Transport

Le torchon brûle entre les professionnels du transport et leurs associations

La situation est confuse dans le secteur des transports. Entre les conducteurs de taxis motos/vélos et des Tuk-Tuks qui se lamentent  de l’adhésion forcée dans des associations qui leur font  payer de l’argent et le rôle ambiguë de la Marie, il n’est pas facile de démêler le vrai du  faux. Une synergie des médias vient d’être organisée pour essayer de connaître le fin mot de cette histoire

L’adhésion et la sortie d’une association est libre. Même la création d’une association est libre comme le stipule l’article 7 de la loi n° 1/02 du 27 janvier 2017 portant cadre organique des associations sans but lucratif (ASBL). Pourtant, certains conducteurs de taxis vélos/motos et Tuk- Tuks se plaignent d’être contraints d’adhérer à des associations contre leur gré. Cette adhésion forcée n’est pas leur seule peine. Ils doivent s’acquitter des cotisations en tant que membres de ces associations.  Les conducteurs de Tuk-Tuks  paient 1000 FBu par jour, les taxi-motos paient entre 500 et 700 FBu tandis que les taxis-vélos paient 100 FBu par jour. Ceci étant, il est important d’établir une nuance. Une association reconnue par la loi a le droit de collecter les cotisations auprès de ses membres  pour peu que ces cotisations soient convenues  et surtout du moment qu’un membre a librement choisi d’intégrer ou pas à telle ou telle autre association. Légalement donc, un membre a le libre choix d’entrer ou de quitter une association.

Les conducteurs de Tuk-Tuks paient 1000 FBu par jour, les taxi-motos paient entre 500 et 700 FBu tandis que les taxis-vélos paient 100 FBu par jour

Où va l’argent collecté ?

Chaque propriétaire de vélo doit s’acquitter d’une quittance annuelle de 1000 FBu, quel que soit l’usage qu’il en fait. Normalement, comme on l’a évoqué plus haut, une association a le droit de collecter les cotisations auprès de ses membres. L’article 67 de la loi régissant  les ASBL le dit bien. Il n’y a rien à redire à ce sujet. Ce qui est étrange c’est que ces associations des transporteurs ne se limitent pas à collecter les cotisations seulement. Il n’y pas longtemps, elles collectaient les frais de stationnement de 2000 FBu par mois qui entrent dans les caisses de la Marie. Cela a été affirmé par M. Ramadhan Nkurikiye, Conseiller Principal du maire de la ville de Bujumbura.

La Marie n’intervient pas dans la gestion des associations

Lorsque des désordres ont commencé à se faire observer dans la collecte de fonds, la Marie a suspendu la convention qu’elle avait conclue avec les associations. Désormais « chaque conducteur de taxi-vélo devra venir payer au bureau de la Marie. Sans venir à la Marie, il peut payer via les services Ecocash et Lumicash », a précisé M. Nkurikiye. C’est également vrai que la Marie conseillait aux professionnels du transport d’adhérer aux associations pour question de sécurité. A un certain moment de la crise de 2015, ce sont des gens à moto qui lançaient des grenades, a-t-il affirmé lors de la synergie des médias qui a eu lieu  à la radio Isanganiro ce jeudi.     Toutefois, il a rappelé que la Marie n’entre pas dans l’organisation et la gestion des associations. M. Nkurikiye a en outre précisé « qu’il faut différencier les taxes /impôts  et les cotisations que les associations perçoivent de leurs membres ». A propos de la collecte des taxes par les association, Patrick Ndayishimiye, expert fiscaliste invité de la synergie des médias a indiqué que  ce n’est pas bon de confier la collecte des taxes/impôts à n’importe qui. Pour autant, « que la Marie confie la collecte des taxes/impôts à certaines personnes, c’est normal. En revanche, si l’argent collecté n’arrive pas à destination ou que le collecteur perçoit plus ou moins qu’il ne devrait, cela poserait  un problème évidemment », a fait savoir l’expert fiscaliste. Par ailleurs, il a rappelé que chaque impôt/taxe doit être prévu(e) par une loi ou un texte réglementaire et, évidemment, le tarif doit être connu et prévu d’avance dans le budget.

« Ugwinjizo/amahera y’imbuga » ou  droit d’entrée, l’autre pierre d’achoppement

A côté des cotisations, des frais de stationnement et des taxes municipales/communales que les membres des associations paient, il y a  ‘’ugwinjizo’’ que d’autres appellent ‘’amahera y’imbuga’’  ou le droit d’entrée qu’il faut s’acquitter avant de commencer à travailler. A titre indicatif, les conducteurs de Tuk-Tuks paient entre 200 FBu et 220 mille FBu de droit d’entrée. Un taxi-vélo a affirmé avoir payé une somme de 30 mille FBu  pour avoir le droit de travailler. Il n’y a pas de quittance pour ce fameux ‘’ugwinjizo’’ ni un autre document pour attester ce paiement. Emmanuel Nimbona, président de la SOTAVEBU  a indiqué que le droit d’entrée est consommé par les anciens du  parking. Ils partagent un verre avec le nouveau venu et lui expliquent les ‘’règles du parking’’. Il faut noter qu’il y a des parkings qui ont une caisse. Dans ce cas, l’argent d’ ‘’ugwinjizo’’ va dans cette caisse, a fait savoir M.Nimbona. Or l’article 66 de la loi régissant  les ASBL stipule que les ressources financières des associations  sont déposées aux comptes bancaires accessibles à leurs gestionnaires. Là où le bât blesse c’est  qu’on empêche par la force celui qui ne paie pas de travailler.

L’administration a été obligée de prendre des mesures

Il y a plus de 2000 taxis-motos qui opèrent dans la ville de Gitega. Leur association  faisait payer une somme de 500 FBu par jour et par motard. Ce qui fait à peu près 1 million de FBu collecté par l’association des motards de Gitega. Il y avait aussi des ‘’sécurités-motards’’ qui se comportaient comme les forces de l’ordre et traquaient impitoyablement ceux qui ne voulaient pas payer. Ils ont été suspendus et les récalcitrants ont été emprisonnés, a indiqué Venant Manirambona, le gouverneur de la province de Gitega. Le désordre qui régnait dans cette association a amené cette autorité à suspendre la collecte des cotisations de cette association. Le comité qui pilotait l’association a également été déposé et remplacé par un comité provisoire   chargé d’organiser les élections dans le but d’assainir la situation de cette association. « S’il était bien collecté et déposé sur un compte en banque, cet argent pourrait servir au développement des membres de l’association », a fait savoir M. Manirambona.

Les responsables des associations comme la SOTAVEBU devraient penser à négocier des polices d’assurance pour leurs membres. Ce n’est pas compliqué et c’est faisable, pour peu que quelqu’un y pense. C’est comme ça que les associations des professionnels du transport pourraient regagner la confiance de leurs membres qui s’est visiblement érodée

L’association a des droits, mais aussi des devoirs envers ses membres

Une association  a ce qu’on appelle l’objet de sa constitution, c’est-à-dire l’objet qui fait que les membres s’associent autour d’un objectif. L’alinéa 6 de l’article 50 de la loi citée ci-haut parle des droits et des devoirs des membres des associations. Cela suppose que l’association en a aussi envers ses membres. Un membre de la Solidarité des Taxis-Vélos du Burundi (SOTAVEBU) de Gitega joint au téléphone pendant la synergie des médias a indiqué que l’association leur promettait de leur venir en aide en cas d’accident. Pourtant, il aurait été victime des accidents de roulage à deux reprises, mais l’association n’a rien fait pour lui, selon ses propos. Mais alors, à quoi a servi l’argent qu’il a cotisé ? M. Nimbona a déclaré que cet argent «  paie le loyer du bureau de l’association ».

Les conducteurs reçoivent de petits crédits d’urgence, selon ses propos qu’il a tenus  lors de la synergie des médias. La SOTAVEBU, quant à elle, est supposé payer 30% de la facture des soins de santé d’un membre ayant eu un accident comme l’a indiqué à notre confrère le président de cette association (Dossier pédagogique no 1 de Burundi Eco sorti au mois de décembre 2018). Ils sont pourtant nombreux les membres des associations des professionnels du transport à se demander où va l’argent collecté. Les chiffres que les chiffres que le président de la SOTAVEBU a fournis à notre confrère en 2018 indiquent que cette association comptait 30 400 membres dans tout le pays dont 12 400  dans la seule ville de Bujumbura. Au prix de ce 100 FBu par jour de cotisation et par membre, cette association collecterait plus de 3 millions de FBu par jour et donc plus de 90 millions de FBu  par mois.

Pourtant, l’union fait la force

Le rôle et l’activité des associations des professionnels du transport ne devraient pas se limiter à collecter de l’argent uniquement. Ceux qui œuvrent dans ce secteur font l’objet d’accidents, mais aussi de maladies liées à leur travail. Les responsables de ces associations comme la SOTAVEBU devraient penser à négocier des polices d’assurance pour leurs membres. Même l’AMOTABU et l’association des conducteurs de Tuk-Tuks (ATUBU) devraient aussi le faire car la police d’assurance des motos et des Tuk-Tuks ne couvre que la responsabilité civile (RC)  autrement appelé assurance contre tiers dans la quasi-totalité des cas.  Or la RC ne couvre pas le conducteur. Ces associations devraient aussi  penser à doter leurs membres de l’assurance maladie.

Les assureurs s’intéressent beaucoup à ceux qui se regroupent en association, car ils peuvent facilement mutualiser le risque inhérent à leur activité ou à leur métier. Toute compagnie d’assurance serait très contente d’assurer 30.400 taxis-vélos par exemple. Ils suffiraient aux associations d’approcher les assureurs et de négocier des polices d’assurance pour leurs membres. Ce n’est pas compliqué et c’est faisable, pour peu que quelqu’un y pense.  C’est comme ça que les associations des professionnels du transport pourraient regagner la confiance de leurs membres qui s’est visiblement érodée. A bon entendeur, salut.

A propos de l'auteur

Parfait Nzeyimana.

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