Transport

Sécurité sur le lac Tanganyika : Sa prise en compte, un devoir pour les autorités maritimes

La sécurité sur le lac Tanganyika est l’un des éléments d’attraction des investisseurs. Cependant, le Secrétariat Exécutif du Corridor Central constate des défis liés à celle-ci et dont le coût de relèvement est de moins de 10% par rapport aux investissements établis autour du lac. Le Secrétariat Exécutif du Corridor Central qui a organisé les assises sur la sécurité et le commerce sur le lac Tanganyika à Rumonge au Sud-Ouest du Burundi vendredi le 25 mars 2022 estime urgent la mise en place d’une législation commune pour les usagers résidant dans les 4 pays riverains du lac    

A ces assises participaient présentiellement le Burundi, la République Démocratique du Congo (RDC) et la Tanzanie et virtuellement la Zambie. Les partenaires bilatéraux investissant dans la réhabilitation et la modernisation des ports ainsi que des voies d’accès y étaient invités, notamment la Banque Africaine pour le Développement (BAD), l’Union Européenne (UE), l’Agence Japonaise de Coopération Internationale (JICA), TradeMark East Africa…

« La réunion régionale des services chargés de la navigation dans le lac Tanganyika que nous venons d’organiser sur demande des usagers du lac vient après la perte de deux bateaux appartenant à la flotte burundaise. Ceux-ci sont Byamwezi d’une capacité de 1500 tonnes et Bihanga d’une capacité de 600 tonnes, soit une perte sèche de 2 100 tonnes. C’est une perte d’environ 20% de la capacité totale de la flotte burundaise qui est de 9 590 tonnes. Ils ont chaviré dans le lac Tanganyika dans un intervalle d’une période ne dépassant pas un mois », déclare Capitaine Dieudonné Dukundane.

Il déplore que cette perte soit énorme pour un pays enclavé. Celui-ci disposait heureusement de cette voie de transport (la voie lacustre) qui est moins chère. En connexion avec la voie ferroviaire, la voie lacustre permet d’économiser plus de 90 USD par tonne de marchandises si on se réfère aux statistiques de Global Port Services de 2017. Cela en empruntant le linéaire port de Bujumbura-port de Kigoma-port de Dar-es-Salaam.

Capitaine Dieudonné Dukundane, Secrétaire Exécutif du Corridor Central : Sur 30% des capitaines des bateaux de la flotte burundaise, 20% sont des étrangers.

Des cas similaires ailleurs

A part ces cas récents d’accidents, même d’autres indicateurs tournent au rouge non seulement au Burundi, mais aussi dans les autres pays riverains du lac Tanganyika, déplore Capitaine Dukundane.

Il fait remarquer par exemple que le Burundi accuse un manque de personnel qualifié navigant de l’ordre de 70%.

« Les capitaines des bateaux de la flotte burundaise sont estimés à 30% dont 20% sont des étrangers », martèle-t-il avant d’indiquer que la Tanzanie accuse un déficit de 40% de personnel qualifié navigant sur le lac Tanganyika. Cela au moment où la RDC a déjà fait des progrès en terme de personnel qualifié navigant sur ce lac.

Les ports installés sur le lac Tanganyika souffrent de l’ensablement des quais. Ce qui ne facilite pas l’accostage des bateaux d’un tonnage important une fois que le dragage de ces ports n’est pas permanent, rappelle Capitaine Dukundane.

Par ailleurs, continue-t-il, les ports burundais et congolais installés le long du lac Tanganyika ne possèdent pas de dispositifs de communication. Ce qui fait que les usagers du lac n’échangent pas les données en temps réels. « Les usagers du lac de la Tanzanie qui en disposent n’ont pas de grande portée alors qu’on navigue sur un lac long de 700 km », s’inquiète le Secrétaire Exécutif du Corridor Central.

Il reconnait également que les usagers du lac s’y engagent alors qu’ils ne sont pas au courant des prévisions météorologiques. Ils ne sont pas avisés sur les mauvais temps pour qu’ils puissent s’abriter.

Et de déplorer : « on ne dispose d’aucun centre régional de secours des victimes des accidents lacustres. Par ailleurs, l’assureur n’intervient pas lorsqu’un bateau surchargé chavire ».

Des investissements qui poussent à réfléchir sur les priorités

Capitaine Dukundane informe que les pays riverains du lac et leurs partenaires bilatéraux sont en train de mettre des investissements importants dans les infrastructures érigées autour du lac.

«Regardez les investissements qui sont mobilisés dans les chemins de fer, dans les routes et dans les ports. Rien que le port de Bujumbura, les financements utilisés et ceux promis pour le réhabiliter et le moderniser tournent autour de 80 millions USD», informe-t-il.

Dans le même ordre d’idées, il précise que le port de Mpulungu en Zambie vient de mobiliser plus de 60 millions USD pour sa réhabilitation et sa modernisation. A Kigoma en Tanzanie, la JICA vient de promettre plus de 30 millions USD. Les ports de Kalundu et de Kalemie en RDC sont en train aussi de bénéficier des financements. Cela sans oublier les forces concentrées dans le financement des infrastructures d’accès à ces ports.

« La valeur totale des investissements s’évalue à près d’un milliard USD. Bientôt ces ports ne seront plus à mesure d’entreposer les marchandises transitant dans ces voies d’accès et seront obligés de les envoyer directement vers leur lieu de destination. Ce qui nécessitera des bateaux et des officiers navigants qualifiés et, partant, la sécurité sur le lac », explique le patron du Corridor Central.

Capitaine Dukundane rappelle que le prix d’un bateau navigant sur le lac Tanganyika varie entre 3 millions et 5 millions USD.

Et de poursuivre : « Pour les grands bateaux, la flotte burundaise en dispose une dizaine, la flotte tanzanienne plus d’une dizaine et la flotte congolaise une trentaine ».

Les opérateurs économiques qui dépensent de l’argent pour investir dans les bateaux et les pays qui dépensent de l’argent pour construire ces ports ne peuvent pas faire sourde oreille pour prévoir environ 10% destiné à la sécurité lacustre. Cela en comparaison du budget de leurs investissements.

Capitaine Dukundane propose la mise en place dans les budgets des ports et ceux des compagnies maritimes de l‘argent orienté dans ces genres d’interventions.

Les autorités de régulation doivent faire en sorte que cela se réalise. Pour lui, ce qui manque c’est la synergie de travailler ensemble.

« Ce qui est impérieux c’est la mise en place d’un cadre légal unique régissant le transport sur le lac Tanganyika (Tanganyika Transport act). Cela s’applique déjà sur le lac Victoria », certifie-t-il avant d’annoncer que la BAD a promis le financement de la mise en place de ce cadre légal.

L’assureur n’intervient pas lorsqu’un bateau surchargé chavire.

Des sources d’accidents fréquentes sur le lac Tanganyika

Amani Mungazi, commissaire maritime du port de Kalundu en RDC regrette les fausses déclarations sur les marchandises en provenance des autres ports. « Il est déclaré par exemple 1250 tonnes de marchandises pour un bateau d’une capacité de 1500 tonnes et dont la vue laisse constater qu’il est surchargé », s’exclame-t-il. M.Amani Mugazi s’inquiète également du recrutement du personnel navigant irrégulier et du manque d’infrastructures adéquates et d’équipements pour faire la manutention.

Gabriel Lumumba Owanga, président des armateurs du secteur du Nord du lac Tanganyika témoigne que les causes fréquentes des accidents sont, entre autres le mauvais chargement, les mouvements de tangage (mouvement alternatif d’un navire dont l’avant et l’arrière plongent successivement) qui créent le piquage au cul du bateau, le non-respect des consignes du constructeur du bateau…

Et Capitaine Titus B.Mnyanyi de la Tanzanie avoue aussi que le naufrage des bateaux peut être causé par un chargement désordonné.

Firmin Nikoyangize, directeur de l’Autorité Maritime, Portuaire et Ferroviaire (AMPF) du Burundi confirme que les contrôles techniques des bateaux ne sont pas faits régulièrement.

Manga Gassaya, directeur du port de Kigoma alerte sur le manque d’espace de stockage au port de Kigoma et la lenteur du déchargement des bateaux dans les pays de destination.

Malgré cela, il rassure que les ports tanzaniens enregistrent des avancées. Il est organisé, selon toujours lui, des sessions de recyclage pour le personnel navigant au moins une fois tous les 5 ans.

Chaque bateau doit avoir au moins 3 personnes naviguant qualifiées.

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Mélance Maniragaba.

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