Agriculture

Vers la redynamisation de la filière café ?

Le désintéressement de la population, le faible encadrement des producteurs, les opérateurs privés qui s’enrichissent sur le dos des producteurs, un prix peu rémunérateur. Tels sont les défis qui handicapent la filière café burundaise. Pour y faire face, le gouvernement a décidé de nationaliser la filière café. Dans cette logique, les efforts s’intensifient pour améliorer la productivité du café. Les techniciens agricoles et les administratifs doivent travailler en synergie pour augmenter la production et la qualité du café. Reportage. 

Les autorités burundaises, notamment le gouverneur de la province Gitega Venant Manirambona, confirment que certains producteurs se tournent vers d’autres cultures jugées plus rentables au détriment du café.

Les travaux de lancement de la campagne de pulvérisation, fertilisation et de plantation des caféiers se sont déroulés ce mercredi 15 novembre 2023 sur la colline Cishwa de la commune Bugendana en province de Gitega. Après une séance de démonstration des bonnes pratiques sur l’entretien du café, place aux travaux proprement dits de pulvérisation et de fertilisation du café et à la mise en place de nouveaux plants de caféiers.

D’après Fidel Ndayishimiye, agronome communal à Bugendana, la pulvérisation protège le café contre la punaise du café dite « igifushi ». Cette dernière dégrade la qualité du café et lui confère un mauvais goût. D’où la pulvérisation est recommandée deux fois par campagne et  à 21 jours. Pour pulvériser, on utilise en premier lieu l’insecticide connu sous le nom de Lampdalm alors que pour la seconde fois, les caféiculteurs pulvérisent avec dans des portions indiquées le pesticide Iron Le caféiculteur doit se protéger à l’aide des kits de protection : des gants, des lunettes, un casque et un cache-nez.

La fertilisation s’applique également deux fois par campagne caféicole à raison de 100 g d’engrais NPK.  La première application d’engrais intervient dès l’apparition des premières cerises pour booster leur croissance et au début du murissement des cerises (vers le mois d’avril), la deuxième fertilisation intervient pour compléter la maturation. A chaque fois, on mélange 10 kg de fumure organique avec de 50 g de NPK.

Une filière café en turbulence

La filière café est confrontée à moult défis. Les autorités confirment que certains producteurs se tournent vers d’autres cultures jugées plus rentables. Le gouverneur de la province de Gitega Venant Manirambona fait savoir que des cas pareils s’observent dans cette localité. Certains caféiculteurs déracinent leurs champs sous prétexte que le café ne procure pas assez de sous. Il en est de même pour les caféiculteurs qui associent le café à d’autres cultures. En tout, de telles attitudes ne font que renforcer la vulnérabilité des ménages.

Emmanuel Ndorimana, assistant du ministre de l’Agriculture enfonce le clou en affirmant que celui qui boude la culture du café « trahit » le pays. Ce cadre du ministère charge les opérateurs privés qui s’enrichissent sur le dos des caféiculteurs. Avec la privatisation de la filière café, certains opérateurs achetaient le café et ne payaient pas les caféiculteurs. Ce qui décourageait les efforts des producteurs.

L’autre raison avancée est le relâchement au niveau de l’encadrement des caféiculteurs. Les techniciens agricoles ont failli à leur mission. L’assistant du ministre de l’Agriculture se remémore l’encadrement rigoureux des caféiculteurs qui prévalait du temps du président Bagaza.  Celui qui n’entretenant pas correctement son champ était soumis à des amendes. Pourquoi ne pas renforcer l’encadrement et revaloriser la filière agricole ? s’interroge-t-il avant d’instruire tous les moniteurs agricoles et agronomes de se mettre au travail. « Rappelez-vous que nous avons été scolarisés grâce aux efforts des contribuables et que nous sommes payés par leurs contributions au fisc. C’est le moment de leur renvoyer l’ascenseur en mettant à contribution notre savoir-faire pour améliorer la productivité », lance Ndorimana.

Venant Manirambona demande plutôt aux agriculteurs de s’impliquer davantage pour redynamiser la filière café, jadis considéré comme principal pourvoyeur de revenus pour les ménages. « Il faut diversifier les sources de revenus en cultivant plus de café, mais aussi d’autres cultures maraichères », estime-t-il.

Des initiatives pour redynamiser la filière café

La politique de nationalisation de la filière café prend forme. La mise en place de l’Office pour le Développement du Café (ODECA) en 2019 annonce le grand retour de l’Etat dans la gestion de la filière café. Dès lors, de nombreuses réformes ont été initiées surtout avec l’augmentation du prix au producteur passant de 500 FBu par kilo de café cerise à 1200 FBu.

Le café reste le pilier de l’économie nationale dans la mesure où il apporte des devises et des revenus aux ménages.

Apparemment, cela n’a pas réussi à convaincre les caféiculteurs qui estiment le prix encore très bas par rapport aux intrants utilisés dans la fertilisation du café. Un caféiculteur de la commune Bugendana ne cache pas son inquiétude. Il donne une petite idée sur le coût de production : « Nous engageons beaucoup de moyens pour entretenir les champs. Par campagne, je peux dépenser plus de 600 00 FBu rien que pour le paillage de mes six champs de café ». Le souci est que certains producteurs ne maitrisent pas les facteurs entrant la fixation du prix du café ainsi que le coût de production. D’où la persistance des lamentations.

Cela étant, le gouvernement subventionne les engrais NPK à hauteur de 60% du prix. En outre, il investit dans l’encadrement de proximité des producteurs et la disponibilité des pesticides et d’autres intrants. Pour le moment, rien qu’en province de Gitega, plus de 120 ha ont été identifiés par l’ODECA pour y installer de nouveaux plants de caféiers cette année. Le programme de mise en place de nouveaux plants de caféiers  cible également les provinces de Mwaro, Karusi, Ruyigi, Muyinga et Cankuzo. L’assistant du ministre de l’Agriculture invite les directeurs d’écoles, les leaders religieux et les administratifs à préparer des champs de café pour augmenter la production.

Un meilleur café du monde

Le café reste le pilier de l’économie nationale dans la mesure où il apporte des devises et des revenus aux ménages. Au cours du 1er trimestre 2023, la valeur des exportations enregistre une hausse de 69% par rapport à la même période en 2022. D’après les données de la Banque centrale, cette performance est due à l’exportation des produits primaires notamment le café dont les recettes ont bondi de 350%.

Le café burundais est réputé à l’échelle mondiale de par sa qualité. L’année dernière, le café burundais a raflé la première place aux 400 producteurs présents à Boston aux Etats Unis lors d’une foire internationale du café. Les producteurs reçoivent des primes après ce genre d’évènement. Les caféiculteurs de Kayanza en savent plus. En 2017, un lot de café issu de la station de lavage de Kibingo en province de Kayanza a été coté meilleur café du monde lors de la vente aux enchères. Un kilo a été vendu 115 USD et les producteurs en ont bénéficié des primes  jusqu’à 100 FBu/kg. De quoi rémunérer les efforts des caféiculteurs qui s’investissent pour améliorer la qualité du café.

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Benjamin Kuriyo.

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