Développement

Extension de la Sosumo : approchée, la population parle d’une expropriation déguisée

La population ayant des terres dans les marais de Rugunga et Bareremba n’est pas tendre avec la Sosumo, Cette société sucrière a élargi ses plantations de canne à sucre sur ces périmètres occupés, il y a quelques temps par ces paysans. Ils Sont remontés contre la contrepartie pour l’exploitation de leurs terres ’’cédées’’

Un plan d’affaires détaillé de réhabilitation, de modernisation et d’extension de la Sosumo a été déjà élaboré et son coût est estimé à plus de 110 milliards de FBu.

   

La plupart des paysans interrogés ne cachent plus leur amertume, ils digèrent mal la rémunération de 10.000 FBu par tonne de canne à sucre donnée par cette société. La Sosumo balaie du revers de la main ces accusations et parle d’accords gagnant-gagnant. 

Dans le marais de Rugunga situés sur deux collines qui sont entre autres Rutenderi et Nkaramanyenye de la commune Kayogoro dans la province de Makamba, sont riches. 

Sous un soleil de plomb, quelques engins de la Société Sucrière du Moso (SOSUMO) font des navettes dans cet endroit qui totalise plus de 4.000 exploitants. 

Parmi ces engins, les uns y tracent des routes d’accès. D’autres créent des digues de protection sur la rivière Malagarazi qui sépare le Burundi et la Tanzanie dans l’objectif de juguler les inondations, une menace récurrente dans ces marais de Rugunga.  

Dans une enquête effectuée dans cette localité, les propriétaires de ce marais déplorent le fait que la Sosumo a étendu ses champs sur ces terres.  C’est une ’’expropriation déguisée’’, s’inquiète Cédric Ndayishimiye rencontré à cet endroit.  Selon lui, cette société paie chacun des propriétaires de canne villageoise 10.000 FBu par tonne de canne à sucre et par an. 

Selo lui, ce montant est insignifiant au regard de l’évolution du coût de la vie avec la flambée des prix des produits de base. Au vu de cette somme payée par tonne de canne à sucre, se lamente-t-il, tous ceux qui ont de terres mises en valeur par la Sosumo et pour cette société, parlent d’exploitation. 

L’année passée, raconte-il, je n’ai eu que 30 000 FBu. Pourtant, si j’y avais cultivé du maïs, du haricot, des tomates, … j’aurais pu gagner facilement plus de 200.000 FBu après seulement trois mois. 

Même son de cloche pour Ezéchiel Cishahayo rencontré au centre dénommé Kubareremba situé sur la colline Gihofi de la commune Bukemba dans la province de Rutana. 

La rémunération que la Sosumo octroie aux propriétaires de la canne à sucre villageoise est jugée insignifiante, comparée au rendement que donneraient d’autres cultures, selon ces paysans.  

A titre illustratif, un des propriétaires de terrain exploité par la Sosumo confie que s’il cultivait du manioc, il pourrait facilement avoir après la récolte plus de 2 millions de FBu par ha. 

Quand nos terres ont été cédées à la Sosumo, expliquent ces paysans, tout le monde pensait que chaque propriétaire de terrain allait en tirer beaucoup de profit et améliorer les conditions de vie de sa famille, mais ils ont vite déchanté. Ceux qui ont été approchés souhaiteraient pouvoir, un jour, exploiter leurs terres.

Quand les tracteurs saccagent les cultures des paysans  

Jacqueline Misago, la trentaine est mère de cinq enfants, quand elle ne cultive pas ce qui lui reste comme champs, elle fait du petit commerce au bord de la Malagarazi. Elle avait un lopin de terre dans le périmètre mis en valeur par la Sosumo. Elle accuse les conducteurs des tracteurs de cette société d’avoir abîmé ses cultures ainsi que celles des autres paysans pour laisser place à la canne à sucre.

Les propriétaires du marais Rugunga déplorent le fait que la Sosumo s’est appropriée leurs terres.

 

Un des représentants de ces cultivateurs de canne à sucre interrogé ne nie pas que la rémunération offerte par la Sosumo reste insignifiante malgré sa récente majoration, car elle est passée de 5.000 FBu à 10 000 FBu. 

Selon lui, comme toute autre société commerciale, la Sosumo ne voit en priorité que ses intérêts.  D’après lui, les contrats qui lient les propriétaires de la canne villageoise et la Sosumo datent des années 1990. Par contre, il s’inquiète que ces textes n’aient pas été respectés. Ces paysans demandent à la Sosumo de revoir à la hausse cette rémunération pour la fixer au moins à 20.000 FBu par tonne de canne sucre. 

Le gouverneur de la province de Rutana fait savoir qu’il est au courant des lamentations de la population. « J’ai même adressé une correspondance au ministre en charge de l’agriculture afin qu’ils puissent trouver une solution à ce problème », a tenu à préciser Olivier Nibitanga.

Un juriste et professeur d’université approché suggère au gouvernement de les exproprier en bonne et due forme et au vrai sens du terme pour éviter tous ces désagréments. 

Pour Jean-Claude Ntwari, directeur de l’agriculture au sein de la Sosumo, les quelques lamentations les propriétaires de la canne à sucre cultivée dans les marais de Rugunga et Bareremba ne sont que quelques cas isolés.

« Les paysans ne s’en lamentent pas, car les plantations de canne à sucre étaient déjà presque abandonnées suite à un encadrement lacunaire. » Actuellement, note-t-il, la tendance a été inversée dans l’objectif de booster la production. 

« Parmi les stratégies prises pour gagner le pari figure l’exploitation des terres des paysans par la Sosumo elle-même. Elle fait elle-même le labour, cherche les semences et les fertilisants, plante et s’occupe du sarclage des plantations jusqu’à leur maturité. Les paysans attendent seulement leur rémunération selon les quantités de canne à sucre collectées dans leurs champs », explique-t-il. 

Suite à cette stratégie, il indique que les résultats sont satisfaisants. « Par rapport à la campagne de l’année 2021, la production s’est améliorée jusqu’à 21% ». 

D’après lui, les propriétaires des terres ne jouent pas perdant par rapport au rendement qu’ils pourraient enregistrer s’ils y cultivaient d’autres cultures.

A titre d’exemple, il explique que quelqu’un qui cède un hectare de terres peut gagner facilement 1.200.000 FBu par an. Selon lui, ce montant n’est pas insignifiant, car les plantations étaient déjà menacées par les inondations.  Concernant la fixation de la rémunération des paysans estimée à 10.000 FBu par tonne de canne à sucre, Ntwari indique que cela se fait sur base des dépenses engagées par ces deux parties.

La Sosumo dispose au total de 3.680 ha de plantations de canne à sucre dont 266 ha de canne villageoise.

                                       

Un projet qui n’est pas tombé du ciel 

Aloys Ndayikengurukiye, administrateur directeur général de la Sosumo n’y va pas par quatre chemins. « Le projet d’associer les plantations de la Sosumo avec la canne villageoise ne date pas d’hier. Et la population a cédé facilement ses terres. » Selon lui, elle apprécie même cette politique, car la rémunération est offerte une seule fois, par an. « Elle n’est pas offerte par tranche et des avances sont quelques fois proposées », explique-t- il. 

Seulement, il fait savoir que les bénéficiaires réclament encore que la rémunération soit revue à la hausse. L’ADG de la Sosumo explique que le projet d’association de la canne villageoise avec les plantations de la Sosumo n’est pas tombé du ciel. 

« Il rentre dans la politique du gouvernement de booster la production de la Sosumo pour essayer de satisfaire la demande. On souhaite alors passer de 20.000 tonnes à 35.000 tonnes de sucre par an. Pour y arriver, pas mal d’actions doivent être menées », confie-t-il.  

Déjà un plan d’affaires détaillé de réhabilitation, de modernisation et d’extension de la Sosumo a été déjà élaboré et son coût est estimé à plus de 110 milliards de FBu. 

Il ne reste que l’adoption par le gouvernement afin d’avoir une ligne de crédit. Dans ce projet, il est question d’étendre la Sosumo vers la commune de Giharo. La Sosumo compte y exploiter une superficie de 12.000 ha.  

De plus, la Sosumo compte développer le projet d’irrigation des plantations, car 70% de ses plantations ne sont pas irriguées. Ce qui constitue un défi majeur pour le développement de cette société.  

Un autre projet qui est déjà en cours pour booster la production de la Sosumo est l’introduction de nouvelles variétés de canne à sucre, car les six variétés qui sont cultivées par cette société sont vieilles de 34 ans.  

30 nouvelles variétés sont alors en essai en collaboration avec l’Isabu pour essayer de trouver des variétés plus productives, résistantes et homologuées. Notons que la Sosumo dispose au total de 3.680 ha de plantations de canne à sucre dont 266 ha de canne villageoise. 

La Sosumo dispose de plants d’arbre et de bambous dans ses pépinières. Objectif : protéger l’environnement et renforcer les digues construites le long de la au bord de Malagarazi pour pallier le problème d’inondation. 

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A propos de l'auteur

Jean Marie Vianney Niyongabo.

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