Environnement

« Le lac Tanganyika n’est pas une poubelle, mais un trésor à protéger »

Le lac Tanganyika n’est pas en bon termes avec l’activité humaine. La vie halieutique est menacée par un déversement constant de déchets de toute sortes, une séquestration de la zone tampon malgré des instruments de protections on ne peut plus clairs. Burundi Eco s’est entretenu avec l’environnementaliste Albert Mbonerane. Il peint cette situation et donne quelques conseils à travers son livre « Conseil du Lac Tanganyika »

B.E : Pour garantir la protection de la biodiversité du lac Tanganyika, ses quatre pays riverains ont signé la convention sur la gestion durable du lac Tanganyika en juin 2003, et le Burundi a été le premier à ratifier cette convention le 22 juillet 2004. Est-ce que notre pays sert aussi d’exemple dans le respect de cette convention ?

A.M. : Je ne sais pas. Au niveau mondial et régional, quand il y a une convention qui est signée, chaque pays signataire doit ratifier la convention. Et la ratification montre que cette convention sert de texte de lois, une vision structurelle reconnue par la loi burundaise. Je me suis dit que si le Burundi était le premier pays à ratifier cette convention, ce serait une occasion de montrer aux autres pays riverains du lac Tanganyika qu’il y a un intérêt à protéger ce lac. Un grand bénéfice pour le Burundi c’est qu’en 2007 il y a eu l’Autorité du Lac Tanganyika (ALT) qui est une structure qui devrait veiller au respect de cette convention qui réunit les quatre pays riverains. Quand nous avons l’ALT qui est basée à Bujumbura, cela devrait être un outil pour vérifier si réellement la convention est mise en œuvre.

B.E :  Pourquoi une journée dédiée au lac Tanganyika ?

A.M. : Dans les années 1980, j’aimais souvent aller au bord du lac Tanganyika. L’eau était vraiment limpide. De Gatumba au port de Bujumbura, je voyais des gens qui pêchaient parce que les poissons étaient en abondance. M’inspirant de ce que j’avais vécu en Allemagne avec le fleuve Rhin, les Allemands avaient vu que c’est un fleuve qui a beaucoup d’intérêts pour l’Allemagne. Le deuxième samedi du mois de mai c’était la journée du fleuve Rhin, « Le Rhin en flamme ». J’ai demandé au président d’alors Domitien Ndayizeye si on ne pouvait pas imiter cet exemple et créer une journée nationale du lac Tanganyika. Comme cela le Burundi devient comme un modèle pour les autres pays. Il a dit d’accord. C’est pourquoi le 22 juillet 2005 on a célébré la première journée du lac Tanganyika. Et la célébration de cette journée continue.

On a commencé à célébrer cette journée quand le lac Tanganyika faisait face aux menaces de pollution et de sédimentation. Le lac Tanganyika se fâchent avec les rivières qui lui apportent des déchets de toutes sortes, puis un jour le thème a été « Le lac Tanganyika n’est pas une poubelle ». Si nous continuons à observer ce que nous voyons aujourd’hui, il y a des menaces qui pèsent sur le lac Tanganyika alors que nous disions que ce n’est pas une poubelle. Aujourd’hui, je peux dire que c’est une poubelle. Quand vous allez au lac Tanganyika vers 15 h et qu’il y a des vagues, le lac commence à vomir des bouteilles et des sachets en plastique. Cela vient de l’action humaine. Quand il pleut, les déchets provenant des collines qui surplombent la ville de Bujumbura sont trainés vers le lac Tanganyika. Ce dernier risque d’être une poubelle de déchets solides et liquides qui proviennent de nos ménages, de la station d’épuration de Buterere et des industries.

Albert Mbonerane, ami de la nature : « On a marié deux choses qui ne peuvent pas cohabiter, à savoir : l’environnement et l’agriculture. Etant donné que l’agriculture est le premier destructeur de l’environnement, aujourd’hui qui va plaider pour le lac Tanganyika ? »

Pour les générations futures, il y a une citation d’Antoine de Saint Exupéry « La terre que nous cultivons, ce n’est pas notre terre. C’est une terre que nous avons emprunté à nos aïeux ». Nos enfants qui sont en train de naître aujourd’hui, en 2050 ils vont trouver le lac dans quelle situation. Une grande poubelle et ils vont dire finalement que les parents qu’est-ce qu’ils nous ont légué ? Google définit la le lac Tanganyika «google» le lac Tanganyika comme l’un des grands réservoirs d’eau douce du monde. Et, en 2050 ce sera une marée d’eaux salées. Ce sera une grande perte alors que Dieu l’aurait placée dans un autre monde. Nous devrons être de bons intendants, de bons gestionnaires du lac pour l’avenir de nos jeunes générations.

B.E : Vous parlez dans votre livre de la nécessité du tribunal spécial pour l’environnement. Pouvez-vous nous dire pourquoi ce tribunal ?

A.M. : Depuis que je suis intéressé par les questions de l’environnement, nous faisons face à beaucoup d’infractions en matière d’environnement. Nous avons le code de l’environnement qui date de 2000, le code forestier qui date de 1985 et qui a été révisé en 2016, le code de l’eau promulgué le 26 mars 2012 et le code foncier dont le premier date de 1986 et qui a été révisé en 2011. Dans tous ces textes de lois, dans les derniers chapitres on parle des sanctions. Quand je vois la liste des sanctions qui sont énumérées dans ces codes, au niveau de l’application ça ne marche pas. Jusqu’à présent, je n’ai connu aucun cas en matière d’environnement qui a été traité au niveau d’un tribunal quelconque jusqu’à la cour suprême alors que les infractions sont là.

Exemple : il est interdit de brûler les forêts. Si je vais chercher une disposition du code pénal qui dit comment on devrait sanctionner les gens qui ne respectent pas l’environnement, je ne trouve aucun article qui en parle. S’il y avait un tribunal ou une chambre spécialisée, au niveau des associations nous aurions pu porter plainte. L’article 5 du code de l’eau en son alinéa 3 accorde au lac Tanganyika une zone tampon de 150 m. Depuis que le code de l’eau est sorti le 26 mars 2012, il n’était pas autorisé que les gens continuent à attribuer des parcelles pour construire dans cette zone tampon. S’il y avait une chambre spécialisée en matière d’environnement, nous aurions pu porter plainte pour demander pourquoi les gens continuent à attribuer des parcelles ou pourquoi les gens continuent à construire dans les zones tampons alors que le code de l’eau est vraiment clair là-dessus.

B.E : Le code de l’eau prend en compte les droits des lacs et des rivières.  Quels en sont les défis ?

A.M. : Les grands défis c’est que me référant à l’article 5 alinéa 3, je me suis limité au niveau du droit du lac Tanganyika à une zone tampon d’une largeur de 150 m, mais pour les rivières aussi dans cet alinéa il dit que pour les rivières qui traversent la ville de Bujumbura, ces rivières ont droit à 25 m d’un côté et de l’autre et les rivières de l’intérieur du pays ont droit à 5 m mais que les gens continuent à y cultiver. Est-ce qu’il n’y a pas d’administrateur qui connait que le code de l’eau interdit d’agresser la rivière jusque-là ? Si on continue à cultiver de cette manière, on fragilise les berges de la rivière. Celles-ci vont s’affaisser et la rivière va s’étendre. Ce qu’on appelle le lit mineur devient grand. Il sera difficile de compter les 5 m.

Sur la rivière Ntahangwa au niveau des zones Buyenzi et Ngagara, il sera difficile de trouver où passait cette rivière il y a 20 ans. Puisqu’avec les méthodes de curage et d’exploitation des carrières, la rivière n’a plus de chemin direct. Maintenant si nous disons respectons les 25 m des deux côtés, protégeons ses berges. C’est la rivière qui gagne et les habitants environnants vont se retrouver en bonne santé. Si on continue à agresser la rivière et que demain il y a effondrement des berges, la première personne qui perd ce n’est pas la rivière.

B.E : Est-il possible de restituer les zones tampons déjà occupées par des personnes tierces

Je vois des gens qui construisent au bord de ces rivières, ou du lac. Il y avait la direction générale de l’urbanisme et l’acquéreur de la parcelle. Pourquoi j’accepte qu’on me donne une parcelle au bord du lac ou de la rivière alors que si vous allez dans le code de l’environnement de 2000, l’acquéreur de la parcelle doit d’abord faire une étude d’impact environnementale pour analyser si cet ouvrage va cohabiter avec ce cours d’eau. La personne qui attribue la parcelle le fait au nom du gouvernement. Donc, nous mettons le gouvernement devant des faits difficiles à gérer.

Le code de l’eau est clair en son article 153 sur les droits acquis c’est-à-dire les gens qui ont construit avant que le code ne sorte le 22 /3/2012, il n’y a pas d’infraction. Mais à l’article 55, le ministre en charge de l’eau a l’autorité de vérifier si les gens qui ont construit au bord du lac ont respecté les normes exigées sur la protection de la biodiversité du lac Tanganyika. Si le ministre trouve que même si vous n’avez pas commis une infraction votre ouvrage ne peut pas cohabiter avec le lac Tanganyika, et que vous êtes en ordre, c’est un droit acquis mais le ministre peut vous dire il faut déménager. Dans ce cas c’est le ministre qui va vous indemniser. Si le ministre fait une visite depuis Gatumba jusqu’à Nyanza-lac il trouve quelqu’un qui a construit dans cette zone-là, il n’y a aucun papier, il s’est approprié cette zone dans de 150m, on vous dit vous détruisez à vos frais.

B.E : Vous demandez dans votre livre que l’Unesco enregistre le lac Tanganyika sur la liste du patrimoine mondial pour le respect de ses droits. Quelle sera la valeur ajoutée ?

A.M. : Il y aurait un droit de regard de l’Unesco pour vérifier si les textes qui régissent le lac Tanganyika sont bien respectés pour l’intérêt de tous. Aujourd’hui, il n’est pas un patrimoine mondial. N’importe qui peut faire n’importe quoi sur ce lac. Si celui-ci venait à être enregistré comme patrimoine mondial, les intervenants des pays concernés par la biodiversité du lac Tanganyika se mettraient ensemble pour dire finalement comment les choses évoluent.

Il faut que l’ALT mobilise les moyens pour organiser d’abord une conférence des ministres en charge de l’eau et de l’environnement pour analyser comment la convention a été mise en œuvre puis rendre compte au sommet des chefs d’Etat pour constater finalement que le lac Tanganyika c’est notre affaire, notre trésor et qu’il faut se mettre ensemble pour le protéger.

B.E : Le vocable « Eau » n’apparait plus dans la dénomination du ministère qui assure sa gestion. Quel est votre commentaire ?

A.M. : Il faudrait qu’il existe un ministère de l’eau et de l’environnement. Depuis le 19 avril 2018, le vocable « Eau » a disparu. Maintenant, il y a le ministère de l’environnement et de l’agriculture. On a marié deux choses qui ne peuvent pas cohabiter : L’environnement et l’agriculture. Etant donné que l’agriculture est le premier destructeur de l’environnement. Aujourd’hui, qui va plaider pour le lac Tanganyika ? Si le ministère de l’environnement est oublié, on risque d’oublier même la vie du lac. Quand on va dans la politique nationale de l’eau c’est là où on va trouver la séparation des ministères. Les différents ministères techniques qui utilisent l’eau, ce sont des ministères utilisateurs. Un ministère utilisateur de l’eau pour l’irrigation ou pour barrage hydroélectrique ou hydroagricole ne peut pas être en même temps régulateur pour voir si tout est conforme au code de l’eau. C’est pourquoi on avait séparé le ministère régulateur et le ministère utilisateur. Depuis le 19 avril 2018, le ministère régulateur n’existe plus. Si je suis ministre de l’environnement et de l’agriculture, c’est moi qui décide n’importe quoi alors que le ministère de l’environnement doit s’assurer que les autres ministères sont en train de respecter les dispositions du code de l’environnement, forestier, de l’eau, etc.

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A propos de l'auteur

Bonith Bigirindavyi.

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