Economie

L’évolution croissante de la dette publique, plus qu’inquiétante

Depuis 2016 à nos jours, il s’observe une nette augmentation de la dette publique. Elle arrive à plus de 2800 milliards de FBu. Gilbert Niyongabo, professeur à l’Université du Burundi indique que cette situation est liée aux recettes insuffisantes qui ne couvrent plus les dépenses

Selon la Banque de la République du Burundi, la dette publique a augmenté de 17,4% fin mai 2019, s’établissant à 2 936,8 milliards de FBu contre 2 500,6 milliards de FBu à la même période de l’année précédente, principalement en liaison avec l’accroissement de la dette intérieure (+24,2%) et dans une moindre mesure de la dette extérieure (+3,2%). Par rapport au mois précédent, l’encours de la dette publique s’est légèrement accru de 1,2%. La dette intérieure a augmenté de 1,8% quand la dette extérieure a connu une baisse de 0,2%.

En glissement annuel, le stock de la dette intérieure a augmenté de 410 803,7 millions de FBu  fin mai 2019, passant de 1699,7 milliards de FBu à 2110,5 milliards de FBu, en liaison essentiellement avec l’accroissement de l’endettement de l’Etat vis-à-vis du secteur bancaire, spécialement sous forme de titres du Trésor (+345.579,7 de millions de FBu). Par rapport au mois précédent, la dette intérieure s’est accrue de 36.512,4 millions de FBu, passant de 2.074,0 milliards de FBu à 2.110,5 milliards de FBu, notamment en liaison avec l’augmentation de l’endettement de l’Etat envers le secteur bancaire (+32.932,4 millions de FBu) et non bancaire (+4.670,0 millions de FBu).

La dette extérieure est passée de 800.922,3 à 826.327,4 millions de FBu

En glissement annuel, l’encours de la dette extérieure a augmenté de 25.405,1 millions de FBu à fin mai 2019, passant de 800.922,3 à 826.327,4 millions de FBu. Cet accroissement qui est lié aux tirages (21.930,2 millions de FBu) et aux plus-values de réévaluation (16.072,4 millions de FBu) est de (+12,7%). Quant à la circulation fiduciaire hors banques, il est de +17,8%. L’augmentation des dépôts à vue en BIF a principalement concerné les dépôts des autres sociétés non financières (+203.612,0 millions de FBu), les dépôts des ménages (+40.214,6 millions de FBu) et ceux des  sociétés financières publiques (+4.817,4millions de FBu). Par contre, les avoirs des établissements financiers (-1.285,5 millions de FBu) et ceux classés dans les autres comptes (-496,6 millions de FBu) ont baissé.

Gilbert Niyongabo, professeur à l’Université du Burundi : « Les recettes insuffisantes sont l’une des causes de l’augmentation de la dette publique ».

Depuis 2016, une organisation de lutte contre la corruption indique que les statistiques de la BRB montrent que la dette publique s’est déjà multipliée par presque quatre, passant de 700 milliards de FBu à autour de 2 800 milliards de FBu en 2019. Comparé à la même période de 2018, le FBu s’est déprécié de 3,34% par rapport au dollar américain au mois de mai 2019. Le taux de change moyen mensuel s’est établi à 1.837,04 de FBu contre 1.777,69 de FBu pour une unité de dollar américain. A la fin de cette période, le taux de change est passé de 1.778,26 de FBu à 1.839,64 FBu pour une unité de dollar américain de fin mai 2018 à fin mai 2019, soit une dépréciation de 3,45%.

En 2009, cette organisation fait remarquer que le Burundi avait bénéficié de l’allègement de sa dette publique d’environ 2 000 milliards de FBu pour avoir perdu à l’époque la crédibilité auprès de ses partenaires créanciers. Suite aux conditions imposées par les institutions de Bretton Woods, le Burundi a opté pour la prise de dettes à long terme avec un taux d’intérêt faible. Pour la dette extérieure, les nouveaux tirages ont porté sur la dette provenant de l’OPEP (11 390.69 milliards de FBu), de la BADEA (7 437.94 milliards de FBu), d’Exim Bank (3 379.21 milliards de FBu), du fonds Koweîtien (12 414.2 milliards de FBu) et du fonds Saoudien (6 632. 6 milliards de FBu).

Les causes de cette situation

Selon toujours cette organisation, la cause majeure de l’accroissement de cette dette publique est la crise d’avril 2015 qui a détérioré les bonnes relations qui existaient entre le Burundi et ses partenaires. L’autre cause est la mauvaise gouvernance renforcée par la corruption. Comme le Burundi n’a pas beaucoup de produits exportables, cette organisation trouve que l’une des conséquences de cette situation est la dépréciation de la monnaie locale. L’endettement public peut amener les banques commerciales à tomber en faillite si la Banque centrale ne rembourse pas leurs fonds.

Gilbert Niyongabo, professeur à l’Université du Burundi fait savoir que les recettes insuffisantes sont l’une des causes de l’augmentation de la dette publique. Elles ne parviennent pas à couvrir toutes les dépenses de l’Etat. Sinon, il indique que le déficit est acceptable, car il est estimé entre 6 et 10%. S’il dépasse ce taux, le pays est sommé de rembourser une partie de la dette pour éviter que cela dépasse les normes internationales. Ces dernières disent que la dette publique doit être inférieure ou égale à 70% du Produit Intérieur Brut. Si on essaie d’analyser la situation, c’est autour de 6 000 milliards de FBu. Pour notre cas, la dette est de plus de 2800 milliards de FBu. Pour dire qu’elle n’est pas élevée. Seulement, le problème  est que son évolution est croissante.

L’évolution de la dette publique est croissante depuis 2016. (Source BRB)

La balance commerciale déficitaire fait aussi partie des causes de l’augmentation de la dette publique. Au premier trimestre 2019, le commerce extérieur des marchandises a été caractérisé par une aggravation du déficit de la balance commerciale (328.318,9 contre 253.092,7 MBIF) liée à la diminution des exportations (-39.539,0 MBIF) et à l’augmentation des importations (+35.687,2 MBIF). Les exportations ont diminué (68.789,0 contre 108.328,1 MBIF au même trimestre de 2018), en liaison avec la baisse des exportations des produits primaires (49.967,1 contre 93.652,5 MBIF) tandis que celles des produits manufacturés ont augmenté (18.822,0 contre 14.675,5 MBIF).La diminution des exportations des produits primaires a principalement porté sur l’or non monétaire (-44.028,2 MBIF) tandis que la hausse des produits manufacturés a concerné la catégorie «autres produits manufacturés» (+5.294,2 MBIF). Au premier trimestre 2019, le rapport du comité de la politique monétaire indique que le déficit budgétaire, les dons inclus, s’est aggravé par rapport au même trimestre de 2018 (57.199,9 contre 48.609,7 MBIF), en liaison avec l’augmentation relativement plus importante des dépenses par rapport aux recettes. Ce déficit a été principalement financé par un endettement intérieur net de 48.225,6 MBIF

Qu’en est- il des conséquences qui nous guettent ?

Comme conséquence, Niyongabo fait remarquer que le taux d’intérêt devient élevé, car il n’y a pas assez de liquidités dans les banques pour financer les investisseurs. La dette publique va évincer les privés. S’il y a une grande société qui a besoin d’un crédit à la BRB, elle n’en trouve plus. Le secteur privé souffre du manque de financement, car la BRB a tendance à donner le peu qu’elle a à l’Etat. Ce qui est problématique. Il survient aussi une dépréciation de la monnaie locale.

Quelles pistes de solution ?

Pour inverser la tendance,  Niyongabo souligne que l’Etat devrait se donner corps et âme pour gagner la crédibilité vis-à-vis des bailleurs afin de bénéficier de beaucoup de devises. Il propose au gouvernement de développer la politique de stimulation des investisseurs étrangers et de rapatriement des fonds logés dans les banques étrangères.

Notons que le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé aujourd’hui un don au titre du fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes du FMI (fonds fiduciaire ARC) afin de couvrir le service de la dette du Burundi envers le FMI qui est exigible entre le 21 juillet 2020 et le 13 octobre 2020, soit l’équivalent de 7,63 millions de dollars (5,48 millions de DTS). Un allègement supplémentaire portant sur la période allant du 14 octobre 2020 au 13 avril 2022 sera accordé sous réserve des ressources disponibles au titre du fonds fiduciaire ARC, ce qui pourrait porter l’allégement total du service de la dette à l’équivalent de 24,97 millions de dollars (17,96 millions de DTS). Cet allégement du service de la dette contribuera à dégager des ressources en faveur des besoins sanitaires du secteur public, y compris d’autres dépenses d’urgence, et à atténuer le choc que constitue la pandémie de COVID-19 pour la balance des paiements. L’allégement de la dette accordé par le FMI contribuera à dégager des ressources en faveur des besoins sanitaires du secteur public, y compris d’autres dépenses d’urgence, et à atténuer le choc que constitue la pandémie de COVID-19 pour la balance des paiements.

La dette publique est dans le domaine des finances publiques, l’ensemble des engagements financiers pris sous formes d’emprunts par un Etat, ses collectivités publiques et ses organismes qui en dépendent directement (certaines entreprises publiques, les organismes de sécurité sociale, etc.). Le terme dette intérieure (ou dette interne, ou dette domestique) désigne l’ensemble des créances détenues par les agents économiques résidents d’un État souverain sur cet État. Ajoutée à la dette extérieure, elle compose la dette souveraine d’un État. En économie, la dette extérieure désigne l’ensemble des dettes qui sont dues par un pays, État, entreprises et particuliers compris à des prêteurs étrangers

A propos de l'auteur

Jean Marie Vianney Niyongabo.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur.
La rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires enfreignant ces règles et les règles de bonne conduite.

éditorial

Une riposte à la hauteur des enjeux ?

Une riposte à la hauteur des enjeux ?

Les effets du phénomène climatique El Niño caractérisé par des températures anormalement élevées et de fortes intempéries sont déjà perceptibles. A fortiori, le gouvernement vient de déclarer l’urgence climatique et appelle à l’aide internationale pour atténuer l’impact du changement climatique. Le Burundi est en proie aux effets du changement climatique. Ces derniers se manifestent à travers les catastrophes naturelles dont les inondations, les pluies torrentielles, les vents violents ou la prolongation de la saison sèche selon les régions. Les catastrophes d’une forte intensité fragilisent d’une manière répétitive les habitations, les infrastructures socio-économiques et exposent la population à une précarité absolue

    Abonnez-vous à notre bulletin

    Journal n° 605

    Dossiers Pédagogiques

    Facebook

éditorial

Une riposte à la hauteur des enjeux ?

Une riposte à la hauteur des enjeux ?

Les effets du phénomène climatique El Niño caractérisé par des températures anormalement élevées et de fortes intempéries sont déjà perceptibles. A fortiori, le gouvernement vient de déclarer l’urgence climatique et appelle à l’aide internationale pour atténuer l’impact du changement climatique. Le Burundi est en proie aux effets du changement climatique. Ces derniers se manifestent à travers les catastrophes naturelles dont les inondations, les pluies torrentielles, les vents violents ou la prolongation de la saison sèche selon les régions. Les catastrophes d’une forte intensité fragilisent d’une manière répétitive les habitations, les infrastructures socio-économiques et exposent la population à une précarité absolue.
  • Journal n° 605

  • Dossiers Pédagogiques