Gouvernance

Collecte de la récolte de maïs par l’Anagessa : Cette fois-ci, serait-elle la bonne ?

Après l’expérience malheureuse qui a suscité de nombreuses discussions et fait couler beaucoup d’encre, l’Anagessa vient de lancer une nouvelle campagne de collecte de la production de maïs. Face à cet échec, pourquoi le gouvernement insiste-t-il pour relancer ce projet ? Quelles sont les nouvelles stratégies mises en place pour garantir que cette fois-ci sera la meilleure ? Faisons le point.

Des tonnes de grains de maïs collectés par l’Anagessa ont pourri avant même de revenir sur le marché.

 

La période de récolte du maïs bat son plein. C’est l’occasion pour l’Anagessa de collecter le « surplus » de maïs afin de constituer un stock stratégique national. Ce projet du gouvernement du Burundi a connu un échec retentissant en 2022, lorsque des tonnes de grains de maïs collectés par l’Anagessa ont pourri avant même de revenir sur le marché. Cette situation a suscité de vives réactions ici au Burundi. Certains estiment que le gouvernement ne pouvait pas se permettre une telle erreur, tandis que d’autres remettent en question la pertinence même de l’existence de l’Anagessa. En effet, celle-ci est censée collecter le surplus, mais la production de maïs au Burundi ne parvient même pas à satisfaire la demande locale.

Sur les différents marchés, que ce soit à Bujumbura ou à l’intérieur du pays, les grains de maïs produits localement sont quasiment inexistants. La majeure partie du maïs vendu provient d’autres pays comme la Tanzanie et les prix ne cessent d’augmenter. Actuellement, un kilo de maïs en provenance de la Tanzanie coûte entre 1800 FBu et 2200 FBu dans divers points de vente à Bujumbura. Les consommateurs sont contraints d’acheter à n’importe quel prix, en l’absence d’autres alternatives.

Pourtant, ce projet est relancé

Selon Joseph Nduwimana, directeur général de l’Anagessa, le gouvernement du Burundi a déployé des efforts pour augmenter la production de maïs, entre autres en subventionnant les engrais chimiques et les semences de maïs hybride. Sans entrer dans les détails, cette autorité a fait savoir que la production de maïs pour cette saison culturale a été très bonne. C’est pourquoi le gouvernement a jugé bon de relancer le projet de collecte de la production du maïs.

Joseph Nduwimana, directeur général de l’Anagessa : « Il est vrai que les campagnes précédentes ont connu beaucoup de défis, car les débuts sont toujours difficiles. Pour éviter que ce qui s’est psassé l’an dernier se reproduise, nous avons mis en place différentes stratégies, et je reste confiant que cette fois-ci sera la bonne »,

La collecte des grains de maïs sec a débuté le 19 février 2023 et prendra fin au mois de mai. Contrairement aux campagnes précédentes où la collecte s’effectuait au niveau communal, elle se fait maintenant au niveau zonal. Cela signifie qu’au lieu des 200 centres de collecte habituels, cette fois-ci il y en aura 411 et ce nombre pourrait augmenter si nécessaire comme l’a fait savoir M. Nduwimana. « Cette nouvelle approche facilitera aux producteurs de maïs de trouver un centre de collecte près de chez lui pour vendre sa production et l’acheter au moment opportun. Néanmoins, cela entraîne des dépenses supplémentaires », ajoute-t-il.

Le budget alloué à cette campagne s’élève à 40 milliards de FBu. M. Nduwimana précise que ce montant risque d’être insuffisant compte tenu des quantités déjà collectées. Interrogé sur la possibilité que ces imprévus perturbent la campagne, il a répondu que le gouvernement est prêt à tout financer.

Pour cette campagne, le prix d’achat d’un kilo de maïs auprès du producteur a été fixé à 1700 FBu. Ces grains seront conservés jusqu’à ce que le gouvernement décide de les vendre. Le prix de vente fixé par le gouvernement est de 1800 FBu par kilo, soit une différence de 100 FBu par kilo de maïs vendu. Il est important de noter que le gouvernement se réserve le monopole de la vente de ces grains.

Un gouvernement commerçant ?

Selon l’analyse de l’ONG locale Parcem, le gouvernement ne devrait pas pratiquer le commerce. « Il n’y a pas un gouvernement qui a été efficace en pratiquant le commerce des produits agricoles ou des produits finis. Ce n’est pas le rôle de l’Etat par essence et par excellence », lit-on dans cette analyse. Selon toujours cette organisation, la pratique du commerce par le Gouvernement risque de renforcer la corruption des cadres de l’Etat et le détournement « étant donné qu’une grande partie des hauts cadres sont devenus des commerçants », craignent-ils.

Pour eux, le gouvernement devrait plutôt s’atteler à des activités classiques comme la disponibilisation des engrais de qualité et des semences sélectionnées, la mécanisation agricole, la recherche scientifique pour appuyer le secteur agricole, la disponibilisation des produits phytosanitaires, l’accès à la terre, l’encadrement et la vulgarisation agricole et le renforcement de la transformation agricole pour mieux gérer les filières agricoles.

Faustin Ndikumana, directeur national de l’Ong locale Parole et Actions pour le Réveil des Consciences et l’Evolution des Mentalités (PARCEM) : « Il n’y a pas un gouvernement qui a été efficace en pratiquant le commerce des produits agricoles ou des produits finis. Ce n’est pas le rôle de l’Etat par essence et par excellence ».

Selon J. Marie Niyongabo, représentant légal de FOPABU ijwi ry’abarimyi, si le gouvernement veut réellement valoriser les efforts des producteurs, il faut que ce prix soit revu à la hausse. Pour lui, la mise en œuvre de ce projet devrait inclure les agriculteurs et prendre en considération leurs avis. Il estime que c’est la seule façon d’augmenter la production. De plus, il préconise d’organiser des campagnes de collecte proportionnelles à la production disponible. Selon lui, cette collecte est souvent caractérisée par des retards dans le paiement des producteurs.

Pourquoi le gouvernement y tient-il tant ?

Comme l’explique le DG Nduwimana, le fait qu’il y ait eu des imperfections lors des campagnes précédentes ne peut pas être une raison de laisser les spéculateurs dévaloriser les efforts des cultivateurs. Il affirme : « Il est vrai les campagnes précédentes ont connu beaucoup de défis, car les débuts sont toujours difficiles. Pour éviter que ce qui s’est passé l’an dernier ne se reproduise, nous avons mis en place différentes stratégies, et je reste confiant que cette fois-ci sera la bonne », assure-t-il

Selon toujours lui, l’idée principale consiste à valoriser les efforts des cultivateurs. « Avant, les commerçants se permettaient d’acheter les grains de maïs à 300 FBu chez le producteur et de le revendre à plus de 2000 FBU. Une grande spéculation qui ne profite ni au producteur, ni au consommateur. C’est cela que le gouvernement a voulu éviter », fait-il savoir. L’objectif de l’Anagessa est de constituer un stock stratégique des principales denrées alimentaires qui peut être utile pendant la période de soudure. « Aujourd’hui, on travaille sur le maïs, mais cela n’empêche pas que demain on fasse la collecte des autres denrées », précise-t-il. Et il revient au gouvernement d’assurer le bien-être de la population. Et Nduwimana de préciser que cette campagne est loin d’avoir des fins commerciales, mais que cela rentre dans le devoir du gouvernement du Burundi d’assurer le bien-être de la population.

Le DG de l’Anagessa ne nie pas que ces retards existent mais, pour lui, ce sont de petits problèmes d’ordre financier financiers entre la BRB et le ministère des Finances, mais qui ne sont pas inquiétants car, après un ou deux jours, ils sont résolus. Pour ce qui est du matériel Nduwimana garantit qu’il est suffisant en qualité et en quantité. Il évoque également la présence d’au moins 2 employés sur chaque centre chargé du suivi de ces stocks.

Signalons que ce système de stock stratégique n’est pas nouveau au Burundi. Il a été instauré vers les années 80. Il y avait beaucoup de récoltes de maïs, de haricot, de sorgho dans les régions de Kumoso et de Bugesera. S’inspirant de l’expérience des autres pays, le Président Bagaza a pris la mesure de conserver les excédents de récolte pour assurer la sécurité alimentaire du Pays. C’est ainsi que des silos ont été mis en place à Gitega et à Bujumbura. M. Nduwimana a fait savoir que le gouvernement du Burundi préconise la réhabilitation de ces silos.

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A propos de l'auteur

Florence Inyabuntu.

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