Environnement

La déforestation, un défi difficile à relever

Décriée par les Nations Unies et les organisations tant nationales qu’internationales de défense de l’environnement, la déforestation reste la bête noire de l’avenir du monde. Au Burundi, la politique de lutte contre la déforestation reste obscure malgré les efforts déployés dans ce sens   

La surconsommation des ressources naturelles, notamment le bois, induite par une croissance rapide des populations est devenue une équation difficile à résoudre dans plusieurs Etats. Au Burundi, la déforestation progressive reste un phénomène très inquiétant dans la sphère des observateurs et des politiques depuis des décennies. Selon une étude effectuée par Dr Jacques Nkengurutse sur les effets de la déforestation et les solutions alternatives; la démographie, les feux de brousse ont suscité des inquiétudes depuis le début du 20ème siècle.

Actuellement, il semble que la démographie galopante est l’un des grands défis auxquels fait face ce petit pays perdu au cœur de l’Afrique.  Les statistiques pourraient convaincre toute tête qui soit pensante. Alors que la population actuelle du Burundi est estimée autour de 11 millions d’habitants, les récentes projections démographiques de l’ISTEEBU projettent ces chiffres entre 18 et 22 millions d’ici 2050. Ce qui alerterait l’opinion nationale sur la nature de la gestion des ressources forestières.

L’agression contre l’environnement continue et de manière démesurée.

Une situation qui va decrescendo

Rien n’a pu freiner le déboisement accéléré au Burundi. L’agression contre l’environnement continue et de manière démesurée. La déforestation a poursuivi une courbe montante dans ce pays qui n’a pas diversifié ses ressources énergétiques et les observateurs alertent. « Le Burundi connait une dégradation alarmante de son environnement du fait d’une pression démographique importante dans un pays où plus de 90 pour cent de la population vit de l’agriculture », alertait le PNUD en 2015 sur la possible disparition totale de la couverture forestière en 2040. La crise qui a sévi dans le pays depuis 1993 a anéanti les effets des efforts déployés auparavant à tel point qu’il y eut plus de 30 000 hectares de boisements détruits (PNUD, 1996). En l’an 2000, il ne restait que 189 mille ha. Avec le déplacement des refugiés à l’intérieur du pays, la guerre portera un coup dur  à la politique rigoureuse de la Deuxième République qui a fait de la protection de l’environnement et du boisement, un des piliers de la politique environnementale dans les années 80. Alors que les données chiffrées montrent que plus de 95% des ménages emploient le bois de chauffage comme énergie domestique, l’activité commerciale des planches aggrave la situation. Le bois est également employé dans  des Sauna, dans des fours à pain ou dans des ateliers de menuiserie dont le nombre a visiblement augmenté au cours des années malgré le manque de chiffres fiables.    

Un déficit déjà énorme

Un déficit énorme se creuse entre les besoins et les ressources en bois disponibles. D’après Dr Jacques, les besoins en bois pour une population estimée à 11 millions en 2020 s’élevait à 11.639.000 m3 avec un déficit de 3.325.000 m3. Si le reboisement constitue un des moyens empruntés pour relever le défi, ce chercheur montre que la superficie à boiser est très exigu. En effet, l’espace nécessaire pour combler le vide serait de 1.031.000 ha soit 38,18% du territoire national, alors que seuls 276. 040 ha, soit 10% du territoire national sont disponibles. Ce qui représente un déficit remarquable de 754.960 ha.

Le malaise né de ce déficit en bois se traduit par un comportement plus menaçant de la population contre l’environnement. En effet, la population en quête de satisfaire ses besoins en énergie coupe les arbres avant leur maturité. « Actuellement, la coupe et la carbonisation concerne généralement des arbustes vieux de 2 à 3 ans », fait remarquer Dr. Nkengurutse. Pour lever le voile sur des ressources en énergie qui s’amenuisent, il décrit une situation assez particulière. « Dans les milieux ruraux, tout ce qui peut brûler, les feuillages des arbres, les restes, les déchets végétaux ou autres résidus organiques sont utilisés à des fins d’énergie », mentionne-t-il dans son étude.    

Dr Jacques Nkengurutse, professeur d’université: «L’ampleur de la déforestation est sans précédent au regard des besoins en bois ».

Des conséquences désastreuses

L’aggravation des effets liés au changement climatique, la dégradation des terres agricoles, l’irrégularité des régimes hydriques, dont le contrôle des inondations, l’aggravation des érosions, la réduction de l’humidité de l’air, la dégradation des facteurs de production agricoles sont entre autres les effets du déboisement selon Dr Jacques Nkengurutse. Cet expert précise que les impacts seront désastreux et difficiles à évaluer. Selon lui, au finish, cela risque d’aboutir à une situation sécuritaire instable ayant la faim corollaire. « L’ampleur de la déforestation est sans précédent au regard des besoins en bois », avertit-il avant de rappeler que plus de 95% de la population utilise le bois comme source d’énergie domestique.

Révisions successives et actions hésitantes

La volonté de contrôler les ressources forestières date de l’époque coloniale. En 1931, une politique a été mise en place dans ce sens par l’administration belge. Des forêts artificielles ont été développées. Néanmoins, cette politique qui visait la production, la satisfaction des besoins en bois et la préservation des forêts naturelles n’a pas été pérennisée par les pouvoirs publics. La situation dégénéra après l’indépendance. Une grande partie des plantations publiques a été convertie en terres agricoles.

En 1969, le gouvernement songea encore une fois à la gestion des réserves forestières du Burundi. Il fallait privilégier cette fois-ci la protection des forêts naturelles et la mise en place d’une législation consacrée à la cause forestière. A travers cette politique, le gouvernement fixait le quota d’exploitation nationale des forêts naturelles à 650 hectares par an d’une part et le reboisement de 100 mille hectares sur une période de trente ans d’autre part. Il fut alors imposé la plantation privée d’arbres à un rythme de 300 arbres par ménage.

En 1973, il y a eu le premier symposium forestier. Contrairement au document de politique de 1969, les conclusions dudit symposium sont contre l’exploitation des forêts naturelles. Elles encouragent au contraire la protection de ces forêts et insistent sur l’aménagement du territoire et la nécessité de mettre en place une législation forestière.

En1978 fut élaboré un autre document de politique qui fixa comme objectif global pour l’an 2000 la satisfaction des besoins en bois et la protection de l’environnement sur base d’un taux de couverture forestière du pays de 20%, y compris les forêts naturelles. Comme résultat, le taux de couverture forestière s’est passé de 3% en 1978 à 7% en 1993. C’est en 2012 qu’une nouvelle politique forestière nationale fut mise en place. Un de ses objectifs était de développer et gérer rationnellement les ressources forestières. Elle prévoyait également de porter le taux de couverture forestière à 20% en 2025.

En 2016, une loi portant révision du code forestier a été promulguée. Mettre fin à la réduction du couvert forestier en pratiquant une gestion forestière durable, accroître sensiblement la superficie des forêts protégées et celle des forêts gérées de façon durable figuraient parmi ses objectifs.

Le reboisement ne suffit pas pour contrer la déforestation.

«Ewe Burundi Urambaye», un projet national pour inverser la tendance ?

En 2018, un projet national de reboisement national « Ewe Burundi urambaye » mis en place pour restaurer le couvert forestier a été démarré ses activités. Au terme de ce projet qui s’étend sur une période de sept ans, il est prévu de planter les arbres sur toutes les collines du pays. A côté de cela, des initiatives de jeunes environnementalistes s’investissent dans la plantation des arbres dans différents coins du pays. L’association « Ça nous concerne tous » a déjà planté plus de 50 millions d’arbres. On note également l’association « Greening Burundi » qui a déjà planté 872 785 arbres. Son objectif global est de planter 50 millions d’arbres.

Mais, selon Dr Nkengurutse, dans un Burundi où entre 95% et 98% des gens recourent au bois comme énergie domestique, le reboisement ne peut pas résoudre le problème de déforestation. Pour illustrer ses propos, il essaie de donner des explications à base d’un exemple.  Pour satisfaire les besoins en bois, il faut 1 031 000 ha. Celles-ci représentent 38, 18% du territoire national. Ce qui est pratiquement impossible, d’où la nécessité d’adopter une solution fondée sur les techniques et de faire recours aux énergies alternatives.

Nous avons cherché le Directeur Général de l’Office Burundais de Protection de l’Environnement pour plus de lumière sur la politique nationale de protection des forêts mais en vain.  Cependant, il s’avère que les politiques nationales ont toujours échoué à mettre en place les moyens permettant une gestion efficace des ressources forestières.

                                                                       Jonathan Ndikumana et Bruce Habarugira
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Jonathan Ndikumana.

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