Médias

Camerawomen : elles sont rares dans les médias burundais

Dans le secteur médiatique burundais, la proportion des femmes preneurs d’images (Camerawomen) est très faible. Une dizaine environ. Elles sont confrontées à de nombreux défis mais elles sont capables. Témoignages

Au Burundi, une dizaine de femmes flirtent avec la caméra(11). C’est un chiffre trop faible si on le compare avec l’effectif des cameramen. C’est un métier longtemps considéré pour les hommes. Les femmes ont peur de l’affronter parce qu’il est très fatiguant.

Pour Apollinaire Niyonkuru, chef du service Exploitation TV (un service qui compte une seule femme en son sein) à la Télévision Nationale du Burundi, les femmes n’ont pas encore senti que ce métier peut être exercé à la fois par les hommes et les femmes. Dans certains services techniques, les femmes sont peu nombreuses non pas parce qu’elles ne sont pas capables, mais parce qu’elles ne se sentent pas à mesure de le faire.

Les difficiles conditions de travail sur terrain font qui’il y ait une faible représentativité des femmes dans le métier.

Larissa Ndayiragije est Camerawoman au journal en ligne Ejoheza News. Elle ajoute qu’un métier qui demande beaucoup de force n’intéresse pas les femmes. « Ce métier exige beaucoup de concentration ». Selon elle, le tournage et le montage peuvent durer plus de trois heures. C’est difficile pour les femmes de trouver le temps de se maquiller, de se faire belle comme les autres filles. Cela fait que même les femmes qui ont des notions d’audiovisuelle préfèrent s’orienter dans d’autres domaines.

A cela s’ajoute les stéréotypes. « Le peu de femmes derrière la caméra s’explique par toute une gamme de stéréotypes et coutumes. Beaucoup sont ceux qui pensent que la caméra est uniquement réservée aux hommes », précise Egide Nduwimana, rédacteur en chef à Mashariki TV. Pour lui, il s’agit d’un travail fatiguant qui demande beaucoup de rigueur et d’assiduité. Ceci fait que certaines filles et certaines femmes s’en méfient.

De nombreux défis sur terrains

Olive Nindamutsa, mère de trois enfants. Elle est du service Exploitation TV à la télévision nationale du Burundi. Elle est seule camerawoman dans ce médium depuis 2007. Depuis 2001, elle était ingénieur du son à la radio nationale. Elle bénéficia par la suite d’un stage de trois mois en Egypte en 2007. « Nous avons étudié la caméra, le montage, la rédaction des papiers », précise-t-elle. De retour de l’Egypte, Olive Nindamutsa a été affectée au service caméra.

Dans le secteur médiatique burundais, la proportion des femmes preneurs d’images (Camerawomen) est très faible.

Selon elle, au début cela lui a été difficile. Elle indique qu’elle a eu beaucoup de problèmes. « Etre une seule femme parmi une meute d’hommes, leur demander d’aides n’a pas été facile pour moi », révèle Mme Nindamutsa. Pour elle, se tenir devant les personnes en tant que femme est un autre défi. « Les femmes burundaises, dans leurs coutumes, se courbent devant les hommes. Cela demande d’être forte et d’affronter ce défi », a-t-elle indiqué. Rester debout toute la journée en tant que femme est également un autre défi. C’est très fatiguant. « Un autre défi est que certaines personnes, en particulier les femmes m’ont découragé en me disant que ce métier n’est pas pour les dames. Mais c’est une question de vocation. Si ce n’était pas ma vocation, j’aurais abandonné mais j’y tiens mordicus ce métier».

« Nos matériels sont lourds alors que nous, les femmes, nous ne sommes pas habituées à porter des choses lourdes. Cela nous fatigue trop et rapidement », indique Larissa Ndayiragije. Il y a des fois que nous sommes obligés de monter en haut avec une caméra pour prendre une image dans n’importe quelle position. Courir ou pousser les autres étant une femme n’est pas du tout facile pour nous, a-t-elle ajouté.

Selon cette femme, l’autre challenge est lié aux conditions de travail sur terrain. Par exemple, tu arrives au boulot et on t’informe que tu vas travailler à l’intérieur du pays sans toutefois emporter un minimum de kits dans ton sac en main alors que les hommes, eux, n’en ont pas besoin. Egalement lorsqu’on est dans la période menstruelle, on est faible et cela affecte le travail.

Fidès Ndagijimana est mère de deux enfants. Elle est camerawoman à Mashariki TV. Selon elle, d’autres défis surviennent lorsque les camerawomen sont enceintes. « Il y a des terrains difficiles pour les femmes enceintes. Tu ne peux pas te tenir debout pendant longtemps. Tu dois les éviter et faire des reportages simples ».  Et, lorsque tu as des enfants, le mari t’encourage et doit prendre toutes les responsabilités du foyer en ton absence.

Elles peuvent faire mieux que les hommes

Pour notre métier, c’est ton chef qui t’affecte sur un terrain quelconque. Et, dans l’affectation, il ne tient pas compte du genre. Il peut m’envoyer sur n’importe quel terrain comme les hommes, raconte Olive Nindamutsa. « Je me présente au travail sans savoir là où je vais travailler, si c’est à l’intérieur du pays ou à Bujumbura ou si je vais rentrer le soir. Je suis prête à affronter n’importe quel terrain et si j’ai un malaise, je le signale avant».

Olive Nindamutsa affirme qu’elle est capable comme les hommes. « Je suis déjà allé faire des reportages dans d’autres pays (Somalie, Kenya,…) et j’ai apporté de bonnes images. Ils ne m’auraient pas envoyé si je n’étais pas capable. Je ne pouvais pas couvrir des évènements difficiles comme les manifestations ou faire des reportages sur des terrains de guerres, pourtant je le fait.

Son chef renchérit. « Même dans les sommets où il y a beaucoup de cameramen, elle fait bien son travail ou lorsque les autorités effectuent des visites à l’intérieur du pays, elle fait le travail comme les hommes », confirme le chef du service Exploitation TV à la RTNB. Lors de l’affectation des cameramen sur terrains, Apollinaire Niyonkuru affirme qu’il n’y a pas de discrimination. « Nous l’affectons sur tout terrain. Elle peut faire mieux plus que les hommes. Elle est compétente plus que certains hommes. Elle aime ce métier et elle le fait avec tout son cœur ».

Même son de cloche chez Fidès Ndagijimana qui a débuté ce métier en 2009 à la radio-télévision Salama. Elle affirme également que les chefs des rédactions ne recourent pas à la discrimination dans la répartition des tâches. Depuis le début, dans la rédaction, nous partagions les reportages. Ils me donnaient même des reportages difficiles, raconte Fidès Ndagijimana.

Les jeunes filles sont encouragées à affronter ce métier.

« Par exemple, je suis allé dans un sommet Afrique-Arabe au Koweït où j’étais une seule femme parmi plus de 100 cameramen.  Ils m’ont soutenu et cela m’a plu», a fait savoir Mme Ndagijimana qui a migré depuis bientôt une année vers Mashariki Tv. Et de préciser qu’il n’y a pas de reportages pour hommes ou femmes. Jusqu’à maintenant c’est comme ça. « Aucun homme n’a jamais déplacé mon trépied parce que je suis une femme. Plutôt ils nous soutiennent énormément. Ils nous encouragent», se réjouit-elle.

Pour Jean Renaud Niyonkeza, cameraman et chef de section Internet à la Radio Isanganiro, les femmes sont aussi capables que les hommes. « Prendre de belles images et faire un bon reportage vidéo n’a rien à voir avec le sexe ». Selon lui, les critères d’affectation des journalistes aux reportages ne concernent nullement pas le sexe. « Par contre, s’agissant des compétences, je dirais qu’il existe des femmes qui sont plus compétentes que les hommes ».

Les filles sont encouragées à affronter ce métier

Les jeunes filles sont encouragées à affronter ce métier. Si elles disent qu’elles sont capables, il faut qu’elles le démontrent, indique Olive Nindamutsa. « Le travail ennoblit l’homme. Il ne faut pas seulement rester dans les paroles, il faut des actions. Il n’y a pas de métiers pour hommes ou pour femmes.

Pour Larissa Ndayiragije, camerawomen à Ejoheza News, les responsables des médias devraient intégrer les femmes dans leurs services caméra. « Ils verront que les productions qui sont faites par les femmes sont plus bonnes et plus originales que les productions faites par les hommes».

Signalons qu’au total, les médias burundais emploient 11 camerawomen. La Radio Isanganiro vient en tête avec 4. Rema Tv en compte 3. Mashariki Tv a en son sein 2. La télévision nationale et le journal en ligne Ejoheza News en comptent chacun 1. Les autres médias n’en disposent pas.

A propos de l'auteur

Bruce Habarugira.

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