Environnement

Niveau du lac Tanganyika : Les habitants de Kibenga sur le qui vive

La montée du lac menace les infrastructures socio-économiques riveraines. Les habitants tentent d’endiguer la progression des vagues, mais en vain. L’eau a contraint certains habitants à déménager. Les exploitants des plages prédisent des pics historiques dans les deux prochains mois. Ils demandent la révision du Code de l’eau alors que les écologistes dénoncent l’invasion de la zone tampon.

L’érosion côtière ponctuée par des inondations sporadiques menacent sérieusement les infrastructures riveraines du lac Tanganyika.

Les eaux du lac Tanganyika gagnent du terrain. Depuis la fin de l’année 2023, on assiste à une montée fulgurante des eaux du lac Tanganyika. L’érosion côtière ponctuée par des inondations sporadiques menacent sérieusement les infrastructures riveraines du lac Tanganyika. Les quartiers de Kibenga, Kizingwe-Nyabugete, Kajaga et une partie de Kinindo-Ouest sont parmi les zones les plus touchées par les crues du lac.

Dans le quartier Kajaga, l’eau du lac a inondé l’ensemble des maisons érigées sur le littoral du lac. A notre passage ce jeudi 14 mars 2024, nous avons constaté l’ampleur des dégâts. Des maisons entièrement inondées par les eaux, l’eau arrivant jusqu’au niveau des fenêtres, des chantiers de construction laissés à l’abandon. Certains habitants ont été sommés de vider les lieux pour aller s’installer ailleurs. Les parcelles sont occupées par la jacinthe d’eau et d’autres herbes envahissantes comme les papyrus (urupfunzo). D’autres ont décidé de résister à la progression des vagues.

Un combat perdu à l’avance

Les habitants qui se sont exprimés sur la pire crise climatique que connait ce quartier affirment qu’ils font recours aux moyens de bord pour endiguer la progression des eaux du lac. Ils essaient d’ériger des barrières mécaniques à l’aide de sacs de sable le long des parcelles pour stopper les inondations. Les avenues se transforment en de véritables petits lac. Les usagers dont des enfants pataugent dans les flaques d’eau ou sursautent sur des sacs de sable placés le long des avenues.

Les efforts mobilisés pour combattre le désastre écologique restent infimes. Le niveau du lac ne régresse point. Malgré les barrières physiques, l’eau s’infiltre via la nappe phréatique et finit par inonder l’intérieur des parcelles. Les motopompes tournent à plein régime pour évacuer les eaux vers le lac. En cas de forte pluviométrie, le pire est à craindre. Pour le moment, les habitants craignent la propagation des maladies hygiéniques surtout que les contenus des puits perdus et les fosses septiques se déversent directement dans les eaux du lac Tanganyika.

Des signes avant coureurs du désastre s’observent au port de Bujumbura

Les autorités sont en alerte maximale. Les services portuaires confirment la présence des eaux dans la partie intérieure du port. L’échelle affiche un niveau d’eau anormalement élevé au niveau du quai de déchargement. Si le lac s’agite, les vaques envahissantes se déversent à l’intérieur du port. L’Agence Routière du Burundi (ARB) a déjà débuté les travaux d’urgence pour installer des digues en gabillots afin protéger le boulevard du Japon.

Le siège de l’Office Burundais des Recettes (OBR) est dans le viseur des inondations. Le département d’immatriculation des véhicules jadis logé au rez-de-chaussée de l’immeuble Virago déménage vers Kigobe dans les enceintes de l’immeuble Emmaüs. Dans la foulée, la société exploitant le port de Bujumbura demande aux usagers de déménager les services de dédouanement et le déchargement des marchandises. Le pire est à craindre avec la grande saison pluvieuse qui s’annonce dans les deux prochains mois.

Les exploitants des plages en mode résilience

Les exploitants des plages réadaptent leurs infrastructures au contexte du moment. Ceux qui ont des moyens investissent de grosses sommes dans la construction des digues de protection. D’autres assistent impuissamment à la montée des eaux du lac qui inonde l’ensemble des plages de la capitale économique. D’ici le mois de mai, nous pouvons dire adieu l’ambiance festive au bord du lac Tanganyika, commentent les habitants de la ville de Bujumbura.

L’impact économique est déjà perceptible. Le patron de Nyabugete Beach parle d’une situation morose. Certes, il associe la baisse de la clientèle à la crise économique actuelle, mais il avoue que le niveau élevé du lac constitue une menace réelle. « Nous devons mobiliser des moyens conséquents pour atténuer l’impact », fait savoir M. Alexis Bapfumukeko, promoteur du projet. A ceux qui avancent qu’il s’agit du non respect de la zone tampon de 150 m, notre interlocuteur rétorque que le code de l’eau devrait tenir compte de la spécificité des infrastructures côtières. Il demande plus de flexibilité dans les textes réglementant ce genre de construction pour permettre aux exploitants d’ériger des infrastructures durables ou flottantes qui résistent à l’eau à l’instar des pays insulaires.

Les experts tirent sur la sonnette d’alarme

Les services météorologiques alertent que pour cette année 2024, il est attendu un pic de la montée des eaux du lac Tanganyika qui serait le plus grand par rapport à celui de l’année 2021 en cas de surabondance des précipitations. « Le niveau maximal du lac pourra être supérieur à celui que nous avons observé en mai 2021(776.68cm) et causera donc des dégâts énormes sur le littoral du Lac », renseigne le bulletin de l’Institut Géographique du Burundi (IGEBU).

Normalement, le niveau du lac Tanganyika a atteint son pic au mois de mai 2021.  Pour cette année, les experts en environnement prédisent le pire. L’échelle installée au niveau du port de Bujumbura affiche une hauteur qui avoisine les 777m. « Compte tenu des fortes précipitations que connait la sous-région, le lac Tanganyika pourra atteindre un niveau record de 777,10 m; soit 2 cm de plus par rapport au niveau le plus élevé enregistré en 1964 », a alerté Bernard Sindayihebura, expert en environnement, en aménagement du territoire et professeur à l’Université du Burundi.

Prendre des mesures qui s’imposent

A cette hauteur, une bonne partie des infrastructures installées le long du littoral du lac depuis la zone de Kabonga en province de Makamba jusqu’à Gatumba sera sous l’eau. La ville de Bujumbura est particulièrement menacée. Les habitants des quartiers Kinindo Sud et Kibenga sont en danger. Les vagues du lac pourront envahir tout le terrain Tempête au mois de mai 2024. Cette situation est aggravée par les crues des affluents des eaux du lac, car la montée du lac bloque les eaux des rivières qui s’y déversent. Ce qui provoque des inondations dans les régions côtières.

L’expert Sindayihebura invite les pouvoirs publics et les médias à sensibiliser la population riveraine sur les dangers que présente ce phénomène climatique. Les services météorologiques suggèrent aux décideurs de prendre les mesures qui s’imposent pour protéger les infrastructures et les habitants. Ils proposent le déménagement des populations des endroits en proie aux inondations vers des endroits plus sûrs.

A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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