Médias

L’accès à l’information, pas toujours facile

L’accès à l’information n’est pas toujours facile pour les professionnels des médias. Ils sont exigés de se munir des pièces justificatives attestant qu’on a la permission de se rendre dans tel ou tel endroit et de se faire reconnaître au niveau des provinces. Mais, la loi n’en dit rien. Vous allez découvrir dans les lignes qui suivent les réactions des ministères de l’Intérieur, de la Formation Patriotique et du Développement local et de la Communication et des Médias ainsi que du CNC

Les radios Isanganiro, Rema FM et Izere FM ainsi que le groupe de presse Iwacu, le Journal Burundi Eco et le collectif de blogueurs yaga ont animé jeudi le 19 décembre 2019 une synergie des médias sur la problématique liée à l’accès à l’information.

Les journalistes qui prestent en mairie de Bujumbura indiquent qu’il n’est pas actuellement toujours facile d’accéder à l’information. Ce calvaire s’observe depuis 2015. L’un de ces journalistes s’exprimant sous couvert d’anonymat indique que certaines sources institutionnelles d’information considèrent certains journalistes comme des perturbateurs de la sécurité. Ce qui n’est pas du tout une réalité. La loi régissant la presse au Burundi dans son article 21 autorise tout journaliste d’accéder à l’information dans n’importe quel endroit du pays. Néanmoins, ce professionnel des médias signale que pas mal d’obstacles obstruent la collecte de l’information. «Certains détenteurs de l’information nous obligent à rédiger une lettre dont l’objet est de demander l’accès aux informations dont on a besoin», s’inquiète-t-il. Cette situation pousse les professionnels des médias à ne diffuser que des informations déséquilibrées. De plus, on leur demande d’attendre un peu. Dans ce cas, l’information perd sa qualité d’actualité.

Nestor Bankumukunzi, président du Conseil National de la Communication : «Se faire connaître au niveau des provinces n’est pas un problème même si la loi n’en dit rien»

Certains refusent carrément de donner des informations

Selon cette femme qui exerce aussi le métier de journaliste en mairie de Bujumbura, il y a ceux qui donnent sans fard les informations aux journalistes. Néanmoins, il y en a d’autres qui refusent carrément. Elle souligne que certains détenteurs de l’information  ont peur de parler devant les journalistes pour leurs propres raisons. On t’envoie chez le porte-parole. Mais, ces derniers ne sont pas toujours disponibles.

Quid de la situation au centre du pays ?

Les professionnels des médias qui prestent dans les provinces du centre du pays abondent dans le même sens. «Il y a des cas où nous sommes confrontés à pas mal de difficultés lors de la collecte de l’information», révèle un journaliste qui a requis l’anonymat. Cependant, ce qui l’irrite est que lorsque ce sont eux qui ont besoin des journalistes pour la diffusion de telle ou telle autre information, ce n’est pas un problème. Les médias sont toujours prêts. Selon lui, cela devrait être réciproque.  Certains détenteurs de l’information te demandent de leur envoyer les questions que tu veux leur poser. Ce qui altère le traitement de l’information.

Cette femme journaliste ajoute aussi la non disponibilité des personnes ressources.  Tantôt on te dit qu’on n’a pas de temps pour s’exprimer là-dessus, tantôt il te répond qu’il n’a pas d’informations à te donner. Par conséquent, ces situations altèrent la qualité de l’information fournie. L’équilibre de l’information exigée par la loi sur la presse est rompu. Il y a ceux qui te demandent de revenir demain. Et demain donne naissance au lendemain, etc dans la seule optique de te décourager et te faire partir pour de bon les mains vides.

Même la population manifeste un comportement fugace quant à l’octroi de l’information. S’il s’agit des questions en rapport avec la politique ou la sécurité, elle est réticente. Elle a du mal à ouvrir la bouche pour parler.

Qu’en est-il de l’accès à l’information au Nord du pays ?

Les journalistes qui travaillent dans les provinces du Nord du pays  affirment aussi qu’accéder à l’information n’est pas toujours facile. «Nous sommes confrontés au manque de moyens de déplacement. Malgré cette situation, on contacte la source de l’information par téléphone. Le constat est que la plupart des personnes ressources refusent de donner l’information par téléphone. Elles préfèrent le face à face. Ces journalistes font savoir qu’il y a actuellement des sujets qui ne sont faciles à traiter suite au manque de sources  fiables et exhaustives. L’exemple le plus emblématique est la corruption.

Sylvère Ntakarutimana, directeur de la radio Isanganiro affirme qu’accéder à l’information n’est pas chose facile pour les professionnels des médias. Il fait savoir qu’ils la cherchent  chez les administratifs, la population et les experts. Ils te disent qu’ils ont peur pour leur sécurité qui peut être menacée. Selon lui, c’est compréhensible. De plus, il y a ceux qui demandent aux journalistes une lettre signée par le ministère de l’Intérieur et de la Formation Patriotique. D’autres  refusent sous prétexte qu’ils pensent que tu ne vass pas la traiter comme il l’escompte. Ntakarutimana précise que les journalistes ne traitent pas l’information comme les gens le veulent, mais surtout comme leur métier le recommande. Néanmoins, il indique qu’il y a des journalistes qui ne savent pas comment chercher une information. Certaines conditions sont exigées. Ce sont entre autres la salutation, la présentation, etc.

Réaction du ministère de tutelle

Frédéric Nahimana, ministre de la Communication et des Médias fait remarquer qu’il y a un pas franchi dans la collecte, le traitement et la diffusion de l’information. Selon lui, les porte-paroles se donnent corps et âmes  pour rendre disponibles les informations dans différents secteurs de la vie du pays. A cette occasion, il leur demande de redoubler d’efforts pour que la population soit informée sur tout ce qui est en train d’être  réalisé par leurs représentants.  Il est ravi par ce que font les médias, mais il précise qu’il s’observe encore des fautes professionnelles commises du fait que la plupart des journalistes sont actuellement jeunes, inexpérimentés. Mais, elles ne sont pas lourdes.

Selon Nahimana, les journalistes ont la liberté de collecter, de traiter et de diffuser des informations. Néanmoins, cela ne signifie pas qu’ils ne doivent pas se conformer à la loi. Il les invite de travailler en connivence avec les administratifs pour être efficaces dans le métier. Sur ce sujet, se faire connaître au niveau des provinces est une bonne chose dans l’objectif de produire et de publier des informations de bonne qualité.

Pourquoi il y a ceux qui ne donnent pas les informations ?

Les raisons pour une personne ressource de ne pas donner des informations à certains médias sont multiples. Ce sont entre autres les mauvaises relations entre la personne ressource et le médium, retrace Nahimana. S’il arrive que dans le passé elle t’a accordé des informations et que tu les as mal traitées, cela constitue le point de discorde entre vous. C’est le même sort lorsqu’on les a diffusées dans des médias non acceptés par la loi régissant la presse au Burundi. Il y en a d’autres qui refusent, parce qu’ils ne savent pas l’importance de donner l’information. Il leur signifie que l’information ne s’adresse pas au médium, mais plutôt à la population.

Tharcisse Niyongabo, porte-parole du ministère de l’Intérieur, de la Formation Patriotique et du Développement Local: « Je demande aux professionnels des médias de se présenter aux représentants provinciaux pour bénéficier facilement des informations dont ils ont besoin »

Le CNC, qu’en dit-il ?

Nestor Bankumukunzi, président du Conseil National de la Communication ne sait pas qu’il y a des autorités qui refusent de donner des informations aux professionnels des médias. Néanmoins, s’il y en a, il les invite à changer, car la population a besoin d’être informée et cela le plus correctement possible.

Réaction du ministère de tutelle

Tharcisse Niyongabo, porte-parole du ministère de l’Intérieur et de la Formation Patriotique et du Développement Local demande aux professionnels des médias de se présenter aux représentants provinciaux pour bénéficier facilement des informations dont ils ont besoin. Cela afin de leur permettre de bien identifier le médium qui en a besoin. Il indique que personne n’ignore l’importance de donner des informations. Cependant, il arrive qu’une autorité quelconque n’ait pas de temps pour te les donner. Sinon, il affirme que les informations sont fournies à ceux qui en ont besoin.

Quant à l’exigence d’une lettre signée par le ministère de l’Intérieur pour bénéficier des informations, Niyongabo balaie ces accusations du revers de la main. Seulement, il souligne que se faire connaitre au représentant provincial est une nécessité. «Le gouverneur est là pour contrôler tous les mouvements des gens dans la localité qu’il chapeaute», précise-t-il. Selon Bankumukunzi, se faire connaître au niveau des provinces n’est pas un problème même si la loi n’en dit rien. Si tu rencontres un problème quelconque, il est facile de le résoudre, car on reconnait que tu es dans cet endroit. Ntakarutimana n’y va pas par quatre chemins. Il indique que c’est un problème lorsque cela devient comme une loi qu’on doit toujours respecter.

Notons à toutes fins utiles que ne pas donner des informations aux professionnels des médias a des conséquences néfastes. Selon le CNC, les médias sont déterminés à les chercher partout et par n’importe quels moyens. Par conséquent, les fausses informations et les rumeurs se multiplient. Quant au ministère de l’Intérieur, il reconnait que les médias ont une importance capitale dans la sauvegarde de la paix et de la sécurité. S’il n’y a pas de médias, c’est le chaos total et la sécurité peut être perturbée. Selon Ntakarutimana, les rumeurs s’intensifient et ce n’est pas facile de gérer  cette situation. Tout peut être paralysé et les gens peuvent fuir.

A propos de l'auteur

Jean Marie Vianney Niyongabo.

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