Développement

Vers la reprise des activités minières ?

Le nouveau code minier est enfin promulgué. Les sociétés extractives dont les travaux ont été suspendus, il y a deux ans ont trois mois pour se conformer aux dispositions du nouveau code. Cependant, il y a du pain sur la planche pour que ce secteur contribue efficacement au développement économique du pays.

Le gouvernement devrait profiter de la transition énergétique pour exploiter et vendre les minerais stratégiques.

 

L’une des grandes innovations de ce code est que l’octroi d’un permis d’exploitation des grandes mines donne droit à l’Etat à une participation, à titre de propriétaire, du sous-sol, au  capita1 social de la société d’exploitation d’au moins 16% augmenté de 5%  à chaque renouvellement pendant toute la durée de vie de la mine. En outre, l’Etat et les opérateurs économiques burundais disposent d’un droit de préemption pour une acquisition de parts dans le capital social de la société d’exploitation (Article 66).

L’autre innovation est que la durée d’exploitation des sites miniers passe de 25 ans à 15 ans renouvelable chaque fois pour 10 ans au plus. Le Code prévoit aussi une dizaine des dispositions pour règlementer la petite mine et l’exploitation semi-mécanisée. Ainsi, le nouveau code définit les devoirs, les obligations des exploitants ainsi que les conditions dans lesquelles ils obtiennent les permis d’exploitation.   

Contribution du secteur minier à l’économie

Le sous-sol burundais regorge d’un énorme gisement de minerais. Les principales minéralisations contiennent le nickel, le vanadium, l’or, les phosphates, la carbonatite, la cassitérite et les minéraux accompagnateurs, les platinoïdes, les terres rares, les divers minéraux industriels et les combustibles minéraux tels que la tourbe et les indices d’hydrocarbures, lit-on dans le document de stratégie du ministère de l’Energie et des Mines pour la mise en œuvre du Plan National de Développement (PND).

Pour le nickel, le plus important et le plus étudié de ces grands gisements du Burundi est celui de Musongati dont les réserves dépassent 150 millions de tonnes de minerai, celui de Nyabikere avec des réserves estimées à 46 millions de tonnes et les sites nickélifères de Waga dont les réserves sont estimées à 35 millions de tonnes. Le Burundi exploite principalement l’or, les minerais dits 3T et timidement les terres rares.

Les données de la Banque centrale sur la structure des exportations montrent que l’or occupe la tête du peloton avec une valeur de plus de 123,4 milliards de FBu. L’année dernière, le pays a exporté 900 kg de métal jaune avec une valeur de 105 milliards de FBu, l’année dernière. Le pays peut miser sur l’exploitation des sites aurifères et le raffinage de l’or pour non seulement accroître les recettes d’exportation mais aussi stabiliser sa monnaie. L’or monétaire sert à jauger le niveau économique d’un pays ou à consolider la monnaie locale. Economiquement parlant, les réserves d’or officiellement détenues par les banques centrales renseignent sur les capacités d’un pays à effectuer des échanges de toutes natures entre les nations, y compris les transferts de capitaux.

Un secteur émaillé de mille et un défis

Le secteur minier nécessite de gros investissements. Il faut acheter les engins d’extraction, tracer des voies d’accès pour faciliter le transport des minerais, mais aussi investir dans la production de l’énergie pour faire tourner la mine. Le secteur minier est réputé énergétivore et exigeant. L’offre électrique oscille autour de 140 MW toutes les sources d’énergie réunies. Actuellement, la plupart des sites miniers pour ne pas dire la quasi-totalité d’entre elles ne sont pas connectées au réseau national d’électricité. Les unités extractives font recours à des énergies de secours, notamment les groupes électrogènes pour faire tourner les mines. Ce qui accroit considérablement les coûts de production en plus des difficultés inhérentes au transport des minerais jusqu’au marché d’écoulement.

Aux problèmes énergétiques s’ajoute  le manque de compétences locales. Lors du forum national sur le développement, l’expert en économie Dr Janvier Désiré Nkurunziza a révélé que la méconnaissance de la filière explique en partie la sous-exploitation du secteur. Les travaux d’exploitation  des mines impliquent  les géologues pour les explorations, les juristes pour analyser les marchés, les fiscalistes pour analyser la taxation, les auditeurs pour vérifier les marchés, les économistes pour négocier les contrats, bref des ressources humaines qui ne sont pas disponibles localement. Pour lui, cela entrave le développement du secteur minier. Il a insisté sur le renforcement des équipes qui négocient avec les multinationales.

Profiter de la transition énergétique

Le gouvernement devrait profiter de la transition énergétique pour exploiter et vendre les minerais stratégiques dont le nickel et les terres rares, mais ces minerais sont hors de portée compte tenu des préalables pour extraire et raffiner les minerais. D’ailleurs, les terres rares doivent leurs noms à la complexité de les séparer pour en extraire les éléments indispensables dans la fabrication des micro-puces électroniques, des semi-conducteurs ou encore de l’armement moderne (les fameux missiles hypersoniques). Sur le plan de l’innovation technologique, les terres rares rentrent dans la fabrication des batteries des voitures électriques, des supra-aimants utilisés dans la fabrication des éoliennes, etc.   

Le gouvernement a des responsabilités dans la facilitation de l’exploitation de son sous-sol. D’après le Plan National de Développement 2018-2027, le pays a besoin d’au moins 412 MW rien que pour le secteur des mines. Avec les projets énergétiques en cours, on aura atteint à peine une production de 245 MW d’ici 2026. Ce n’est pas d’un simple coup de baguette magique que le pays va se tirer d’affaires. On a du pain sur la planche.

Que faire pour rentabiliser le secteur ?

Toute substance minérale est exportée après enrichissement ou raffinage. Ce qui oblige les industries extractives à implanter des unités de transformation des substances minérales. En cas d’inexistence démontrée d’une possibilité de traitement sur le territoire national, le titulaire d’un titre minier d’exploitation est autorisé pour une durée d’une année renouvelable deux fois à faire traiter ses produits à l’extérieur du pays le temps de développer sa propre usine (art 12).

Pour que l’exploitation minière devienne profitable au pays, la société civile encourage la transparence basée sur l’identité même des industries extractives. « Le pays doit signer des contrats équilibrés, les multinationales doivent publier ce qu’elles paient et le gouvernement les recettes tirées de l’extraction minière », a réagi Faustin Ndikumana, directeur pays de l’Ong PARCEM lors d’une conférence de presse tenue en 2018 sur le secteur minier.

Il a recommandé au gouvernement de conclure des contrats interprétables (faciles, clairs), de privilégier la transparence à la confidentialité, de mettre en place d’un mécanisme de suivi et de contrôle à chaque maillon de la chaîne… Cela sans oublier le renforcement de la crédibilité du secteur au niveau international (respect des normes de la transparence) et le bon choix des investisseurs qui respectent l’environnement, le code social…

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Benjamin Kuriyo.

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