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Zéro fistule obstétricale : Des progrès significatifs, mais le chemin est encore long

Les fistules obstétricales constituent un problème majeur de santé publique dans les pays en voie de développement. Depuis plus de 20 ans, les Nations Unies, les systèmes de santé et les communautés ne parviennent pas à mettre fin à cette pathologie qui handicape les femmes. Au Burundi, l’existence du centre Urumuri parvient à donner la dignité et le sourire aux filles et femmes fistuleuses, mais il reste un long chemin à parcourir

Les femmes qui souffrent de la fistule obstétricale présentent l’écoulement continu et sans contenance d’urine et/ou de matières fécales par le vagin.

La fistule obstétricale est décrite par le corps médical comme une des lésions les plus graves et les plus dangereuses susceptibles de survenir lors d’un accouchement et qui fait qu’il y ait perforation entre le vagin et la vessie (fistule vesicovaginale) et/ou le rectum (fistule rectovaginale). Les femmes qui en souffrent présentent l’écoulement continu et sans contenance d’urine et/ou de matières fécales par le vagin.

Malgré des avancées significatives, la fistule obstétricale appelée aussi maladie de l’arrière-cour ou la maladie de la honte sévit encore et elle reste méconnue dans la communauté.

Un accouchement prolongé, la principale cause

Comme l’explique Dr Josiane Nijimbere du Programme national de santé de la reproduction (PNSR), la principale cause de la fistule obstétricale est l’accouchement prolongé sans intervention obstétricale pratiquée en temps voulu et au bon moment. « La tête fœtale est bloquée entre la vessie en avant et le rectum en arrière. Et la partie entre la vessie et le vagin et/ou entre le rectum et le vagin qui est restée comprimée pendant plusieurs heures ne va pas vasculariser (c’est-à-dire que le sang ne va pas y circuler).  Elle ajoute ensuite que cette partie compressée va pourrir et va s’enlever. Ce qui crée un orifice au niveau de la vessie et un orifice au niveau du vagin. Les deux orifices en contact vont créer un canal anormal entre la vessie et le vagin. Ce qui provoque un écoulement continu d’urines par le vagin. Le même mécanisme s’explique aussi entre le rectum et le vagin où il est créé une porte d’écoulement continue des selles par le vagin.

Mariage et grossesse précoce, refus de faire suivre sa grossesse dans une structure sanitaire, fœtus malformé comme le cas d’hydrocéphalie, croyances erronées sont entre autres les facteurs favorisant la maladie.

Toutefois, d’autres causes ne sont pas épargnées comme les fautes techniques commises lors d’une césarienne (la fistule vesico-pariétale ou vésicocutanée) ou les traumatismes sexuels surtout chez les filles… Mais ces cas restent rares.

Rosette, le cas parlant

C’est ce qui est arrivé à Rosette Nimfasha, 20 ans, de la commune Butihinda dans la province de Muyinga. Quand le travail d’accouchement était sur le point de commencer, elle s’est rendue au centre de santé le plus proche. « Les infirmiers du centre m’ont vite transféré à l’hôpital de Kamaramagambo. Mais là aussi, j’ai dû y passer une autre journée avec des contractions et les infirmiers me rassuraient que j’allais avoir mon bébé et que l’intervention de césarienne n’est pas nécessaire », raconte-t-elle.

Toutefois, plus tard, le corps médical décida de pratiquer la césarienne. C’est le lendemain de la césarienne qu’elle a commencé à sentir qu’elle ne peut plus contrôler ses urines. « J’ai commencé à sentir des liquides couler et j’ai commencé à avoir peur. J’en ai informé les médecins qui m’ont rassuré premièrement que c’est normal pour une femme qui vient d’accoucher. Sauf que cela ne s’est pas arrêté ».

Les médecins de l’hôpital Kamaramagambo n’ont pas su diagnostiquer la maladie et ont décidé de faire une autre intervention chirurgicale pour voir ce qui ne va pas. Mais là aussi, rien n’a changé. « Après, alors que les médecins ne sont pas arrivés à diagnostiquer ce que j’ai, il y a quelqu’un de ma famille qui a eu l’idée de m’amener au centre Urumuri de Gitega. Il en avait certes peu de connaissances, mais les symptômes lui rappelaient ce qu’il avait entendu parler à la radio à propos d’une maladie appelée maladie de l’arrière-cour (ingwara yo mu kigo).

Une pathologie qui n’est pas assez connue dans la communauté et dans les structures de santé

Tout comme Rosette, Judith et Audacie sont deux femmes dont le destin les ont fait rencontrer au centre « Urumuri ». Elles racontent qu’avant de venir dans ce centre pour se faire diagnostiquer la fistule obstétricale, elles se sont faites soigner dans différentes structures de santé sans qu’on puisse trouver ce dont elles souffraient. « Je me suis fait soigner dans au moins cinq structures de santé jusqu’à ce que j’arrive à un médecin qui a pu savoir ce que j’ai et m’a transférée au centre Urumuri », raconte Judith.

Elles-mêmes affirment qu’avant que le fléau ne leur tombe dessus, elles n’en avaient jamais entendu parler. D’où, elles ont erré des mois et des mois avant de tomber sur une étoile qui les guida jusqu’au centre Urumuri.

Un point positif à rentabiliser

Aujourd’hui, le ministère en charge de la Santé publique se réjouit que 9 femmes sur 10 accouchent grâce à un personnel qualifié.  D’ailleurs, pour prévenir la fistule, les Nations Unies insistent sur le fait de mettre l’accent sur un accès rapide à des soins obstétricaux et néonatals d’urgence de qualité administrés par des professionnels formés aux techniques de sage-femme lors de l’accouchement.

Cependant, au centre Urumuri, sur 26 femmes qui sont actuellement prise en charge (chiffres du 20 novembre), plus de 20 femmes avaient fréquenté les structures de santé les plus proches de leurs domiciles. Ils déplorent que malgré le point positif marqué, ces femmes devraient normalement être préservées de ce fléau. « Dans la plupart des cas, ces femmes passent trop de temps dans les centres de santé et sont transférées dans les hôpitaux où on peut appliquer les pratiques obstétricales adéquates quand il est trop tard », fait savoir Bénigne Niyubahwe, conseillère psychosociale au centre Urumuri.

Elle insiste sur le fait que des efforts soient encore fournis dans la sensibilisation du personnel médical sur les causes de cette pathologie, mais surtout leur faire comprendre que leur rôle dans la prévention de cette maladie est primordial.

Des rechutes qui devraient être évitées

Des recommandations sont formulées à l’endroit de la femme qui a été prise en charge quand elle retourne dans son foyer, à savoir : éviter les travaux fatigants et les rapports sexuels pendant au moins 3 mois et éviter de tomber enceinte avant une année. Et quand elle retombe enceinte après cette période d’une année, il est déconseillé qu’elle accouche par voie basse.

Malheureusement, cette recommandation est souvent ignorée par le personnel de santé qui laisse ces femmes avec des antécédents de fistules obstétricales accoucher par voie basse en les rassurant qu’il n’y a plus de danger. Et ces cas de rechute sont enregistrés par le centre.

« Quand nos patientes retournent chez elles, nous leur donnons un document dont il faut toujours se munir quand elles vont dans les consultations.  Nous demandons qu’il y ait vraiment une étroite collaboration entre le corps médical et nos anciennes patientes et de tenir compte de ces recommandations pour éviter les cas de rechute », explique Mme Niyubahwe.

Des progrès significatifs malgré les défis : le résultat des efforts conjugués

Le centre « Urumuri a été mis en place par Médecins Sans Frontière Belgique en 2010 et est passé officiellement sous la tutelle de l’Hôpital Régional de Gitega en 2015. Il reste d’ailleurs le seul jusqu’à présent spécialisé dans la prise en charge de la fistule obstétricale dans tout le pays. Depuis lors, plus de 3200 cas de fistules obstétricales ont été déjà traités par ce centre et 94% ont guéri (données du PNSR).

Aujourd’hui est différent d’hier, affirme le personnel du centre Urumuri. Avant, ils expliquent qu’ils accueillaient des cas datant de plusieurs années alors qu’actuellement le centre accueille des cas qui sont plus ou moins récents. « Quand le centre a commencé, j’ai vu des femmes âgées qui disaient que la pathologie date de Rwagasore », témoigne Mme Niyubahwe.  Ce qui peut expliquer le nombre élevé des cas dans les premières années d’existence du centre (voir le graphique).

L’intervention chirurgicale, le kit d’hygiène, la restauration, les frais de déplacement à leur retour et l’accompagnement psychologique sont dispensés gratuitement aux filles et femmes fistuleuses. Toutefois, ces services sont très coûteux. Par exemple le coût d’une d’une opération d’un cas de fistule obstétricale est estimé à 500 USD.  Le Fonds des Nations Unies pour la Population supporte en grande partie les coûts mais aussi le gouvernement du Burundi, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Programme Alimentaire Mondial, la Fondation Bonne Action Umugiraneza… apportent une pierre à l’édifice.

« Si les services du centre n’étaient pas subventionnés, qui d’entre nous pourraient s’aventurer à s’y faire soigner ? Tout simplement, les femmes fistuleuses resteraient souffrantes physiquement, psychologiquement, moralement pendant longtemps comme il en a été auparavant », fustige Audacie.

A propos de l'auteur

Dona Fabiola Ruzagiriza.

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