Développement

La croissance démographique, une bombe à retardement

Le Burundi fait partie des pays qui font face à une explosion démographique non maîtrisée. Si rien n’est fait dans les meilleurs délais, il pourrait se retrouver dans une impasse avec des conséquences dramatiques qui se font déjà sentir. Les chercheurs Aloys Kamuragiye et Déogratias Buzingo tirent la sonnette d’alarme

A quoi ressemblerait le Burundi avec 75 millions d’habitants sur une superficie de seulement 27834 km2 ? Ce scénario cauchemardesque  ne sort pas de l’imagination d’un journaliste en manque d’inspiration. Il risque d’arriver si rien n’est fait pour maîtriser la croissance démographique du pays.  Dans le livre intitulé « Maîtriser la croissance de la population pour profiter du dividende démographique en Afrique subsaharienne. Le cas du Burundi », les deux chercheurs en sont convaincus.

Chaque année, la population croît de 280 mille personnes

Chaque année, la population continuerait de croître  d’environ 280 mille personnes par an, soit à un rythme de 2,6% contre 3,4% en 2010. Par conséquent,  la densité  ne fait qu’augmenter depuis l’époque coloniale. Elle était estimée à 71 habitants au km2 (hab/km2)  en 1956, 124 hab/km2 en 1965, 155,5 hab/km2 au recensement de 1979 et 310,3 hab/km2 à celui de 2008. Selon les projections de l’ISTEEBU de 2016 rapportées par les deux chercheurs, la densité actuelle du Burundi  est de 403 habitants au km2, soit la 3ème densité la plus élevée d’Afrique après celles du Rwanda et de l’île Maurice.  Plus inquiétant encore, elle attendrait plus de 750 habitant au km2 en 2050, lit-on dans le livre que les deux chercheurs viennent de publier. 

Qu’est-ce qui explique cette démographie galopante ? 

D’après  toujours les deux chercheurs, la mortalité en baisse et la fécondité élevée seraient responsables de ce boom démographique. L’Enquête Démographique et de Santé  du Burundi (EDSB) réalisée en 1987 que l’ouvrage cite indique que l’indice synthétique de fécondité (ISF), c’est-à-dire le nombre d’enfants par femme était de 6,9 au cours de cette année. Celui de 2010 était de 6,4 alors que celui de 2017 a été estimé à 5,5.  L’une des explications de cette fécondité élevée est que les comportements des Burundais en matière de sexualité, de mariage et de procréation ont été et sont encore déterminés par les normes et les valeurs traditionnelles. Tout ça dans un contexte de faible prévalence contraceptive.  En même temps, la mortalité a fortement baissé. L’EDSB de 2010 que les deux auteurs citent indique que la mortalité infantile et juvénile a été réduite de moitié par rapport à son niveau de 2005.  

Des projections qui font froid dans le dos

Les deux chercheurs prédisent qu’en cas de statu quo, selon les projections basées sur des données actualisées en 2016 et 2018, la population du Burundi estimée à 11 millions en 2017 pourrait se situer  entre 20 et  25 millions d’habitants en 2050 selon que l’IFS  baissera d’environ 5,5 enfants en moyenne par femme en 2017 à 2,6 ou 3,6 enfants par femme en 2050. En 2100, la population du Burundi pourrait se situer entre 75 et 96 millions d’habitants, selon que la fécondité moyenne sera de 1,6 ou de 2,6 enfants par femme. Plus préoccupant encore, ces hypothèses  supposent l’augmentation  annuelle de l’utilisation de la contraception d’environ 1 à 1,5% par an dans les 30 prochaines années.  Or, l’augmentation de l’utilisation de la contraception moderne au cours des 20 dernières années a été inférieure ou égale à 0,5%, lit-on dans le livre. Cela n’est pas de bon augure, à moins que les pouvoirs publics y mettent le paquet et renversent la tendance. Néamoins, il existe un autre scénario réaliste qui situe la population burundaise à 23,6 millions d’habitants en 2050 et 43,8 millions d’habitants en 2100

Profiter des dividendes démographique c’est possible, mais… 

Si un pays parvient à maîtriser la croissance de sa population, il est possible qu’il en tire profit. En agissant sur certains indices comme la fécondité et la mortalité, on peut faire des économies en matière de santé et d’éducation tout en améliorant la qualité de vie de la population. Mais cela ne suffit pas  pour bénéficier du dividende démographique. Il faut absolument que le pays investisse coûte que coûte dans certains secteurs, notamment dans le développement humain. A ce propos, Dr Kamuragiye a indiqué qu’une femme instruite fait moins d’enfants et contribue plus à l’économie du ménage et celle du pays. Il a aussi souligné qu’il faut d’abord une stabilité politique et une bonne gouvernance  sans oublier bien sûr l’amélioration des infrastructures de base. L’autre astuce pour tirer profit du dividende démographique est la création des emplois dans les secteurs nécessitant une main-d’œuvre abondante. C’est à ce prix que le pays pourrait tirer profit du dividende démographique dans les années à venir tout en évitant aux générations futures d’hériter d’une situation catastrophique. Pour cela, il faut agir maintenant, ont indiqué les deux chercheurs.

A propos de l'auteur

Parfait Nzeyimana.

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