Integration régionale

Reportage Kigoma : sur les ondes du choc

L’état des routes et des véhicules, les barrières non tarifaires et un séjour sous conditions à Kigoma est une description qui commence une série de publications sur les reportages effectués dans la province de Kigoma au Nord-Ouest de la Tanzanie du 17 au 23 juillet 2022. Dans les prochaines éditions, Burundi Eco reviendra sur les opportunités que présente Kigoma pour le Burundi, notamment, l’usage de la voie ferroviaire et maritime dans le transport du carburant et des autres marchandises, la diversification des exportations…   

Le calvaire commence la veille du voyage. L’annonce des frais de mission pour les sept reporters les poussent à se regarder les uns et les autres dans les yeux. Quelle surprise pour quelqu’un qui part de son pays vers l’étranger! Une somme estimée minime par ceux-ci et dont certaines dépenses doivent être justifiées leur a été donnée en BIF. Pourtant, ces frais de mission doivent être changés en shillings tanzaniens dont la valeur est supérieure à celle du BIF.

« Qu’à cela ne tienne. L’information prime sur l’argent. Pourvu qu’on réussisse », lance un des reporters.

Des débuts difficiles, mais réussis 

Très tôt le matin, les reporters se rencontrent à la gare du marché Bujumbura City Market communément appelé « Chez Sion ». Tickets payés à l’avance, il a fallu une longue discussion avec le rabatteur pour trouver une place dans un vieux bus de type « Coaster » qui les attendait. Les tickets manquaient de numéros montrant les places dans le bus, expliquait le rabatteur qui menaçait les reporters de les faire sortir du bus alors qu’ils y étaient entrés les premiers.

« Sortir du bus, à moins qu’on ne soit pas conscient d’où on va et de ce qu’on va faire », résistent les reporters qui refusent de sortir du bus. Le rabatteur insistait sur le fait que ceux-ci doivent s’asseoir sur le dernier siège du bus. Les reporters refusaient, surtout que le «porte-fret» était plein de bagages. Ils avaient peur que ceux-ci ne leur tombent dessus. Finalement, un consensus fut trouvé et le bus partit avec une heure de retard (7 heures 8 minutes) prenant la direction Kigoma à plus de 200 km de Bujumbura en empruntant la RN3.

A Kigoma, rien n’est gratuit (Point d’embarcation des bots à Kibirizi à Kigoma).

 

Un trajet pas comme les autres

Dans le bus, les passagers s’asseyaient à cinq au lieu de quatre sur un siège. A une quinzaine de kilomètres, des agents de sécurité routière ont arrêté le bus pour le contrôle des documents. Le rabatteur est sorti vite du bus, a passé un temps de la rosée avec un agent de sécurité routière et le voyage continua. 

Le geste s’était répété maintes fois. Il arrivait des fois où on s’arrêtait sur les barrières posées par les communes.

En tout, trois bus de type « Coaster », 35 places font chaque jour le trajet Bujumbura-Kigoma et trois autres bus type « Coaster », 35 places font le trajet Kigoma-Bujumbura.

Les chauffeurs font remarquer qu’à chaque tour, on prévoit 35 mille FBu pour les agents de sécurité routière et 5 mille FBu pour payer les taxes communales, soit 40 mille FBu par jour. Les six bus type « coaster » qui font les rotations Bujumbura-Kigoma laissent chaque jour dans la rue 240 mille FBu.

A chaque paiement d’argent, le bus s’arrête. Ce qui allonge la durée du trajet. A cela s’ajoute l’état de la route Bujumbura-Rumonge (RN3) en cours de réhabilitation. Celle-ci compte plus de 200 dos d’ânes. La route Mutambara-Nyanza Lac également en cours de réhabilitation ne facilite pas le voyage.

Les voyageurs tourmentés

A quelques kilomètres de la frontière burundo-tanzanienne à Mugina, le rabatteur a demandé les documents de voyage aux passagers mal assis dont les documents étaient en ordre. Il les a sommés d’y insérer chacun une somme de 10 mille FBu et de ne pas montrer à la frontière la carte de vaccination contre la fièvre jaune. Les reporters inquiétés ont voulu savoir pourquoi mettre les 10 mille FBu dans les documents de voyage et pourquoi ne pas montrer la carte de vaccination contre la fièvre jaune à la frontière.

Celui-ci a fait sourde oreille et a continué à collecter seulement les documents de voyage des autres passagers laissant de côté ceux des reporters.

La somme collectée à la frontière côté Burundi pour un seul bus pourrait être estimée à 350 mille FBu chaque jour pour chaque bus une fois que les places sont pleines, soit 2 millions 100 mille FBu chaque jour pour les seuls bus de type «Coaster» faisant le transport Bujumbura-Kigoma. 

Arrivés à la frontière, les reporters ont décroché leurs visas de voyage après les autres. Cela après avoir été identifiés comme journalistes. Ce qui leur a permis de ne pas subir d’autres tracasseries même à l’autre frontière.

Toutefois, les passagers y étaient sommés de payer 20 mille shillings, environ 30 mille FBu pour le test Covid-19 et ils recevaient un certificat sans être testés. Ils devraient payer aussi 10 mille shillings, soit environ 15 mille FBu pour qu’ils puissent passer à la frontière facilement. Ceux qui transitaient en Tanzanie en allant vers la Zambie devraient payer à leur tour une autre somme de 20 mille shillings, s’ajoutant aux premières déjà déboursées.

Kigoma, terre des opportunités pour les légaux

Le bus est arrivé à la gare de Kigoma vers 20 heures, heure de la Tanzanie, soit 19 heures, heure du Burundi. Des vendeurs de cartes SIM accouraient vers les passagers étrangers.

Le coût de ces cartes était exorbitant pour les étrangers. Ils étaient sommés de les payer 3 mille shillings et 3 mille shillings pour activer Internet, donc 6 mille shillings en tout, soit plus ou moins 9 mille FBu.

Par ailleurs, pour sortir de la gare de Kigoma, chaque étranger devait payer 200 shillings, soit 300 FBu. Mêmement pour y entrer. Au centre-ville de Kigoma, tous les services sont payant pour les étrangers. 

Pour tout ce qui passait, les reporters étaient annoncés à l’avance. Le consulat de la République du Burundi à Kigoma était aussi au courant. C’est grâce à lui que les reporters ont obtenu des rendez-vous avec les autorités tanzaniennes.

« Si vous n’étiez pas avec votre représentat ici, je n’allais pas vous accueillir », déclare Ntime Mwalyambi, assistant régional administratif et secrétaire de la province de Kigoma lors de la rencontre avec les reporters à la deuxième journée de leur séjour.

Quant à la demande formulée par les reporters de prendre les photos dans la ville de Kigoma, M.Ntime Mwalyambi a rétorqué qu’il n’est concerné que par les affaires de son bureau. « Ailleurs, demandez la permission aux personnes habilitées », répliqua-t-il.

Malgré cela, M.Ntime Mwalyambi a fait remarquer que Kigoma est plein d’opportunités pour les Burundais qui y résident légalement et les opérateurs économiques.

Il indique par exemple que la région de Kigoma est en train de multiplier le palmier à huile « Tenera ». Celui-ci est une variété hybride du palmier à huile dont le rendement est évalué à 3,5 à 4 tonnes d’huile de palme par hectare et par an. Cette variété est aussi tolérante à la fusariose (maladie cryptogamique qui attaque les palmiers à huile).

Le Burundi importe le palmier à huile « Tenera » de la Côte d’Ivoire, du Bénin ou du Costa Rica voire de plus loin. Actuellement, il peut l’importer de la province tanzanienne deKigoma frontalière avec le Burundi.

M.Ntime Mwalyambi a précisé qu’un port sec est en train d’être construit à Katsho dans la province de Kigoma. Cela pour désengorger le port de Dar-es-Salaam. Le Burundi y a bénéficié de 10 hectares. Ce qui facilitera les processus de dédouanement.

L’assistant régional administratif et secrétaire de la province de Kigoma certifie que la province de Kigoma plus précisément les régions de Dodoma, Uvinza…sont riches en clinker, une matière première utilisée pour fabriquer le ciment. Il appelle les Burundais à s’y en approvisionner et à utiliser la voie ferroviaire et maritime qui est moins coûteux et qui achemine de grandes quantités de marchandises.

Ntime Mwalyambi, assistant régional administratif et secrétaire de la province de Kigoma : « Kigoma est plein d’opportunités pour les Burundais qui y résident légalement et les opérateurs économiques ».

Des opportunités commerciales

M.Ntime Mwalyambi annonce que Kigoma dispose une zone économique spéciale (Kigoma Special economic Zone) de 20 mille hectares. Les industriels Burundais peuvent aller y investir. 1 m2 coûte 0,5 USD. En ce qui est des industriels Burundais voulant s’y installer et utiliser la main d’œuvre burundaise, ils sont les bienvenues, mais à condition qu’ils respectent la loi tanzanienne, rétorque M.Ntime Mwalyambi.

Et Shabani Yasin Yabulula, vice-président de la Chambre Tanzanienne de Commerce, d’Industrie et de l’Agriculture de renchérir : « Les Burundais qui veulent investir ici à Kigoma doivent avoir un partenariat avec les opérateurs économiques tanzaniens ».

Cependant, les Burundais vivant illégalement en Tanzanie, une fois attrapés, sont punis conformément à la loi tanzanienne. Soit ils purgent 10 mois de prison ou ils doivent payer 500 mille shillings afin qu’ils soient libérés.

A propos de l'auteur

Mélance Maniragaba.

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