Editorial

Un projet mal parti

Benjamin Kuriyo, Directeur de publication

Encore une fois, le gouvernement interfère dans la régulation des prix des produits non stratégiques. La campagne d’achat de grains de maïs a raison de 1 700 FBu le kilo bat son plein à l’échelle nationale. D’aucuns se demandent la plus-value de l’interventionnisme des pouvoirs dans la fixation des prix de cette céréale. En août dernier, lors d’une séance de questions orales, trois ministres, à savoir : celui en charge des finances, celui ayant le commerce dans ses attributions et celui en charge de l’agriculture invités à l’hémicycle de Gitega n’ont pas réussi à convaincre les sénateurs sur les motivations du gouvernement d’intervenir dans la fixation des prix de certains produits locaux et leur respect.

La ministre en charge du commerce Mme Marie Chantal Nijimbere avait pourtant défendu devant la chambre haute du Parlement que le rôle du gouvernement est de mettre en place un cadre légal adéquat et d’initier des réformes pour appuyer les investisseurs. Ces derniers doivent avoir la liberté de fixer les prix en fonction des intrants et du contexte économique. Pourquoi cette volteface ? Le prix aurait été fixé pour valoriser les efforts engagés par des agriculteurs dans l’achat des semences et des fertilisants. Force est de constater que le prix du maïs est relativement bas par rapport à celui fixé sur le marché. En achetant les grains de maïs pour les revendre à plus cher aux consommateurs, le gouvernement risque d’amplifier l’inflation alimentaire.

Lors des échanges, le président du Sénat Emmanuel Sinzohagera est revenu sur l’interventionnisme des pouvoirs publics dans la fixation des prix. Pour lui, c’est normal que l’Etat régule les prix des produits stratégiques mais, il s’agit d’une aberration quand le gouvernement s’invite dans la fixation des prix des produits non stratégiques. Il s’inscrivait en faux contre la volonté du gouvernement d’harmoniser les prix de la viande à l’échelle nationale. Comment se fait-il que le gouvernement intervient à ce niveau-là alors qu’il ne maîtrise pas les facteurs de production. Il faudra laisser le marché s’autoréguler, car cela décourage les opérateurs économiques sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

Le gouvernement réédite alors une expérience qui a connu un échec cuisant des années précédentes. A travers la fameuse agence de collecte de la récolte « ANAGESSA », le gouvernement a proposé un prix d’achat aux producteurs des céréales pour les revendre à plus cher aux consommateurs, a dénoncé le très honorable président du Sénat. Il a insisté sur le fait que les agriculteurs deviennent réticents à vendre leur récolte selon les prix référencés. Les contreperformances de cette agence ne sont plus à démontrer. Les pertes liées au système de collecte et de gestion de la production céréalière sont incommensurables. L’insuffisance des hangars et un manque de suivi des stocks ont occasionné une pourriture  d’une bonne partie des stocks de maïs  en 2022.

L’arrivée de cette agence n’a fait qu’aggraver la situation alors que la croissance de la production devrait normalement être suivi par la baisse des prix sur le marché. On assiste à une volatilité des prix des céréales. La loi de l’offre et de la demande a été violée.  Pour rappel, le gouvernement a tenté de déterminer les prix bord champ pour les céréales et les oignons, mais jamais respectés. Apparemment, la régulation des prix de certaines denrées alimentaires n’arrive pas à stabiliser les prix pour autant. Les économistes tranchent : « toute mesure qui entraîne la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs est absolument défavorable à l’économie dans son ensemble ». D’ailleurs, il est déconseillé aux pouvoirs publics d’intervenir dans la fixation des prix, surtout lorsque les produits ne sont pas stratégiques. Les milieux bien informés estiment que l’intervention des pouvoirs publics dans la fixation des prix constitue un frein au libéralisme économique.

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Benjamin Kuriyo.

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