Editorial

Le café, un produit stratégique, mais…

La filière café est un secteur porteur de croissance par excellence. Elle fait vivre des milliers de caféiculteurs qui s’occupent de la production de ce produit si stratégique. Le café demeure également la principale source de devises pour le pays après une longue année de fermeture des mines. Ce secteur a connu des chamboulements au fil des années. De privatisation en privatisation, la nationalisation de la filière est de loin de produire les effets escomptés. La production évolue en dents de scie ou tout simplement elle a fortement chuté. Le prix bord champ décourage les producteurs qui préfèrent investir dans d’autres cultures vivrières jugées plus rentables.

Benjamin Kuriyo, Directeur de publication

La mise en place de l’Office de Développement du Café (ODECA) qui devrait notamment intervenir sur toutes les chaînes de valeur de la production à la commercialisation du café vert affiche des résultats mitigés. Actuellement, le gouvernement se félicite que les producteurs sont payés à temps campagne par campagne. 

Le fait de recaler les intervenants du secteur privé (CENAC, INTERCAFE,..) dans la filière a coûté cher au pays. La compétition «Cup of excellence» n’existe plus alors qu’elle encourageait les caféiculteurs à miser sur la qualité du café en vue d’obtenir des primes. Cet évènement vise en quelque sorte la promotion du café. Pas mal d’acheteurs potentiels et de traders faisaient le déplacement pour s’emparer des meilleurs lots. Le réengagement de l’Etat dans la filière café aurait provoqué aussi la suspension du Projet d’Appui  à la Compétitivité du Secteur Café (PACSC) qui était financé par la Banque Mondiale à hauteur de 50 millions USD. 

Cette politique de tâtonnement ne profite pas au pays qui accuse un manque criant de devises. Certes, le refinancement du secteur café permet de rémunérer les caféiculteurs mais la production est en chute libre. Cela se répercute directement sur les recettes en devises issues de l’exportation du café. 

Entre 2018 et 2020, plus de 41 milliards de FBu ont été injectés dans la filière café. Cependant, le prix qui reste dérisoire pousse les caféiculteurs à tenter l’impossible pour au moins récupérer leurs mises. Ils essaient de vendre en clandestinité le café sur le marché régional. Pour preuve, plus de 25 tonnes de café ont été saisies au cours des dernières semaines au Nord du pays. Cela étant le café Burundais reste la préférence des amateurs de cette boisson très prisée à l’échelle internationale. 

Le pays peut miser sur la qualité de ce produit pour défier la concurrence des géants du secteur café à l’image du Brésil. L’expérience de la promotion des cafés dits de spécialités a eu écho positif. En 2014, un café en provenance de la province de Kayanza, « bastion » de la culture du café au Burundi, s’est déjà distingué au niveau mondial. Le kilo de ce café a été vendu à 130 USD. En octobre 2017, lors de la vente aux enchères du café à Boston aux Etats-Unis, le café burundais a battu le record mondial pour sa qualité. Le café de la station de lavage de Kibingo en commune et province de Kayanza a été acheté à 115 USD le kilo. 

Le problème de rapatriement des devises issues de l’exportation de devises se pose également avec acuité. Le différentiel du taux de change n’encourage pas les exportateurs à rapatrier les devises. Lors d’une conférence de presse animée en mars 2020, le ministre en charge de l’agriculture avait mis en garde les exportateurs qui ne rapatrient pas les devises sous prétexte que les acheteurs n’ont pas encore payé. Il menaçait de les retirer de la filière café s’ils refusent d’obtempérer. 

Les caféiculteurs profitent moins de la manne. Les études menées sur le secteur café dénoncent une répartition inégale des recettes générées par le café. Pour le café arabica, les producteurs reçoivent moins de 4% du prix de vente final.  Les détaillants en gardent 20% et les torréfacteurs 70%, lit-on dans l’étude de l’Agence des Etats-Unis pour le Développement (USAID) publiée en 2018. D’où il importe de repenser la politique agricole pour valoriser les efforts des producteurs. Il s’avère également nécessaire de labéliser le café burundais pour qu’il soit compétitif sur le marché régional et international. Il faudra également investir dans la promotion du meilleur café à travers la création des marchés de niche.

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Benjamin Kuriyo.

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éditorial

Vers la redynamisation de la filière café ?

Vers la redynamisation de la filière café ?

Le café reste le pilier de l’économie nationale dans la mesure où il apporte des devises et des revenus aux ménages. Cependant la production du café vert est en chute libre. Elle oscille autour de 8 000 tonnes alors que les projections portent sur une quantité exportable de 45 000 tonnes chaque année. Pour gagner ce pari, il faudra mobiliser des investissements conséquents pour redynamiser l’ensemble de la chaine de valeur. Malgré les tentatives de nationalisation de la filière café, les défis demeurent nombreux. Les milieux bien informés évoquent notamment le désintéressement de la population, le faible encadrement des producteurs, les opérateurs privés qui s’enrichissent sur le dos des producteurs.
  • Journal n° 606

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