Culture

La musique burundaise serait-elle en train de perdre son identité?

Plusieurs studios électroniques, des grands producteurs qui travaillent sérieusement et surtout une jeunesse émergente, la musique burundaise a évolué avec la technologie moderne. Toutefois,  elle aurait perdu au fur du temps sa saveur et son identité selon les mélomanes 

De Canjo Amissi, Africa Nova, Léonce Ngabo, Evode Ntahonankwa, David Nikiza etc. à Kidum, Lolilo, Big Fizzo, Soso Kay etc.  en passant par Bahaga, Matata, Baby John, Kadja Nin jusqu’à Kirikou, Olègue, Natacha, Double Jay, etc, la musique Burundaise a progressé. Dans sa progression, elle aurait connu des changements, de grands changements.  Lesquels changements auraient certes projeté les musiciens devant la scène et permis leur considération dans la société mais, malheureusement, auraient aussi  conduit à la perte du goût et de  saveur de la musique. Certains amateurs de la musique  diraient  même que la musique d’aujourd’hui est vide, osée et  va à l’encontre de la culture et des mœurs burundaises. Ce n’est plus un secret de polichinelle,  on se souvient de l’incarcération du chanteur Olègue pour son clip jugé osé  «délégué général». Il a été arrêté par la police pour violation des mœurs burundaises puis libéré quelques jours après. La chanson «délégué général» ne serait pas isolée. On citerait «Ndakesera», «Cumba», «Za demu»…la liste est longue.

Pour les amateurs et les professionnels de la musique, cela aurait une raison. On en parle avec Léonce Ngabo, l’un des vétérans de la musique Burundaise, le lauréat de la «Pirogue d’Or» de la chanson et un des fondateurs de l’Amical des Musiciens du Burundi.

Léonce Ngabo : « Nous sommes dans un pays qui s’appelle le Burundi, qui a ses propres valeurs culturelles, qui a sa propre identité qu’il faut protéger de manière vraiment jalouse devant la nouvelle génération ».

Une musique influencée par la technologie avancée ?

Il faut noter que la génération actuelle des chanteurs, sous l’influence de la musique urbaine, est plutôt attirée par l’aspect instrumental dans la création.  Le numérique assèche la soif des musiciens Burundais de comprendre et maîtriser les instruments. Ce qui compte, ce n’est plus le texte, mais le rythme, le « vibe » comme on dit, un processus à l’inverse de ce qui se passait à l’époque des années 1973. Laquelle époque, le Burundi assiste à la naissance de la créativité musicale au Burundi avec la « Pirogue d’Or »  de la chanson.

Avec la technologie actuelle, ce n’est plus la tête qui cherche. Beaucoup de voix sont déjà créées dans les machines. Les musiciens d’aujourd’hui, vont sur la machine pour rechercher des voix ou le rythme. Du fait qu’il n’y avait pas cette technologie, les chanteurs de l’époque avaient l’obligation de faire des compositions authentiques : une vraie recherche de mélodie, les bons accords qu’il fallait, un travail collectif au niveau des percussions dans l’orchestre.

Quand on voit les chansons des anciens musiciens qui sont reprises par la jeunesse actuelle et retravaillées, on dirait que cette technologie, au lieu de s’en servir pour plus d’imagination et de créativité, a rendu les musiciens d’aujourd’hui fainéants dans la recherche. « Je pense que, la nouvelle technologie a affaibli la qualité de composition musicale », fait savoir Ngabo.

Cependant, il indique entre les années 1970 et 2000, il y a une évolution avec une génération qui a allié les deux époques. Il donne l’exemple de Kidum, Kakabone, Steven Sogo, Cédric Bangui qui, malgré la nouvelle technologie, essaient de redonner goût à la musique.

La musique burundaise face à la mondialisation

La mondialisation n’est pas seulement économique, elle est également culturelle, sociale…Le monde musical comme d’autres mondes  artistiques a été inondé. Les jeunes musiciens Burundais ont tendance à copier les musiques étrangères. « Je ne leur en veux pas pour cela. C’est le monde moderne qui les influence et les médias qui les entraînent à adopter la mode musicale occidentale ». Il mentionne également que même à leur époque, ils imitent les chanteurs occidentaux. Avec la cette mondialisation qui nous envoûte, qui nous engloutit, chaque jeune se retrouve dans sa génération à copier l’autre monde en essayant d’être contemporain, ajoute-t-il tout en rappelant que la culture n’est pas immuable, elle est évolutive à contre de la rencontre des cultures.

Face à cette mondialisation, Mr Ngabo fait remarquer que malgré la volonté politique du gouvernement, il manque encore des moyens conséquents pour encadrer cette jeunesse émergente afin de lui donner une orientation cohérente qui cadre bien avec l’identité culturelle de notre pays.

Faut-il censurer ?

A l’époque de la Première République, avant diffusion, toute chanson était présentée aux vieux  pétris d’art oral burundais. Sur cela, Léonce Ngabo indique que comme tout autre art, la musique a besoin d’une censure pas d’une manière draconienne pour ne pas museler la créativité mais juste pour recadrer, aider les jeunes à avoir une vision plus futuriste.

Léonce Ngabo prône la mise en place des politiques culturelles qui sont très claires, l’organisation des ateliers de formation et de sensibilisation, les centres de rencontres des artistes  pas dans le sens de les obliger à être identiques, mais au moins qu’il y ait des leaders qui gardent cette identité culturelle burundaise tout en restant moderne.   

Sur le plan démocratique, on n’empêchera jamais à un artiste de composer une œuvre tel qu’il la veut. Mais au moment où intervient la diffusion, l’œuvre nourrit les consommateurs. « S’ils sont nourris de choses perverses, anti culturelles, ils sont en train d’être infectées  et plus particulièrement la jeunesse », met en garde Léonce Ngabo. Il fait un clin d’œil au Conseil National de la Communication de prendre les choses en main et de faire attention à ces genres de chanson qui sont diffusés à la radio et à la télévision. « Nous sommes dans un pays qui s’appelle le Burundi, qui a ses propres valeurs culturelles, qui a sa propre identité qu’il faut protéger de manière vraiment jalouse devant la nouvelle génération », ajoute-t-il. Toutefois, il admet que c’est un travail délicat  qui demande l’intégration de tous les acteurs impliqués dans la créativité musicale.

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Dona Fabiola Ruzagiriza.

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