Commerce

Quand les produits « Made in Burundi » se raréfient

La pénurie récurrente des produits manufacturés reflète la situation économique du pays. Le manque de devises, la dette publique, le déficit budgétaire, etc. se répercutent sur l’activité industrielle. Par conséquent, les entreprises se retrouvent dans l’incapacité de s’approvisionner en intrants. Que faire pour redresser la situation ? 

D’après Pierre Nduwayo, président de l’Association Burundaise des Consommateurs-Transparency International (ABUCO-TI Burundi) le prix du ciment pourtant produit localement pose problème depuis bientôt deux ans malgré les tentatives des autorités (le ministère du commerce, les députés ont eu aussi à se saisir de la question…).

« Les grossistes approvisionnés par BUCECO font tout pour violer impunément les tarifs fixés par l’entreprise en concertation avec les autorités du ministère du commerce ». Cela a des conséquences sur l’économie en général où les seuls spéculateurs enregistrent des profits exorbitants au dos de la population, dénonce M. Nduwayo.

L’ABUCO dénonce la spéculation criante

Etant donné la généralisation du non-respect des prix à travers tout le pays, il y a lieu de conclure que tous les grossistes du ciment sont spéculateurs. Toutes les tentatives d’appel au respect du prix du ciment BUCECO se sont révélées infructueuses. Maintenant c’est le moment des sanctions (amendes) pour les rappeler à l’ordre, et s’ils persistent, le ministère du Commerce devrait purement et simplement les radier de la liste et chercher de nouveaux  grossistes à qui on enjoindrait de respecter scrupuleusement les prix fixés, conclut-il ?

« Quand les industries ne parviennent pas à mobiliser des moyens nécessaires pour étendre leurs activités, on devrait alors importer pour satisfaire la demande. Malheureusement l’importation se heurte au problème de manque de devises », fait savoir Faustin Ndikumana, président de l’Ong locale Parole et Action pour le Réveil des Consciences et de Changement des Mentalités (PARCEM).

Ce qui bloque l’importation. Ainsi, poursuit-il, il est difficile de couvrir le marché local. C’est pour cela qu’il y a une pénurie qui se fait sentir sur plusieurs produits mais il y a aussi des produits comme le sucre où la spéculation vient ajouter sa part.

La pénurie récurrente des produits locaux tire son origine de la situation économique défavorable à l’éclosion industrielle. Ce qui ouvre la voie à des spéculations éternelles.

Des mesures éphémères

Les lourdes amendes, les saisies record de sacs de ciment dissimulés par les commerçants spéculateurs n’arrivent pas à redresser la situation. La semaine dernière, un dignitaire a payé une amende de 2 millions de FBu pour avoir vendu le sucre au prix non conventionnel. Par après, le ministère ayant le commerce dans ses attributions a décidé de le rayer de la liste des fournisseurs du sucre. « Lamentable! », réagit l’éminent économiste Léonce Ndikumana sur son compte Twitter. Pour lui, c’est l’un des vrais handicaps au développement du secteur privé à côté du monopole, de la concurrence déloyale et de la spéculation.

D’après ce professeur Ndikumana «  éradiquer ce fléau devrait être la priorité  n°1 de la réforme économique. Et cela ne requiert ni d’aide étrangère ni les devises. Un bon début : c’est possible ».

Une industrie toujours vacillante

Au moment où certains proposent la création de nouvelles unités de production, d’autres disent que le problème ne se situe pas à ce niveau, mais plutôt que cette situation trouve ses origines dans la conjoncture économique du pays. Le problème d’investir dans l’industrie est liée au manque de moyens parce qu’investir dans l’industrie exige des moyens colossaux.  Or, l’Etat du Burundi peine même à couvrir ses frais de fonctionnement, nuance Faustin Ndikumana, président de l’Ong locale Parole et Action pour le Réveil des Consciences et le Changement des Mentalités (PARCEM).

Tous les indicateurs macro-économiques sont au rouge. L’endettement explose alors que l’Etat emprunte pour financer son fonctionnement. Par conséquent, le déficit public assèche les capitaux intérieurs en l’occurrence les capitaux du secteur bancaire et financier. Par effet d’éviction, le financement du secteur privé est évincé par le financement du déficit public. Le secteur bancaire a tendance à financer le déficit budgétaire au lieu de financer les entreprises.

Les entreprises à court  de capitaux

Dans ces conditions, les entreprises ont du mal à trouver les capitaux nécessaires pour élargir leurs champs d’action ou investir dans des actions qui exigent beaucoup de moyens comme l’industrie. Ça c’est un problème qui est évident, conclut le patron de l’Ong loacle PARCEM. Ces propos corroborent avec les conclusions du forum d’affaires organisé en marge du salon industriel au cours duquel les industriels ont évoqué le problème de manque de moyens pour investir dans l’exportation des produits locaux. Il a été proposé la mise en place d’un fonds d’investissement industriel pour soutenir l’industrie locale.

Pour le président de l’Ong PARCEM, l’environnement des affaires reste des moins performants pour mobiliser les Investissements Directs Etrangers (IDE). Les investisseurs privés ne viennent plus investir au Burundi. Il fait référence aux déclarations du chef de l’Etat  quand il accusait les magistrats de torpiller les investissements. De surcroît, le pays ne se prête pas à l’exercice du Doing business pour voir comment améliorer les critères, déplore Faustin Ndikumana.

Le climat des affaires doit être amélioré

Pour lui le pays améliore constamment son environnement des affaires.  En outre, la faiblesse institutionnelle devrait être  régulièrement évaluée pour que le Burundi soit capable de mobiliser des fonds consistants auprès des partenaires techniques et financiers ou bien au niveau des marchés financiers classiques à l’image des autres pays qui veulent investir.

Pour Faustin Ndikumana,  le faible environnement des affaires et le manque de performances institutionnelles font que les modes de financement innovants comme le Partenariat-Public-Privé pour investir dans de grandes infrastructures ou dans de grandes entreprises restent limitées.  Le gouvernement devrait plutôt se lancer dans une politique de relance économique permettant à ce que le pays s’oriente vers le chemin de la croissance.

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Benjamin Kuriyo.

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