Transport

Transport en commun : Un secteur en proie aux défis

Le mauvais état des réseaux routiers est un signe de sous-développement. Les pertes liées au défis de transport sont estimées à 480 millions USD tous les 5 ans, soit plus du triple des contributions de la BAD dans ce secteur. Pourtant, même les routes en bon état sont abîmées par ceux qui étaient censés les protéger. L’organisation des états généraux pourrait contribuer à améliorer ce secteur

Le stationnement sur les trottoirs bloque le passage aux piétons et les exposent aux accidents de roulage.

Alors qu’il était Secrétaire Exécutif du Corridor Central, Capitaine Dieudonné Dukundane, a déclaré que sur un réseau routier national par exemple de 1933 km, seulement 791 km sont en bon état, soit environ 40% et 1242 km nécessitent des interventions urgentes. C’était lors du forum national sur le développement qui a eu lieu au mois de novembre 2021.

Le budget nécessaire pour réhabiliter ce linéaire de 1242 km est estimé, selon toujours lui, à 1, 2 milliards USD.  

Capitaine Dukundane avait avisé qu’une perte sèche sur le carburant additionnel est évalué à 40 USD sur 150 km, soit qu’avec un trafic moyen journalier de 13 mille véhicules sur les grands axes, le pays perdrait 300 millions USD dans 5 ans. Et de déplorer : « En termes de temps, ces 13 mille véhicules perdent environ 6 mois par an ».

Il informe que si le transport routier était optimisé, le pays économiserait les 300 millions USD tous les 5 ans. Et de continuer : «Si le transport multimodal était à son tour optimisé, le pays ferait des économies de 180 millions USD tous les 5 ans» avant de signaler que toutes ces opportunités se transforment en pertes de 480 millions USD tous les 5ans, soit plus du triple des contributions de la Banque Africaine pour le Développement (BAD) dans ce secteur.

Des actions en mairie de Bujumbura

L’Institut des Statistiques et d’Etudes Economiques du Burundi (ISTEEBU) laisse constater au 31 décembre 2019 que les véhicules sont au nombre de 6760 tandis que les motos et les tricycles sont au nombre de 4972, un chiffre qui aujourd’hui est sûrement de loin supérieur à celui-ci.

La majorité de ces véhicules roulent dans la mairie de Bujumbura, capitale économique. L’état des routes à cet endroit est critiqué par les usagers des routes. 

Capitaine Dukundane, aujourd’hui ministre des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements Sociaux reconnait qu’il y a des interventions à mener dans la réhabilitation et le traçage des routes. Il a déclaré lors de la présentation du bilan du premier trimestre des réalisations de son ministère le 25 octobre 2022, que les travaux d’entretien des routes bitumées dans le cadre du programme «zéro nids de poule» sont en cours en mairie de Bujumbura et sur la RN1 et la RN2.

Il a fait également remarquer que les travaux de dédoublement du tronçon aéroport international Melchior Ndadaye-Chanic, long de 5 km et ceux d’éclairage public sont terminés. Et de préciser : « La réception provisoire est en préparation ».

Vers la réhabilitation d’un linéaire de 9 km sur la RN9 (route Mutakura)

Un des travaux connexes au projet de réhabilitation du port de Bujumbura est la réhabilitation de la voie d’accès au port de Bujumbura. Cette voie est une route qui part de la gare routière, passe par les Brasseries et Limonaderies du Burundi (Brarudi) et puis bifurque vers le marché appelé communément « Chez Sion». 

Cet axe va dévier du rond-point des Nations Unies (NU), vers la RN9 sur une distance de 9 km jusqu’à la rivière Gikoma séparant la commune Ntahangwa de la mairie de Bujumbura et la commune Mutimbuzi de la province de Bujumbura. L’Agence Routière du Burundi (ARB) qui est cogestionnaire de ce projet a déjà délimité l’emprise de ce tronçon pour montrer les limites à ne pas dépasser.

Capitaine Dukundane indique qu’au départ on avait pensé à une seule voie. « Mais à voir l’ampleur du trafic, nous sommes en train de réfléchir en termes de 2 voies. Ce qui exige que le financement soit doublé. Les discussions sont en cours avec les bailleurs pour voir comment mobiliser les fonds qui manquent », indique le ministre en charge des infrastructures avant d’annoncer qu’il fallait d’abord mobiliser la société qui devrait réhabiliter le port pour qu’elle puisse débuter les travaux, or le processus est à terme.

Et de renchérir : « Si rien ne change, le projet pourrait se réaliser bientôt après la signature du contrat et la mobilisation des fonds ».

Le sens du patriotisme

Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Economiques (OLUCOME) rappelle que les routes en mairie de Bujumbura ne sont pas en bon état.

« C’est très difficile d’avoir des routes en bon état comme les pays développés », reconnait-il avant de marteler que l’état des routes est l’un des éléments qui caractérisent la situation socio-économique d’un pays. Ce sont elles qui facilitent la circulation des biens et des personnes.

Même si la Constitution burundaise stipule en son article 69 que les biens publics sont inviolables, le président de l’OLUCOME s’inquiète que les routes voire d’autres infrastructures publiques se dégradent avant même leur réception officielle.

Il justifie cela par la passation des marchés publics qui se fait sur base du favoritisme, du clientélisme ou sur fond de corruption.

Et de s’interroger : «Est-ce que la nouvelle politique de l’Etat de construire les routes ou les autres infrastructures publiques en passant par ses propres agences est favorable ?».

Pour lui, l’Etat ne doit pas être en même temps juge et partie, c’est-à-dire, être maître d’ouvrage, fonctionnaire dirigeant, maison de surveillance… Celui-ci devrait donc faire recours aux experts ou aux services nationaux de renseignements financiers une fois que ces services financiers ne seraient pas impliqués dans la passation des marchés publics.

L’OLUCOME plaide pour les piétons 

M.Rufyiri informe également que les citoyens ont besoin d’une éducation pour protéger les infrastructures publiques.

Par exemple, certifie-t-il, le code de la circulation routière de 2012 interdit aux véhicules de stationner sur les trottoirs et les accotements en saillie. « Pourtant, c’est ce qui se fait. Même les véhicules poids lourds stationnent sur ces trottoirs et accotements en saillie. Ils exercent non seulement une pression sur ces infrastructures causant ainsi leur destruction, mais aussi bloquant le passage aux piétons. Ce qui augmente les accidents de roulage », fait-il savoir avant d’insister sur le manque d’infrastructures de stationnement comme les arrêts bus et les gares routières.

Et de poursuivre : « Même les nouvelles constructions ne réservent pas d’espaces pour garer les véhicules à l’intérieur des parcelles ».

M.Rufyiri revient sur les dépassements en désordre. « Des conducteurs passent sur les accotements en saillie et les trottoirs, même les autorités qui étaient censées être des serviteurs de la population. Ce qui expose les usagers de la route aux accidents de roulage », se désole-t-il.

Charles Ntirampeba, secrétaire général de l’Association des Transporteurs du Burundi (ATRABU) se lamente que les conducteurs qui passent sur les trottoirs viole le code de la circulation routière.  D’ailleurs, avoue-t-il, la dégradation de la chaussée est punie d’une amende de 50 mille FBu. Il rappelle qu’il existe des conducteurs qui sont inflexibles au respect de la loi. Ceux-ci viennent de plusieurs horizons avec des habitudes différentes.

L’état des routes caractérise le développement socio-économique d’un pays.

Changer le schéma directeur pour désengorger la mairie de Bujumbura

M.Rufyiri dit que le schéma directeur de la ville de Bujumbura connait des défis. C’est le cas des canalisations ou des routes étroites. D’où il faut engager des experts pour refaire le schéma directeur de la capitale économique.

Avant de refaire le schéma directeur et de terminer la réparation des nids de poule, Charles Ntirampeba propose de prioriser les gros bus effectuant le transport en commun des personnes. Cela pourrait diminuer les embouteillages.

L’usage des policiscans (radars) apprécié différemment

L’opérationnalisation des radars a eu lieu au mois de juillet dernier.

Le président de l’OLUCOME témoigne que l’usage de ces équipements de contrôle de la circulation routière est l’un des éléments qui éduquent les usagers des routes. Dans la sous-région, avoue-t-il, c’est le Burundi qui n’en disposait pas.

M.Rufyiri informe que l’objectif des radars, c’est la prévention et non la recherche des amendes. 

Ce qui est regrettable, précise-t-il, c’est que les policiers se cachent pour attraper les conducteurs fautifs. « Normalement, on devrait les mettre sur un poteau et installer un panneau qui les signalent. Malheureusement, ils pourraient être volés où être cognés par des véhicules. », avise-t-il.

Charles Ntirampeba, secrétaire général de l’ATRABU indique que c’est une bonne chose si les radars seraient utilisés pour limiter les accidents.

« Par contre, on ne sait pas à quel niveau de la route ils sont utilisés. Il est des fois même où ils se contredisent avec les panneaux de signalisation routière. Il y a des routes où les panneaux de signalisation routière indiquent qu’il faut rouler à une vitesse de 50 km à l’heure, alors qu’avec les radars, on exige de rouler à 40 km à l’heure. On ne doit pas non plus rouler à une même vitesse dans des endroits où se trouvent les écoles et les hôpitaux que dans des autoroutes », se demande M.Ntirampeba avant de proposer que les radars puissent être utilisés  à l’intérieur du pays, pendant la nuit et pendant les week-ends où les accidents sont fréquents.

L’état défectueux des infrastructures de transport cause des pertes chez les transporteurs

Le secrétaire général de l’ATRABU confirme que l’état des routes n’est pas satisfaisant. Ce qui occasionne des pertes chez les transporteurs. Il notifie que le véhicule qui passe sur les routes en mauvais état a besoin d’être bien entretenu et cela quotidiennement. La suspension ne va pas durer longtemps, les pneus s’usent rapidement… 

« Son propriétaire est obligé d’acheter des pièces de rechange. Ceux-ci coûtent cher et sont parfois de mauvaise qualité. Il est obligé de changer régulièrement la rotule de directions, les pneus, les amortisseurs…», alarme-t-il.

Malgré cela, il espère qu’avec les nouvelles taxes qui exercent une charge sur les transporteurs comme la taxe forfaitaire, la redevance routière, les conditions de travail des transporteurs vont s’améliorer.

M.Ntirampeba se réjouit de la politique d’exonération d’importation des bus main droite de plus de 30 places. Celui-ci a porté des fruits. Pour lui, le problème actuel est la pénurie répétitive du carburant.

Trop de taxes, une charge pour les détenteurs des véhicules

Ezechiel Nibizi, propriétaire d’un minibus type « Hiace » faisant le transport en mairie de Bujumbura avoue que beaucoup de taxes occasionnent des pertes. Il rappelle que son véhicule paie 160 000 FBu par trimestre comme frais d’assurance, 70 000 FBu par semestre comme frais de contrôle technique, 24 000 FBu par semestre comme frais d’autorisation de transport, 21 000 FBu par mois comme frais de stationnement, 6 000 FBu par trimestre de taxe municipale, 100 000 FBu par an de redevance annuelle routière, 24 000 FBu par trimestre payés forfaitairement. Cela sans oublier qu’on fait payer 100 000 FBu pour achat d’un livre où mettre le contrôle technique si c’est la première fois.

Pourtant, témoigne M.Nibizi, les frais de location varient entre 40 000 FBu et 50 000 FBu par jour. Si on comptabilise les dépenses et les recettes encaissées, on constate qu’on travaille à perte, regrette-t-il.

Le service des stations-service décrié

D’après Médard Niyubahwe, un des propriétaires d’un minibus type «Hiace» faisant le transport en commun en mairie de Bujumbura, sur 5 litres d’essence achetées, les tricheries occasionnent une perte d’au moins 1 380 FBu. 

« Nous avons constaté que certaines stations-service nous volent plus d’1 litre d’essence sur 15 litres achetées, soit plus de 2 litres d’essence équivalent à plus de 6500 FBu sur 30 litres d’essence qu’on s’approvisionne par jour », déplore-t-il avant de signaler que cette somme équivaut presqu’au salaire journalier d’un chauffeur de bus. Celui-ci est fixé à 10 mille FBu par jour.

Les transporteurs souhaitent l’organisation des états généraux dans le secteur du transport afin de débattre les défis qui hantent ce secteur.

A propos de l'auteur

Mélance Maniragaba.

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