Médias

Productions médiatiques : L’intégration du genre demeure une préoccupation

Certains journalistes disent qu’il leur est difficile de trouver les sources d’information sur le genre et surtout chez les femmes. D’autres affirment qu’ils les trouvent facilement parce qu’ils en sont familiers. Le monitoring du CNC d’octobre, novembre et  décembre 2019 indique que de façon générale,  les personnes ressources hommes  restent dominants par rapport aux personnes ressources  femmes, soit 1 483 contre 307. L’AFJO estime que l’information qui n’intègre pas le genre est déséquilibrée. Elle invite les femmes à s’exprimer, car elles constituent le pilier du développement

C’est spontané. La tradition nous a habitué à ce que les femmes ne s’expriment pas assez par rapport aux hommes, indique Dona Fabiola Ruzagiriza, journaliste à Burundi Eco. Pour elle, chaque fois qu’elle cherche une source d’information, la première cible qui lui vient en tête est de sexe masculin.

Pourtant, Mme Ruzagiriza informe qu’elle a déjà bénéficié d’une formation sur l’intégration du genre dans les publications médiatiques de la part du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) au mois de novembre 2018. La raison de s’adresser aux hommes est, selon toujours elle, que les hommes donnent souvent une information fouillée. « Quelques femmes restent dans les coulisses et se sous-estiment parfois. D’autres refusent d’être photographiés avec comme motif de ne pas être affichées dans les journaux ou qu’elles ne se sont pas bien maquillées », regrette cette dame travaillant dans la presse écrite.

Par contre, E.N travaillant dans une radio communautaire à l’intérieur du pays témoigne que les femmes donnent les mêmes informations que les hommes. « Cela est peut-être lié à ce que  ma station de radio est installée dans une petite ville. Tout le monde  se connait même les journalistes et leurs sources », martèle-t-elle.

Samuel Niyokwizera, journaliste à la radio Ivyizigiro informe qu’il a bénéficié de la formation sur l’intégration du genre dans les publications médiatiques organisée par l’Association Burundaise des Femmes Journalistes (AFJO) au mois de mai 2019. « Depuis ce jour, j’essaie d’intégrer le genre dans mes émissions. Au niveau des personnes ressources, je rencontre des défis pour trouver les femmes de marque ici à Bujumbura. Dans les quartiers périphériques et à l’intérieur du pays, toute femme que j’approche me donne à l’aise une information », souligne-t-il.

Le Conseil National de la Communication (CNC) en alerte

Un rapport  de monitoring  couvrant une période de trois mois  allant  d’octobre  à  décembre 2019 a été élaboré par le CNC.   Il renferme  des informations  sur la  dimension « genre » qui ont été  collectées à partir des productions médiatiques ( journaux et émissions)  des médias à savoir:  Isanganiro, Nderagakura, Radio Culture, Rema Fm, Buja Fm,  la  Télévision Nationale (TV), CCIB FM+, Le Renouveau, Iwacu , Agence Burundaise de Presse(ABP) infos, Net Press et la Voix de l’Enseignant.

Diane Ndonse, présidente de l’AFJO : « Une information qui n’intègre pas le genre est déséquilibrée ».

De façon générale,  le rapport indique que les hommes  restent dominants par rapport aux femmes  que ce soit  au niveau des présentateurs (190  contre 152), des reporters (803 contre 346)  et des personnes ressources (1483 contre 307).

« Cette tendance générale  s’observe  exactement dans tous les médias sous analyse.  La tendance s‘inverse  uniquement au niveau des présentateurs  à la radio Isanganiro,  à la TV nationale et à la radio CCIB FM+. En effet, on a 36 femmes contre 32 hommes à la radio Isanganiro, 40 contre 28 à la TV nationale  et 32 contre 29 à la CCIB FM+ », stipule le rapport.

Quand aux taux de participation, la TV nationale vient en tête en accordant la parole aux femmes et aux hommes. Elle est suivie par la radio Isanganriro. On remarque également que c’est dans les mêmes médias, que la femme a été privilégiée.

A l’exception des radios Rema FM, CCIB FM+ et Buja FM, les autres radios ont organisé au moins une émission qui traite des questions des femmes. Toutefois, on remarque que la radio Isanganiro s’intéresse beaucoup aux questions des femmes. Elle totalise 8 émissions, soit 36, 36%.

Pour le journal «La Voix de l’Enseignant », il est difficile de connaître le sexe des auteurs. Ces derniers sont marqués par les lettres initiales.  Pour Le Renouveau du Burundi et « Iwacu », les hommes  restent dominants par rapport aux femmes  que ce soit  au niveau des auteurs, des personnes ressources et à la Une des journaux.

L’AFJO ne nie pas les faits et explique les raisons

« Est-ce que les journalistes qui cherchent les personnes ressources tendent le micro aux femmes ? Fournissent-ils des efforts pour arriver dans les coins reculés pour se rendre compte de ce qui hante les femmes, ce à quoi qu’elles aspirent, ce qu’elles planifient pour contribuer au développement du pays », se demande Diane Ndonse, présidente de l’AFJO. L’association qu’elle préside regroupe environ 70 femmes journalistes. Elle milite pour les droits des femmes d’une façon générale et des femmes journalistes en particulier via des actions de communication.

Mme Ndonse fait remarquer donc que les femmes ne s’expriment pas parce qu’elles ont un problème de savoir sur quoi s’exprimer. Elle fait allusion au fait que les femmes sont souvent occupées par les travaux ménagers. Ce qui fait qu’elles trouvent moins de temps pour se ressourcer sur différents sujets.

La présidente de l’AFJO confirme que les femmes sont parfois le fruit de ce qui a été semé dans le passé. La femme ne pouvait pas parler alors que l’homme était là.

« Elles se croient également inférieures aux hommes et ont peur de parler en public », s’inquiète-t-elle.

Mme Ndonse invite les femmes, surtout celles qui ont fréquenté le banc de l’école de fournir beaucoup d’efforts pour s’exprimer en premier, animer des conférences de presse, faire des déclarations… D’ailleurs, elles sont plus nombreuses par rapport aux hommes, soit plus de 50% de la population burundaise. Elles ne devraient pas avoir peur de parler dans les médias. Cela afin d’apporter leur contribution au développement du pays. C’est déplorable, martèle-t-elle, si nous disons que les femmes sont en arrière par rapport aux hommes, qu’elles ont des besoins spécifiques dont on ne tient pas compte. La seule façon de combattre une injustice est de projeter la lumière de la vérité sur elle comme l’exprime bien un journaliste américain dont Mme Ndonse n’a pas cité de nom.Du côté des journalistes, poursuit-elle, ils doivent surmonter les obstacles qui les bloquent afin d’intégrer la dimension genre dans leurs productions médiatiques. Ces obstacles sont notamment le manque de moyens pour faire les reportages sur terrain, la non sensibilité au genre…

Elle conclut en soulignant que l’AFJO concentre ses efforts sur la sensibilisation des journalistes à l’équilibre de l’information. Pour cette association, une information qui n’intègre pas le genre est déséquilibrée.  Elle rappelle que ladite association a initié la charte des médias sensibles au genre en février 2018 pour que le document aide les médias à intégrer le genre dans les publications sans oublier la publication de feuilletons en rapport avec le genre.

A propos de l'auteur

Mélance Maniragaba.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur.
La rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires enfreignant ces règles et les règles de bonne conduite.

éditorial

Vers la redynamisation de la filière café ?

Vers la redynamisation de la filière café ?

Le café reste le pilier de l’économie nationale dans la mesure où il apporte des devises et des revenus aux ménages. Cependant la production du café vert est en chute libre. Elle oscille autour de 8 000 tonnes alors que les projections portent sur une quantité exportable de 45 000 tonnes chaque année. Pour gagner ce pari, il faudra mobiliser des investissements conséquents pour redynamiser l’ensemble de la chaine de valeur. Malgré les tentatives de nationalisation de la filière café, les défis demeurent nombreux. Les milieux bien informés évoquent notamment le désintéressement de la population, le faible encadrement des producteurs, les opérateurs privés qui s’enrichissent sur le dos des producteurs.

    Abonnez-vous à notre bulletin

    Journal n° 606

    Dossiers Pédagogiques

    Facebook

éditorial

Vers la redynamisation de la filière café ?

Vers la redynamisation de la filière café ?

Le café reste le pilier de l’économie nationale dans la mesure où il apporte des devises et des revenus aux ménages. Cependant la production du café vert est en chute libre. Elle oscille autour de 8 000 tonnes alors que les projections portent sur une quantité exportable de 45 000 tonnes chaque année. Pour gagner ce pari, il faudra mobiliser des investissements conséquents pour redynamiser l’ensemble de la chaine de valeur. Malgré les tentatives de nationalisation de la filière café, les défis demeurent nombreux. Les milieux bien informés évoquent notamment le désintéressement de la population, le faible encadrement des producteurs, les opérateurs privés qui s’enrichissent sur le dos des producteurs.
  • Journal n° 606

  • Dossiers Pédagogiques