Développement

Comment protéger le capital social d’une société anonyme  ?

Avant de boucler notre série d’articles sur le droit des sociétés anonymes, nous revenons sur les mécanismes de protection du capital social contre les prélèvements illicites. Nous abordons également la notion de capital  social comme garantie des créanciers ainsi que les mesures dissuasives en ce qui concerne la formation et le maintien du capital social.

Depuis la nuit des temps, le capital social d’une société anonyme est considéré comme le gage de ses créanciers. Le principe directeur du gage repose en effet sur le maintien du capital tel que constitué dans le patrimoine de la société dans laquelle les créanciers investissent, apprend-on du livre intitulé : « La constitution du capital social dans le paysage juridique burundais : Cas de la société anonyme ».

Pour ce faire, l’exploitation financière d’une société anonyme, à l’instar des autres sociétés commerciales, peut se solder par des pertes qui amputent une partie du capital. Le résultat déficitaire bloque la distribution des dividendes. A ce titre, le code des sociétés privées et à participation publique du Burundi prévoit des seuils de perte des capitaux afin de provoquer la dissolution de la société. « Ces seuils sont des indicateurs dont le rôle est de protéger ce qui reste du capital social », fait savoir Me Jacques Nshimirimana, commissaire à la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme(CNIDH) et auteur du livre.

La protection du capital social comme garantie des créanciers

L’auteur rappelle que les règles applicables au capital social sont formulées le plus souvent sous forme de devoirs. Ces interdictions sont des précautions qui répondent au besoin de protection du capital social.  Ainsi, le législateur burundais a institué le partage des bénéfices comme un droit fondamental de l’associé, mais il interdit formellement la distribution des dividendes fictifs. « En aucun cas, les rémunérations des titres sociaux des associés n’entament le capital social. Par conséquent, le code des sociétés dispose que ceux qui auront perçu indument les dividendes peuvent se voir exiger de les remettre », éclaire Me Nshimirimana.

De ce fait, le principe de fixité et d’intangibilité du capital social doit être scrupuleusement respecté lors des rémunérations des associés. Le capital social est destiné à assurer la protection minimale des créanciers. D’où la protection contre les prélèvements intervient lors des distributions des dividendes aux associés. « C’est à ce moment que la société doit protéger le capital social en vérifiant que les prélèvements ne sont pas effectués sur ce chiffre. Le fonds sur lequel le dividende pourrait être prélevé ne doit pas être le capital social, mais plutôt le bénéfice distribuable susceptible de constituer le fonds sur lequel les dividendes seront prélevés », apprend-on du livre de Me Nshimirimana.

De la protection du capital social au profit des associés

 La limitation des rémunérations faites au profit des associés est justifiée par la nécessité de protéger les intérêts des créanciers. Cela ne devrait pas permettre de justifier la suppression du capital social dans la mesure où le capital social intéresse aussi les associés. Grâce au principe de proportionnalité, les associés évitent des relations internes déséquilibrées : « le plus petit apporteur ne peut se prévaloir de plus de droits que le plus gros investisseur au capital ».

Les droits et les obligations des associés sont proportionnés de manière à éviter des injustices. L’égalité de traitement entre les associés est facilitée par le rattachement des titres au capital social. En ce qui concerne les droits financiers et les  obligations, les associés ont certes toute la liberté pour déterminer leur mode de répartition mais, en l’absence d’imagination, le capital social pourrait servir de référence. « En cas de silence des statuts, les juges peuvent se référer au capital social comme mode de répartition pour trancher les litiges qui pourraient survenir entre les associés », révèle Me Nshimirimana.

Attention aux capitaux fictifs !

 Normalement, les souscriptions fictives constituent des infractions pénales relatives à la formation du capital social. La souscription du capital social est un principe très important dans la formation de la garantie des créanciers. Malheureusement, force est de constater que pas mal d’entrepreneurs déclarent des montants fantaisistes comme capital social lors de l’enregistrement de leurs sociétés. Ce qui peut leur causer des ennuis au fur de l’évolution de leurs sociétés.

Dans la partie sur la constitution du capital social, vous avez appris que pour que la société soit valablement constituée, il est nécessaire que le capital soit totalement, réellement et définitivement souscrit. L’absence de souscription intégrale pourrait être considérée comme un délit. Il est assimilable à la souscription fictive ou frauduleuse. « C’est pour prévenir ce risque que le législateur protège le capital social des souscriptions fictives sur le terrain pénal », rappelle Me Nshimirimana. Le capital social est indispensable pour les associés dans la mesure où les droits et les obligations des associés sont proportionnés. Certes, la règle connait des exceptions, mais la souscription du capital est opportune en l’absence de précision des statuts ou en cas de litige.

De la protection des actionnaires minoritaires

 Tous les actionnaires disposent d’un droit de vote aux assemblées générales. En principe, les décisions qui sont prises ne doivent être motivées que par l’intérêt social de l’entreprise et non par des intérêts purement personnels.   Le code des sociétés prévoit que les décisions collectives peuvent être annulées pour abus de majorité et engager la responsabilité des associés qui les ont votés à l’égard des associés minoritaires. Généralement, « on parle d’abus de majorité » lorsque les associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul intérêt contrairement aux intérêts des associés minoritaires et que cette décision ne puisse pas être justifiée par l’intérêt de la société.

A contrario, « on parle d’ abus de  minorité » lorsque dans leur vote les associés minoritaires s’opposent à ce que des décisions soient prises alors qu’elles sont nécessitées par l’intérêt de la société et qu’ils ne peuvent justifier d’un intérêt légitime.  Dans ce cas, les associés minoritaires engagent leur responsabilité.

L’abus de majorité fait l’objet d’une appréciation au cas par cas. Il existe des situations dans lesquelles il est difficile d’analyser si les conditions de l’abus sont remplies.  « En cas d’abus de majorité avérée, il est prévu diverses sanctions dont la nullité de la décision que les actionnaires minoritaires peuvent demander en justice. La nullité de la décision entraîne sa disparition rétroactive. Les  actionnaires minoritaires pourront aussi réclamer les dommages et intérêts pourvu qu’ils démontrent l’existence d’un préjudice », explicite Me Nshimirimana.

Le capital social bénéficie d’une réelle protection contre les fraudes et les mensonges susceptibles d’être orchestrés lors des souscriptions des apports et l’évaluation des apports en nature. Cette protection pénale et civile du capital social a une portée dissuasive. En effet, pour éviter d’être condamnés, les évaluateurs, les souscripteurs feront le nécessaire pour offrir aux créanciers une garantie réelle et non fictive.

Nous remercions infiniment Me Jacques Nshimiramana pour la franche collaboration et d’avoir contribué à enrichir les colonnes du journal Burundi Eco avec un sujet aussi intéressant qu’est le droit des sociétés anonymes. Pour en savoir plus sur le sujet, prière de cliquer sur le lien suivant : https://www.edilivre.com/la-constitution-du-capital-social-dans-le-paysage-juridique-burundais-jacques-nshimirimana.html/ .

 

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A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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