Genre

Aimée Laurentine Kanyana : prêcher par le bon exemple

Ayant occupé pas mal de postes de responsabilité, Aimée Laurentine Kanyana, actuelle première femme Ombudsman Burundaise est une femme   leader pratiquant également des activités agropastorales. Le travail assidu, le self confidence, le soutien familial et collégial… sont à la base de ses succès. Elle affirme que la législation nationale et internationale prône l’épanouissement de la femme et qu’il reste à celle-ci de s’en approprier

Aimée Laurentine Kanyana, Ombudsman : « Je plaide pour l’espacement des naissances pour mieux s’occuper des affaires professionnelles et ceux du ménage »

« Je suis convaincue que la paix et la cohésion sociale sont à la base de tout développement économique. C’est pourquoi j’ai mis en avant des actions de consolidation de la paix et par la prévention des conflits, l’écoute, l’orientation et la médiation », déclare Aimé Laurentine Kanyana, Ombudsman et Coordinatrice de l’Association des Ombudsmans et Médiateurs Africains (AOMA).

Native de la colline Muremera, commune et province de Ngozi, cette quadragénaire et mère de 4 enfants informe qu’elle assure également l’encadrement de la population en général, les femmes et les jeunes en particulier dans le cadre de l’éducation citoyenne. Et de préciser : « Là, je mets un accent particulier sur le respect de la loi, le suivi et la mise en application des politiques publiques, la sensibilisation de la population sur la sécurisation des affaires, la lutte contre toute forme de discrimination basée sur le genre, le plaidoyer pour l’éducation de la fille ».

Mme Kanyana indique qu’elle promeut la jeunesse et les femmes qui participent réellement dans l’activité économique, c’est-à-dire, qui s’adonnent aux activités génératrices de revenus. Elle annonce qu’elle encadre les coopératives des jeunes, les coopératives des femmes en y injectant ses propres moyens et en essayant de les mettre en contact avec les bailleurs de fonds, les banques et les microfinances.

« J’essaie moi-même de prêcher par le bon exemple en pratiquant les activités agropastorales », renchérit-elle.

 L’épanouissement de la femme en pleine évolution

Pour Mme Kanyana, la condition féminine ne doit pas faire objet de globalisation. « Chaque pays, chaque communauté, chaque époque connait ses contraintes et ses facilités. Pour notre pays, on a toujours plaidé pour la levée des défis qui bloquent l’épanouissement de la femme.

On observe une grande évolution de l’épanouissement de la femme ? par rapport à aujourd’hui et aux années 1960 », témoigne-t-elle.

Dans le temps, rappelle l’Ombudsman, la jeune fille n’était pas encouragée à aller à l’école. La femme n’avait pas droit à la parole et n’était même pas consulté quand il s’agissait de prendre des décisions qui engageaient les ménages. Il était difficile pour elle d’accéder aux crédits. Il arrivait parfois des époques où la femme n’était pas engagée dans le secteur public ou ne pouvait pas prendre la parole en public. « La jeune fille était obligée de se marier à un âge précoce », déplore-t-elle avant de se réjouir qu’aujourd’hui, il y a tout un arsenal juridique et des politiques qui visent l’amélioration de la condition de la fille.

Au Burundi par exemple, affirme Mme Kanyana, la femme a le droit à l’éducation, au choix du conjoint, à l’emploi et de contracter un crédit.

S’approprier les acquis

L’Ombudsman regrette que bien que l’éducation soit ouverte à tout le monde, il y a beaucoup de filles qui ne sont pas à l’école et beaucoup de femmes qui restent analphabètes.

Elle affirme que la pauvreté et le manque d’écoles à proximité des ménages seraient à la base de ce défi.

Pour elle, la scolarisation de la fille devrait attirer l’attention de tout un chacun, car elle est le moteur du développement.

Mme Kanyana fait remarquer que lorsqu’une fille n’est pas scolarisée, elle se marie précocement ou étant jeune. Ce qui a un impact non négligeable sur la pression démographique. Pourtant, continue-t-elle, lorsqu’elle a étudié, il lui est facile de faire éduquer ses enfants ou les faire soigner au lieu de se fier aux guérisseurs.

C’est facile, martèle l’Ombudsman, pour une fille scolarisée de participer pleinement à l’amélioration du PIB, à la prise des décisions et d’éviter les mariages précoces.

Et de renchérir : « Comme on a des instruments juridiques qui visent notre autonomie, la balle est dans notre camp. Il faut s’en approprier. Ce n’est plus donc le moment de chercher à connaître les droits de la femme. Plutôt, il faut se concentrer sur le développement des actions qui visent la jouissance de nos droits ».

Elle précise qu’il n’appartient pas aux hommes d’offrir l’autonomie financière aux femmes. Par contre, il appartient aux femmes mêmes de travailler de façon qu’elles puissent s’épanouir, car l’épanouissement de la femme ne s’offre pas sur un plateau d’or, elle se conquiert.

Un parcours si riche

L’Ombudsman souligne qu’elle a fait les études primaires à l’école primaire de Ngozi I et les études secondaires au Lycée de Busiga.

De plus, avise-t-elle, j’ai passé une année au Service Militaire Obligatoire (SMO) en 1996. Ce qui m’a offert une chance d’assurer la sécurité sur les différents axes de la ville de Bujumbura.

Et de poursuivre : « Je suis détentrice d’une licence en Droits à l’Université du Burundi. Cela après avoir effectué un stage à l’Ecole Nationale d’Administration de Paris ».

Du ministère de l’Education au ministère de la Justice

Après les études universitaires, Mme Kanyana dit qu’elle est retournée à la colline natale. C’était au moment où elle était en quête d’emploi. Celui-ci correspondant aujourd’hui au profil de juriste.

« En attendant, j’ai enseigné au Lycée Islamique de Ngozi. A côté de cela, je pratiquais l’agri-élevage et le commerce. J’avais une boutique où je vendais mes productions agroalimentaires et celles approvisionnées aux autres agri-éleveurs », notifie-t-elle.

Mme Kanyana avoue qu’après cela, elle a eu la chance d’embrasser la carrière de magistrat.

« J’ai presté au tribunal de résidence de Musaga et puis j’ai été promue au parquet de la Mairie de Bujumbura comme Officier du ministère public pendant une année. Cela pour être nommée par après comme conseillère au ministère d’Etat chargé de la Bonne Gouvernance et de l’Inspection de l’Etat », signale-t-elle avant de révéler qu’en moins d’une année, elle a été nommée conseillère à la Cour Suprême, poste qu’elle a occupé pendant 5 ans.

Elle fait savoir qu’elle a été nommée par après à la Banque centrale comme Vice-Gouverneur. « J’avais à ma charge le service logistique, les ressources humaines, la supervision bancaire et l’inclusion financière. Je pouvais également assurer l’intérim du gouverneur en cas d’empêchement de celui-ci et de son Premier-Vice. J’y ai passé quatre à six mois. J’ai ensuite été nommée ministre de la Justice, poste que j’ai occupé pendant 5 ans », certifie-t-elle.

A la fin de la législature, confie l’Ombudsman, j’ai été nommée chef de Cabinet Civil Adjoint du Président de la République du Burundi. Après cela, j’ai eu l’honneur d’être élue Ombudsman.

 Participer dans la politique pour le bien-être de la population

Mme Kanyana reconnait que la politique est l’art d’organiser une société pour le bien- être de la population.

Pourtant, s’inquiète-t-elle, lorsqu’on parle de la politique, il y en a qui estiment que ce sont des gens qui ont construit un système au profit d’eux-mêmes.

« Bien entendu on met en application la politique du parti qui a gagné les élections et qui devient ensuite nationale. Me retrouver dans la politique, c’est normal. J’ai une obligation et un devoir de mettre en application les orientations la politique nationale », éclaire-t-elle avant d’aviser qu’en politique, on choisit les personnes qui vont encadrer les autres selon les secteurs. « Moi j’ai été choisie pour encadrer les autres dans le secteur de la justice et le secteur de la médiation », se félicite-t-elle.

 La famille aux côtés de l’Ombudsman

Mme Kanyana approuve que ce qui est à la base de ses succès ce sont les principes qu’elle priorise, notamment le travail assidu, la self confidence, la bonne collaboration avec l’équipe qu’elle encadre et surtout l’équilibre au niveau des relations avec les membres de la famille.

« Mon mari m’a toujours soutenu. Il a compris que nous sommes complémentaires et m’a encouragé dans l’accomplissement des fonctions qui m’ont été attribué. De même que mes enfants, il a toujours toléré mon absence à la maison », admire-t-elle avant de faire apprendre qu’elle hérite cela de sa chère maman.

Brave femme enseignante et agri-éleveuse, annonce-t-elle, elle m’a appris l’amour du travail bien fait. « Elle m’a toujours encadrée autour des activités de ménages », applaudit-elle.

Au niveau de la planification familiale, l’Ombudsman dévoile qu’elle se place du côté de ceux qui disent qu’il faut espacer les naissances. Cela pour mieux s’occuper des affaires professionnelles et ceux du ménage.

Elle revient également sur l’importance de la rigueur au travail avec nécessité de se relaxer, de se détendre pour aérer le cerveau en cas de besoin.

Quant à ses qualités, elle parle de ce que lui dit son mari qu’elle généreuse. Mon grand défaut, estime-t-elle, est que je suis très émotionnelle.

Plus traditionnelle que moderne

Aimée Laurentine Kanyana souligne qu’elle préfère manger les colocases et boire la bière de sorgho et le vin de banane. Cela sans oublier qu’elle aime chanter et pratiquer les danses traditionnelles.

« Pour les danses modernes, tout ce qui est mélodie me relaxe », signale-t-elle.

L’Ombudsman conseille les consœurs qui ont peur d’oser à participer à l’entrepreneuriat, à étudier, à se former continuellement, à s’engager dans la politique et à s’exprimer pour élever leur voix et être considérées.

A propos de l'auteur

Mélance Maniragaba.

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