Finance

Plus de vigilance dans l’adoption des projets de lois des finances

Même si le budget de l’Etat reflète les grands axes pour soutien de l’économie, il a été constaté que dans la plupart des cas,  le projet  de loi des finances est analysé à la hâte dans le souci de respecter les délais impartis.  Pour l’économiste Boaz Nimpe, cela doit changer. Il  invite les parlementaires à faire preuve de vigilance avant d’adopter ledit projet de loi    

Dans un atelier de renforcement des capacités à l’endroit des députés et des sénateurs ainsi que des cadres du Parlement sur le processus d’élaboration, d’analyse et d’adoption de la loi des finances organisé ces derniers jours, Hon Agathon Rwasa a fait savoir que les parlementaires analysent souvent les projets de loi budgétaires dans les derniers jours du temps prévu. Selon lui, une seule journée ne suffit pas pour analyser tout le contenu du projet de loi budgétaire présenté par le gouvernement au Parlement.

Pour l’expert Boaz Nimpe, les parlementaires devront comprendre l’importance d’avoir un temps suffisant pour analyser le budget de l’Etat en tant que véritable instrument de la politique budgétaire du pays.  Il précise que les projets de loi des finances doivent être présentés à temps pour permettre au Parlement d’avoir le temps suffisant d’examiner le projet de budget. Selon toujours lui,  les lois budgétaires ne sont pas publiées dans le journal officiel. Les documents à annexer au projet de loi des finances sont jugés incomplets par la Cour des comptes.

Boaz Nimpe, expert en finances publiques : « Les parlementaires devront comprendre l’importance d’avoir un temps suffisant pour analyser le budget de l’Etat en tant que véritable instrument de la politique budgétaire du pays ».

Comment se prépare la loi des finances ?

Comme le stipule l’article 29 de la loi de 2008 relative aux finances publiques, c’est le ministère des Finances, sous l’autorité du Président de la République qui est responsable de la préparation des projets de lois des finances et de leur présentation au Parlement. Au plus tard cinq mois avant le dépôt du projet de loi des finances initial, un conseil des ministres fixe le plafond global des dépenses du budget de l’Etat pour l’année à venir compte tenu de l’objectif de solde budgétaire et des hypothèses économiques retenus. Ce conseil des ministres répartit, à titre indicatif, ce plafond entre les ministères sur la base de l’état fixant la programmation indicative à moyen terme des grandes catégories de dépenses publiques. La Cour des comptes adresse son avis au Parlement sur tout le projet de loi des finances dans les 15 jours de son adoption en Conseils des Ministres. Après le dépôt du projet de loi des finances par le Gouvernement à l’Assemblée Nationale et au Sénat, les commissions des finances du Parlement ont tout le pouvoir d’enquêter sur pièce et sur place sur les questions relatives à la gestion budgétaire, financière et comptable des administrations de l’Etat.

Pour Nimpe, les parlementaires devraient savoir lire et analyser toutes les lignes des projets de lois des finances. Chaque parlementaire peut identifier les parties de la loi des finances qui lui permettent de lire les recettes et les dépenses inscrites aux budgets de l’Etat. Chaque parlementaire peut identifier le montant alloué à chaque ministère suivant la classification économique et fonctionnelle. Les parlementaires doivent mieux agir sur les moteurs de croissance. « Un budget mieux élaboré agit sur les accélérateurs ou les moteurs de la croissance. Le Parlement doit être  vigilant et attentif lors de l’examen du projet de budget. Ils doivent mieux identifier les moteurs de croissance, soutien et consolidation du cadre macroéconomique », souligne  Nimpe.

Selon  toujours Nimpe, après le vote du budget, les députés et les sénateurs font le contrôle de l’action gouvernementale. Ils doivent être outillés pour savoir comment les lignes budgétaires qu’ils ont autorisées sont en train d’être exécutées. Les parlementaires doivent s’assurer que le budget voté a été exécuté dans les limites autorisées.

Qu’est-ce qui se passe si la loi des finances  n’est pas votée ?

Si la loi des finances n’est pas votée avant le début de l’exercice, on applique le douzième provisoire. On prend le budget précédent divisé par 12, révèle Boaz Nimpe. L’article 37 de la loi des finances de 2008 relative aux finances publiques montre que les dépenses de fonctionnement du budget de l’Etat sont autorisées dans la limite mensuelle d’un douzième du montant de crédits votés pour l’année précédente, pour chaque chapitre budgétaire. Selon l’expert Nimpe, ce scénario s’est produit en 1994. « La loi n’a pas été votée. C’était suite à la crise de 1993. Jusqu’au 31 décembre, elle n’était pas encore votée. Il n’y avait même pas le signataire », fait-il savoir. Ce n’est qu’après trois mois qu’elle a pu être votée. 

Le respect des délais de dépôt du projet de loi au Parlement, une nécessité

Pour Nimpe, avant d’adopter le budget, il est important que le Parlement exige au gouvernement le respect des délais de dépôt du projet de loi au Parlement, au moins deux mois avant. Le Parlement doit également exiger la présentation de la loi de Règlement, le compte rendu budgétaire ainsi que le rapport d’activités du gouvernement pour savoir si le Budget antérieur a été correctement exécuté dans l’intérêt des citoyens. L’intensification du contrôle parlementaire, l’exigence des contrôles physiques de l’exécution du Budget et en particulier des dépenses affectées dans les secteurs sociaux s’avèrent nécessaires. Le projet de loi de règlement et compte-rendu budgétaire trouve ses origines dans la loi organique n° 1/35 du 04 décembre 2008 relative aux finances publiques qui stipule que « le projet de loi de règlement et compte-rendu budgétaire est soumis au Parlement dans les 8 mois de la clôture de l’exercice ».

Pourquoi la loi de règlement ?

La raison pour laquelle la loi de règlement doit être produite est qu’elle montre de fil en aiguille comment le budget a été exécuté. A titre illustratif, l’exécution du budget pour l’exercice 2018-2019 a été émaillée de nombreuses irrégularités comme le montre le rapport de la cour des comptes. Elle déplore une violation flagrante de la loi régissant les finances publiques. Certaines rubriques dépassent largement le seuil de 10% pour atteindre plus de 1 000%. 

La cour des comptes dans son rapport-commentaire sur le projet de loi portant fixation du budget général de l’Etat, exercice 2019-2020 présenté mardi le 14 mai 2019 estime que certaines dépenses ont été payées avant ordonnancement. Par contre, l’article 5 de la loi des finances stipule que les dépenses de l’Etat sont engagées, liquidées et ordonnancées avant d’être payées. Toutefois, la loi autorise que certaines dépenses spécifiques ou exceptionnelles soient payées avant leur ordonnancement. Dans ce cas, elles doivent être régularisées sur les crédits budgétaires correspondants au cours de l’exercice concerné, lit-on dans le rapport de la cour des comptes.  

De plus, la cour s’inquiète de l’état des lieux de l’exécution des dépenses imprévues au 30 avril 2019 pour le budget 2018-2019. Les cas d’imprévus gonflent les dépenses publiques. Le rapport de la cour des comptes en cite quelques-uns. Ce sont notamment l’organisation d’une retraite gouvernementale qui a coûté plus de 47 millions de FBu en août 2018, le paiement d’une facture de 117 921 412 de FBu à l’entreprise Médiabox ou encore d’une somme de 37 194 000 dépensée lors de l’atelier de formation et de moralisation des journalistes. 

La loi des finances autorise le transfert des crédits entre rubriques budgétaires d’un même ministère. Cependant, les transferts ne doivent pas dépasser le plafond de 10% de chacune des rubriques budgétaires concernées. L’analyse de la cour des comptes a répertorié une série d’ordonnances dont les crédits dépassent de loin 10%. Certains d’entre eux culminent à plus de 1000%.

Accélérer le processus budgétaire exercice 2022-2023 

L’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Economiques (OLUCOME) demande au président de République d’instruire les services compétents d’accélérer le processus budgétaire exercice 2022-2023. Il se réjouit de la disponibilisation des lois de règlement budgétaire absentes depuis plus de 5 ans et du déclenchement du budget programme. Et d’ajouter qu’il est ravi d’avoir inséré dans le budget de l’Etat les budgets des communes et des sociétés à participation publique dans le projet de budget général de l’Etat exercice 2022-2023. Par contre, il demande qu’il y ait la mise en place d’une chambre qui jugera tous les comptes publics d’une part ainsi qu’un secrétariat exécutif indépendant et compétent de la cellule nationale des renseignements financiers et un registre national des sociétés privées qui gagnent les marchés publics d’autre part. Il souhaite à ce que ces instruments soient mis en place avant l’exécution de la loi de finances exercice 2022-2023.

Gabriel Rufyiri, président de l’OLUCOME : « L’OLUCOME demande que le projet de budget en cours d’élaboration soit orienté vers la croissance économique ».

Eviter le budgt dominé par les dépenses de fonctionnement

L’OLUCOME demande également que le projet de budget en cours d’élaboration soit orienté vers la croissance économique avec un accent particulier aux secteurs porteurs de croissance économique et non un budget dominé par les dépenses de fonctionnement. De plus, il demande encore que le montant de la rubrique de remboursement des fonds détournés n’oscille plus de 0 à 1 500 000 de FBu mais qu’il soit de 400 milliards de FBu car les montants détournés atteignent un seuil considérable. Bien plus, il souhaite qu’on insère une rubrique « taxe sur fortune » dans le but de l’élargissement de l’assiette fiscale. C’est-à-dire qu’un citoyen burundais qui a plus d’une maison sans aucun crédit bancaire puisse payer cette taxe sur fortune. 

Par ailleurs, selon l’OLUCOME, le Burundi ayant déjà ratifié le Pacte international relatif aux Droits économiques sociaux et culturels, ses citoyens ne devraient pas souffrir de manque de carburant, d’eau potable, de l’électricité, des denrées alimentaires, …D’où dans ce projet de budget, l’OLUCOME demande de prendre des mesures qui s’imposent pour que chaque citoyen burundais puisse satisfaire les 4 besoins fondamentaux sans problème notamment se nourrir, se vêtir, se loger et se faire soigner.

Et, comme l’année budgétaire débute le 1er juillet et que le parlement a trois mois pour l’analyse et l’ adoption du projet de budget général de l’Etat, l’OLUCOME trouve que le Gouvernement a déjà enregistré un retard remarquable dans le processus d’adoption dudit projet de budget. D’où il demande d’instruire les services compétents de travailler en conséquence. Il demande également aux Excellences Présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat de consacrer uniquement cette période restante de 3 mois à l’analyse et à l’adoption du projet de la loi de finances 2022-2023. 

Mots-clés :
A propos de l'auteur

Jean Marie Vianney Niyongabo.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur.
La rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires enfreignant ces règles et les règles de bonne conduite.

éditorial

Un environnement des affaires peu attractif

Un environnement des affaires peu attractif

A l’instar des autres pays, le Burundi se lance dans le redressement de son économie pour améliorer les conditions de vie des populations et réduire les inégalités sociales. Ainsi, « le pays s’est engagé sur la voie de la transformation économique de manière à augmenter et diversifier la production sans entraver l’équilibre écologique », a déclaré le président de la République Evariste Ndayishimiye lors du sommet des chefs des Etats tenu à Nairobi le mois précédents. La campagne de lutte contre la pauvreté pour aspirer à la prospérité partagée et un développement durable se heurte à des défis de taille. Même si le gouvernement s’est donné un pari de l’émergence endéans 16 ans, à travers sa nouvelle « Vision d’un Burundi Emergent en 2040 et Développé en 2060 », l’économie nationale est plus que jamais exposée aux chocs extérieures.

    Abonnez-vous à notre bulletin

    Journal n° 607

    Dossiers Pédagogiques

    Facebook

éditorial

Un environnement des affaires peu attractif

Un environnement des affaires peu attractif

A l’instar des autres pays, le Burundi se lance dans le redressement de son économie pour améliorer les conditions de vie des populations et réduire les inégalités sociales. Ainsi, « le pays s’est engagé sur la voie de la transformation économique de manière à augmenter et diversifier la production sans entraver l’équilibre écologique », a déclaré le président de la République Evariste Ndayishimiye lors du sommet des chefs des Etats tenu à Nairobi le mois précédents. La campagne de lutte contre la pauvreté pour aspirer à la prospérité partagée et un développement durable se heurte à des défis de taille. Même si le gouvernement s’est donné un pari de l’émergence endéans 16 ans, à travers sa nouvelle « Vision d’un Burundi Emergent en 2040 et Développé en 2060 », l’économie nationale est plus que jamais exposée aux chocs extérieures.
  • Journal n° 607

  • Dossiers Pédagogiques