Société

Le certificat foncier chez la femme, une aubaine à rentabiliser

L’inscription des terres au nom des femmes ou de deux conjoints réduit les problèmes liés au désaccord social. Par ailleurs, le certificat foncier peut être utilisé par son détenteur pour contracter un crédit auprès d’une institution de microfinance afin de s’auto développer. Pour une femme, le certificat foncier constitue également une fierté et une garantie de sa sécurité comme c’est le cas des femmes habitant la commune Buhinyuza dans la province de Muyinga au Nord-Est du pays

Administration et les organisations ne cessent de sensibiliser la population sur la plus value de l’enregistrement des terres au service foncier communal, surtout pour les femmes.

Dans la tradition burundaise, la femme n’hérite pas la terre. Elle en est plutôt usufruitière. Son droit de jouir de la terre dépend de la volonté des parents, des frères voire de sa belle-famille. Avec la mise en place du Projet de Restauration et Résilience du Paysage au Burundi (PRRPB) depuis octobre 2019 qui visait à protéger le parc de la Ruvubu, les femmes habitant la commune Buhinyuza en province de Muyinga ont bénéficié un avantage d’enregistrer leurs parcelles gratuitement au service foncier communal, obtenant ainsi des certificats fonciers. Sont mentionnés sur le certificat foncier : les noms des conjoints, de la femme célibataire, de la veuve, d’une orpheline, de la divorcée…

La possession du certificat foncier, un atout

La population de cette localité indique que l’enregistrement des terres au nom des deux conjoints, au nom d’un homme et surtout d’une femme (veuve, orpheline, femme propriétaire d’un lopin de terre) est une innovation qui sécurise les femmes et qui leur procure la tranquillité. Elles acquièrent immédiatement le droit d’accès aux terres. Ce qui fait qu’elles continuent à exercer ce droit même en l’absence de leurs maris ou en cas de besoin.

« Avec le certificat foncier, les démarcations des propriétés ne sont plus confondues avec celles des propriétés des voisins. Il permettra à nos enfants de jouir paisiblement de leur héritage en toute légalité et valorisera nos épouses et sœurs », indique Nestor Ndayiragije, quadragénaire natif de la colline Kiyange, commune Buhinyuza, province de Muyinga.

Sauda Niyonsaba, âgée de 38 ans est présidente de l’association « Twitezimbere » basée sur la colline Kiyange de la commune Buhinyuza en province de Muyinga. Elle confirme que le certificat foncier permet à ses détenteurs d’obtenir des prêts auprès des institutions de microfinance, particulièrement ceux qui veulent créer des Activités Génératrices de Revenus (AGR).

« Toutes les femmes membres de notre association ont fait inscrire leurs parcelles au service foncier communal. Avant de leur octroyer des crédits, elles doivent présenter leurs certificats fonciers », fait-elle remarquer.

Les autres femmes rencontrées sur la colline Kiyange de la zone Gasave dans cette même commune témoignent aussi que l’inscription de leurs noms sur les certificats fonciers constitue pour elles une fierté et une garantie de leur sécurité.

Ce qui n’est pas le cas chez Scholastique Ntahombaye, une femme âgée de 68 ans habitant la même localité. Divorcée, Mme Ntahombaye est parvenue à décrocher un usufruit après avoir gagné un procès entre elle et ses frères.

« Même si j’ai fait enregistrer mon usufruit, mes frères m’ont obligé de ne pas le vendre ou de l’hypothéquer.  Pour le moment, je ne fais que l’exploiter. », déplore-t-elle.

Abondant dans le même sens que les frères de Mme Ntahombaye, Trinité Murerwa, cheffe de colline Kiyange ignore que les femmes ne peuvent pas faire recours à leurs usufruits même en cas de besoin.

Pourtant, Espérance Ndayisaba, administrateur de la commune Buhinyuza insiste sur le fait que l’obtention d’un certificat foncier confère à son propriétaire le droit de l’utiliser pour obtenir ce qu’il veut.

Des sensibilisations organisées

Mme Ndayisaba indique que grâce à une forte sensibilisation de la population sur l’enregistrement des terres au service foncier communal, les habitants de la commune qu’elle dirige ont été convaincus de la valeur ajoutée de cette activité.

« Sur 12 collines qui ont bénéficié du PRRPB parmi les 25 collines que compte la commune, 30 581 certificats ont été édités et signés sur 30873 parcelles reconnues. 427 parcelles ont été enregistrées au nom des femmes seules (quand elles sont célibataires ou divorcées) tandis que 672 parcelles ont été enregistrées au nom des hommes », a-t-elle annoncé.

Les CRC par colline : Organisation Groupée de Reconnaissance

La certification, tout un processus

La certification d’une parcelle s’effectue au service foncier communal. Balthazar Nzohabonimana, agent foncier communal de Buhinyuza informe que si quelqu’un veut que sa parcelle soit certifiée, il s’adresse d’abord au service foncier communal.

Et d’éclairer : « Il présente sa Carte Nationale d’Identité (CNI). Le service foncier communal affiche par après la liste des demandeurs d’enregistrement de leurs parcelles au service foncier communal et sur les collines. L’affichage dure 30 jours. Après ces 30 jours, un agent du service foncier communal rejoint la Commission de Reconnaissance Collinaire (CRC) composée par trois élus locaux et quatre représentants de l’administration. Le propriétaire de la parcelle et ses riverains doivent être pour reconnaître les limites de la parcelle ».

M.Nzohabonimana explique qu’on commence à délimiter la parcelle quand on trouve qu’il n’y a pas de conflits. En cas de conflits, un procès-verbal (PV) d’opposition est dressé pour être envoyé au tribunal. Si on constate que la parcelle n’est pas en conflit, on passe directement à la certification proprement dite de la parcelle. Le certificat foncier peut être délivré également dans 30 jours.

Quid de l’appréciation administrative 

L’administration aussi se dit satisfaite de cette activité. Elle répond aux problèmes liés au manque de moyens, surtout chez la femme. Celle-ci avait des droits limités à la terre.

« Après avoir entendu que la femme peut aussi jouir de sa parcelle, cela nous a encouragé, car cela facilite l’épanouissement de la femme, lui permet de participer au développement des ménages et du pays. Cette opportunité diminue aussi les conflits familiaux. Ce qui allège la tâche de l’administration », déclare Denise Ndaruhekere, cheffe de cabinet du gouverneur de la province de Muyinga.                                                                                                                                                                                                                                                                                                   

Mme Ndaruhekere reconnait qu’il n’existe pas une initiative spécifique pour rentabiliser cette approche. Toutefois, elle fait savoir que l’administration et les organisations ne cessent de sensibiliser la population sur la plus value de l’enregistrement des terres au service foncier communal, surtout pour les femmes.

L’enregistrement volontaire des parcelles continue sur toutes les collines de la commune Buhinyuza moyennant paiement de 5 000 FBu comme frais de dossier et de 300 FBu par are.

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A propos de l'auteur

Aline Niyibigira.

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