Integration régionale

CEPGL versus entrée de la RDC dans la CEA : Peut-on s’attendre à la dislocation de la CEPGL ?

La République Démocratique du Congo (RDC) a été officiellement intégrée dans la Communauté Est Africaine (CEA) le 29 mars 2022, un bloc régional dont il est devenu le 7ème membre. Pourtant, comme le Burundi et le Rwanda, la RDC appartenait à la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL), une communauté politiquement morte, mais dont certains projets continuent à être exécutés. Ce qui n’empêche pas que ces 3 pays anciennes colonies belges continuent à développer des projets ensemble pour l’intérêt de l’intégration

« Le fait que le Burundi, la RDC et le Rwanda appartiennent à la fois à la CEPGL et à la CEA ne peut pas bloquer l’unité entre ces trois pays », fait remarquer Ambassadeur Cyprien Mbonimpa, ancien ministre des Affaires Etrangères depuis 1987 jusqu’à 1992.

Ce septuagénaire, ancien diplomate depuis les années 1973 et qui a été successivement premier secrétaire d’ambassade à Bruxelles (Belgique), en 1975 comme premier secrétaire d’ambassade à Moscou (Russie), en 1976 comme conseiller diplomatique du Président de la République du Burundi, en 1980 nommé à Bruxelles comme représentant du Burundi auprès de l’Union Européenne (UE) dans le Benelux (Belgique-Pays Bas-Luxembourg) , en 1985 comme ambassadeur à Paris (France) et actuellement enseignant dans les universités de Bujumbura dans les facultés des sciences politiques et relations extérieures ne s’inquiète pas.

Il précise plutôt que le renforcement des relations entre le Burundi, la RDC et le Rwanda favorisera l’avancement de la CEA et, partant, de l’Union Africaine (UA). Cela à l’instar du Benelux, un accord de coopération intergouvernementale entre la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Ce qui n’écarte pas ces pays de l’UE.

Ambassadeur Cyprien Mbonimpa : « Le renforcement des relations entre le Burundi, la RDC et le Rwanda favorisera la réussite de la CEA et, partant, de l’Union Africaine (UA) ».

Un commerce transfrontalier prospère

Amb. Mbonimpa rappelle qu’il existe un commerce transfrontalier florissant à la frontière burundo-congolaise au niveau de Gatumba et à la frontière rwando-congolaise via les régions de Goma et de Gisenyi. « Avec l’intégration de ces 3 pays dans la CEA, ce commerce deviendra prospère », rassure-t-il. Par ailleurs, indique Amb. Mbonimpa, un communiqué récent de Nairobi au Kenya appelle les forces négatives à arrêter les combats dans l’Est de la RDC. Ce qui va améliorer la sécurité et la coopération entre les Etats membres de la communauté. 

Et d’éclairer : « L’intégration économique ne peut réussir que s’il y a un climat de sécurité. Celle-ci impacte la circulation des biens et des personnes ».

Une idée de sécurité et une idée économique

« La création de la CEPGL a été motivée par l’idée d’assurer la sécurité entre les Etats membres. Ensuite, il y avait une idée économique de mettre ensemble les moyens afin de développer la région des Grands Lacs », fait savoir Amb.Mbonimpa.

Selon lui, l’idée de créer la CEPGL est venue en 1976 avec Michel Micombero, président de la première République du Burundi, Juvénal Havyarimana et Mobutu Sese Seko les présidents à l’époque du Rwanda et de la RDC. 

A la même année, le Président de la République du Burundi fut renversé. Et de renchérir : « Même son successeur Jean Baptiste Bagaza a manifesté l’intérêt d’une union des 3 pays à travers la CEPGL ».

A l’origine de la mise en place de la CEPGL étaient des préoccupations d’ordre sécuritaire. Il y avait des réfugiés burundais qui étaient au Rwanda et des réfugiés rwandais qui étaient au Burundi et en RDC. 

Par ailleurs, explique l’analyste professionnel de la diplomatie burundaise, il s’est passé des événements dans cette région qui ont provoqué le dysfonctionnement de la CEPGL. Des crises profondes ont occasionné la perte de confiance entre les pays membres. En 1993 par exemple, il y a eu la mort du président Meclchior Ndadaye. Celle-ci a été a suivie par une guerre civile qui a plongé le Burundi dans une situation difficile. Une année après, il y a eu le génocide des tutsi au Rwanda. 

Par après, les relations entre quatre pays sont devenues conflictuelles, soit Bujumbura contre Kigali, soit Kigali contre Kinshasa et Kampala, soit Kampala contre Kinshasa. 

« Ces climats de tension ont fait que la coopération entre ces pays s’est arrêtée », déplore Ambassadeur Mbonimpa avant de se réjouir que le climat s’améliore petit à petit entre le Rwanda et la RDC où les présidents se sont rencontrés et entre le Burundi et le Rwanda où on observe progressivement des contacts.

Toutefois, il reconnait que des projets communs ont continué à être exécutés. La CEPGL avait une Banque dont le siège était à Goma en RDC. Il a été initié un Institut de Recherche Agronomique et Zootechnique (IRAZ) à Gitega au Burundi et la Société Internationale d’Electricité des pays des Grands Lacs (SINELAC). Des projets de construction des barrages hydroélectriques ont été développés sur la Rusizi…

Appartenir à plusieurs communautés coûte cher

Pour Amb.Mbonimpa, il se pourrait que beaucoup de pays africains appartiennent à beaucoup d’organisations sous régionales. Le Burundi par exemple, appartient à la Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC), au Marché Commun de l’Afrique Orientale et Australe (COMESA), à la CEPGL et à la CEA.

« L’appartenance à une communauté économique implique les cotisations des pays membres. Celles-ci se font en devises. Ce qui constitue une charge pour les pays pauvres. Les bailleurs auxquels on soumet les projets sont les mêmes, à savoir : la Banque Mondiale (BM), le Fonds Monétaire International (FMI), l’Union Européenne (UE) et la Banque Africaine pour le Développement (BAD). Ce n’est pas si simple pour le bailleur si on se présente à lui étant plusieurs communautés en train de lui demander un financement », certifie-t-il.

Amb.Mbonimpa signale que pour favoriser une union très forte, l’Afrique a encouragé la création des communautés économiques régionales. C’est ainsi qu’on a sept grandes communautés régionales, à savoir : la communauté pour les pays du Magreb, la CEDEAO pour les pays de l’Afrique de l’Ouest, la CEEAC qui réunit les pays de l’Afrique Centrale, le COMESA pour les pays de l’Afrique Orientale et Australe, la CEA, l’IGAD et la SADC.

Et de conclure : « C’est l’harmonisation des communautés économiques régionales qui va réduire le nombre de communautés, surtout que l’appartenance à celles-ci coûte cher ».

A propos de l'auteur

Mélance Maniragaba.

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