Elevage

Insuffisance de médecins vétérinaires : Outiller d’abord le peu qui existe

Le Burundi fait face au manque criant de vétérinaires. Ce défi pourrait constituer un handicap dans la lutte contre d’éventuelles épizooties comme la fièvre de la vallée du Rift. Pour Joseph Butore, docteur en médecine vétérinaire, le vrai problème n’est pas l’effectif de techniciens ou de médecins vétérinaires, mais plutôt le contexte dans lequel ils travaillent. Avec le peu de vétérinaires dont dispose le pays, la situation pourrait être normale s’ils étaient suffisamment outillés    

La fièvre de la vallée du Rift menace le Burundi depuis le mois d’avril 2022. Cette maladie a mis à nu que le Burundi connait une insuffisance de vétérinaires. Cette question a même fait l’objet d’un conseil des ministres le 20 juillet 2022. Une note sur les défis liés à l’insuffisance des médecins vétérinaires a été analysée et des pistes de solutions ont été proposées.

Dr Joseph Butore, médecin vétérinaire et professeur d’université : « Avec le peu de vétérinaires dont dispose le pays, la situation pourrait être normale s’ils étaient suffisamment outillés ».

 

Une situation problématique

Le gouvernement du Burundi avait mis en place un service vétérinaire efficace qui comprenait un médecin vétérinaire au niveau de chaque province, un technicien vétérinaire au niveau de chaque commune, un aide infirmier- vétérinaire au niveau de chaque zone avec un centre vétérinaire équipé et un bain de dépiquage. Mais, la disponibilité des services vétérinaires qualifiés a pris le sens inverse, apprend-on au conseil des ministres. Après les années 1998, un licenciement des aide- infirmiers vétérinaires pour des raisons budgétaires a laissé les éleveurs sans service de santé animale de proximité. 

Dr Joseph Butore, médecin vétérinaire et professeur d’université reconnait quand même que cette situation problématique ne date pas d’aujourd’hui. Mais, pour ce spécialiste en diagnostic clinique, le vrai problème n’est pas le nombre de techniciens ou de médecins vétérinaires, mais plutôt leur considération. Il fait remarquer en substance que les médecins ou techniciens vétérinaire connaissent une insuffisance de moyens techniques et financiers suffisants. « Sans équipements, sans médicaments, sans moyens de déplacement, il est difficile de soigner les animaux et être utile à la société». Pour lui, s’ils étaient suffisamment mis à profit, occupés, encouragés et outillés, ils pourraient faire mieux que ce qu’ils font aujourd’hui. «Dans les bureaux provinciaux en charge de l’élevage, vous verrez des médecins vétérinaires qui sont là, mais qui ne sont pas outillés pour travailler réellement ».

Un problème d’hiérarchie administrative

Dr Butore évoque également une question d’ordre administratif. «Les médecins vétérinaires sont insérés dans un système administratif hiérarchique où ils ne sont pas toujours techniquement compétents. Un médecin est un technicien. S’il n’a pas les mains libres pour prendre certaines décisions, la situation se complique». Ceci limite en quelque sorte le déploiement de leurs capacités auprès de la société burundaise. Selon lui, les conséquences sont visibles. Les épidémies apparaissent et le temps passe sans que ceux qui devraient prendre les premières décisions ne les prennent. Tout cela montre que même le peu de vétérinaires qui sont disponibles dans le pays n’ont pas les mains libres ou le plateau technique suffisant pour intervenir en cas de nécessité. Il craint que l’une des causes de la situation actuelle de la fièvre de la vallée du Rift pourrait être cette façon de faire. «Je soupçonne qu’il y aurait eu une défaillance à ce niveau-là». 

Qu’en est-il des laboratoires ?

Dr Joseph Butore déplore que le pays compte un seul laboratoire vétérinaire digne de son nom. Un autre avait été construit à Gitega, mais il n’est pas actuellement fonctionnel, révèle-t-il. « Normalement, nous devrions avoir des laboratoires au moins sur les principales portes d’entrée des animaux achetés à l’extérieur du pays ». Les animaux importés devraient séjourner quelques jours à la frontière et mis en quarantaine pour des contrôles avant d’être acheminés vers l’intérieur du pays.

S’il y avait des vétérinaires équipés avec une marge de manœuvre suffisante pour prendre des décisions sur tous les postes frontières, notre pays serait mieux protégé contre les épizooties venant de l’extérieur. 

Une école de médicine vétérinaire ne pourrait-elle pas figurer parmi les priorités du gouvernement ?

Pour réformer le secteur, les membres du gouvernement proposent entre autres de procéder à une réallocation du budget du ministère de l’Education Nationale destiné aux bourses d’études, de créer une faculté de Médecine vétérinaire à l’Université du Burundi et de doter les vétérinaires d’équipements suffisants.

Mais, pour Joseph Butore avoir une école de formation des médecins vétérinaires ne pourrait même pas être une grande priorité pour le gouvernement. Selon lui, pour dispenser cette formation, il y a tout un arsenal de conditions à réunir dont le Burundi ne dispose pas. « A voir les dimensions géographiques du Burundi, ouvrir une école qui va produire même 10 médecins vétérinaires par an serait de trop. Au bout de 10 ans, on formerait 100 médecins qui ne seraient pas tous automatiquement occupés. Le Burundi entretient des relations avec des pays pouvant offrir des bourses de médecine vétérinaire. Mais là aussi, il faudra préparer ce qu’ils vont faire à leurs retours au pays après la formation. Les bacheliers formés en santé animale (technicien vétérinaire) à l’Université du Burundi peuvent intervenir pour résoudre des problèmes sans grande complexité si les conditions nécessaires sont réunies.

A propos de l'auteur

Bruce Habarugira.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur.
La rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires enfreignant ces règles et les règles de bonne conduite.

Un commentaire

Les commentaires sont fermés.

éditorial

Un environnement des affaires peu attractif

Un environnement des affaires peu attractif

A l’instar des autres pays, le Burundi se lance dans le redressement de son économie pour améliorer les conditions de vie des populations et réduire les inégalités sociales. Ainsi, « le pays s’est engagé sur la voie de la transformation économique de manière à augmenter et diversifier la production sans entraver l’équilibre écologique », a déclaré le président de la République Evariste Ndayishimiye lors du sommet des chefs des Etats tenu à Nairobi le mois précédents. La campagne de lutte contre la pauvreté pour aspirer à la prospérité partagée et un développement durable se heurte à des défis de taille. Même si le gouvernement s’est donné un pari de l’émergence endéans 16 ans, à travers sa nouvelle « Vision d’un Burundi Emergent en 2040 et Développé en 2060 », l’économie nationale est plus que jamais exposée aux chocs extérieures.

    Abonnez-vous à notre bulletin

    Journal n° 607

    Dossiers Pédagogiques

    Facebook

éditorial

Un environnement des affaires peu attractif

Un environnement des affaires peu attractif

A l’instar des autres pays, le Burundi se lance dans le redressement de son économie pour améliorer les conditions de vie des populations et réduire les inégalités sociales. Ainsi, « le pays s’est engagé sur la voie de la transformation économique de manière à augmenter et diversifier la production sans entraver l’équilibre écologique », a déclaré le président de la République Evariste Ndayishimiye lors du sommet des chefs des Etats tenu à Nairobi le mois précédents. La campagne de lutte contre la pauvreté pour aspirer à la prospérité partagée et un développement durable se heurte à des défis de taille. Même si le gouvernement s’est donné un pari de l’émergence endéans 16 ans, à travers sa nouvelle « Vision d’un Burundi Emergent en 2040 et Développé en 2060 », l’économie nationale est plus que jamais exposée aux chocs extérieures.
  • Journal n° 607

  • Dossiers Pédagogiques