujumbura. Il n’y a même pas de caniveaux d’évacuation des eaux de pluie.  Ce qui est à l’origine des inondations récurrentes chaque fois qu’il pleut. Selon lui, il y a des difficultés à aménager ces quartiers et les habitants ont du mal à gérer les risques de catastrophes. Les ménages se débrouillent pour gérer les eaux de pluie et chacun selon ses moyens financiers.

En plus des constructions anarchiques le long des routes, la prolifération des quartiers non viabilisés inquiète plus d’un.

Que le principe de l’action récursoire soit appliqué

Le Sénat burundais  s’inquiète lui aussi de la prolifération des constructions anarchiques. A la suite de la présentation d’un film documentaire en 2018 sur l’état des lieux des constructions anarchiques en mairie de Bujumbura dans les quartiers de Buterere, Kiyange, Carama, Nyabugete, Kanyosha, Buyenzi, Mutanga Sud et Rohero, les sénateurs ont recommandé au Gouvernement de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour décourager ce genre de comportement.  Face à cette situation, les fonctionnaires ou cadres de l’Etat qui se sont arrogé le droit d’octroyer des parcelles en dehors de la loi, doivent être poursuivis conformément à la loi. La loi portant réglementation de l’action récursoire doit être appliquée, ont martelé les sénateurs.  Au terme de cette séance, le Sénat burundais a recommandé au Gouvernement de prendre des mesures appropriées quartier par quartier. Et d’ajouter que les acteurs de ce désordre qui se substituent aux organes de l’Etat dans l’attribution et la vente des terres domaniales doivent être traduits en justice.

Les crises socio-politiques, l’une des causes

Selon  Gervais Ndirakobuca, ministre de l’Intérieur, du Développement Communautaire et de la Sécurité Publique, les constructions  anarchiques découlent des périodes de crises qu’a connues le Burundi. Durant ces périodes, des citoyens se sont octroyés des espaces publics en violation de la loi.

Joint au téléphone, Jean Pierre Gatore, commissaire général de l’Office burundais de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction n’a pas voulu s’exprimer en long et en large sur les questions en rapport avec la lutte contre les constructions anarchiques dans la municipalité de Bujumbura. Cependant, il rappelle que toutes les actions à mener sont prévues dans le Plan directeur de la ville de Bujumbura toujours en attente de validation.

A propos de l'auteur

Jean Marie Vianney Niyongabo.

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