Integration régionale

Création de la monnaie unique de l’EAC : Possible, mais à quel prix ?

Les chefs d’Etat des pays membres de Communauté de l’Afrique de l’Est se sont convenus de la mise en circulation d’une monnaie unique dans cette zone à partir 2024. Lors du 22ème sommet des chefs d’Etat, les parties prenantes ont jugé que le calendrier n’est pas tenable. Si la zone monétaire de l’EAC n’est pas une utopie, elle serait le résultat d’un travail de dure haleine et les Etats membres pourraient céder leur souveraineté dans la politique monétaire    

Sur les quatre piliers de l’intégration que sont l’union douanière, le marché commun, la monnaie commune et la fédération politique, les deux premiers ont déjà été atteints, même s’il subsiste des obstacles à leur mise en œuvre effective. Pour le marché commun par exemple il subsiste encore des barrières non tarifaires, tandis que le principe de la carte d’identité comme seul document de voyage n’est pas accepté par tous les pays membres. De même pour le roaming qui a bien été adopté avec la One Network Area, mais qui n’est pas encore effectif partout. La prochaine étape était la création d’une monnaie unique. 

La procédure d’avoir un marché unique a été lancé le 11 janvier 2014. Les Etats membres se sont donnés une période de dix ans pour s’y préparer.  Lors du 22ème sommet des chefs d’Etat de l’EAC, des 21 et 22 juillet 2022, les pays membres de l’EAC se sont rendu compte que l’objectif ambitieux n’est pas réalisable à la date prévue. Et ce n’est pas de la période qu’on s’est donné qui a joué contre l’objectif, mais plutôt les pays qui n’ont pas rempli les exigences.

Pour arriver à mettre en place une monnaie unique, les pays membres de l’EAC doivent perdre leurs souverainetés sur la politique monétaire.

Aucun pays n’a déjà rempli les critères

Pour arriver à mettre en place un marché commun, les pays membres se sont fixé des critères. Il s’agit de maîtriser au moins pour trois mois un plafond du taux d’inflation de 8%, du déficit global de 3% du PIB, de la dette publique fixé à 50% du PIB, mais aussi une réserve de change couvrant 4,5 mois d’importation. D’ores et déjà, aucun pays n’est arrivé à remplir ces exigences

Quant à ceux qui pensent que les nouveaux adhérents (RDC et Somalie) peuvent retarder le processus, le professeur explique que le problème majeur est de remplir les exigences pour entrer dans la zone. Il donne l’exemple de l’expérience de la zone euro qui  a montré que tous les pays les pays membres de l’Union Européenne (UE) peuvent ne pas entrer dans la zone monétaire en même temps. Les pays peuvent adhérer à une communauté et envisager plus tard d’appartenir à sa zone monétaire.

Et, pour les économies faibles, cela ne pose pas de problème. « Une économie qui n’est pas compétitive a besoin d’aller chercher des produits ailleurs », explique Gilbert Niyongabo, économiste et président du Centre Universitaire de Recherche pour le Développement Economique et Social (CURDES). Mais, par contre, les nouveaux adhérents (la RDC et la Somalie) peuvent constituer certes un atout en ce qui est de la mobilité des personnes et du commerce, mais également un obstacle par rapport à l’instabilité sécuritaire. 

Il faut trouver une monnaie de référence

Les pays de la zone CFA sont garantis par le trésor français. La compétitivité du franc CFA est soutenue par le franc français. Et, comme ce dernier est convertible en euro, indirectement le franc CFA est soutenu par l’euro et, partant, cette monnaie devient stable. Et, faudrait-il que la future monnaie de la Communauté Est-Africaine ait une monnaie de référence ? Il faut mentionner que le franc CFA nourrit un débat controversé. Cette monnaie continue aujourd’hui à être imprimée en France et être arrimée à l’euro, selon une parité fixe garantie par la France en échange d’un dépôt de 50% des réserves de change des pays concernés au Trésor français. Toutefois, le CFA apparait ainsi aux yeux de certains comme un instrument de maintien des pays africains dans une situation de dépendance économique.

Quand on a commencé la zone euro, il y avait le Deutsche Mark, la monnaie allemande qui était stable. Toutes les monnaies des pays membres de l’UE se sont définies par rapport à la monnaie allemande. Toutes les interventions des banques centrales s’opéraient par rapport au Deutsche Mark. Ils ont gardé cette compétitivité pendant une certaine période.

« Dans cette logique-là, il faudra que les pays membres de l’EAC choisissent entre le shilling kenyan ou le shilling tanzanien pour définir la monnaie de référence de la zone monétaire de l’EAC », fait savoir Niyongabo.

Chaque pays membres doit abandonner sa politique monétaire

L’union monétaire de l’EAC suit les mêmes critères que l’euro. Les pays qui sont dans la zone monétaire de l’EAC vont créer une banque centrale de la zone. Ils vont abandonner leurs politiques monétaires nationales. Par exemple, le Burundi se fait financer par la Banque centrale via la vente des bons de trésor. Mais avec l’union monétaire, c’est la Banque de l’EAC qui va désormais les vendre à des conditions communément convenues.

Dans ce cas, la Banque centrale d’un pays membre n’intervient plus, explique l’économiste. C’est-à-dire que si le pays rencontre des difficultés de type déficit ou avoir des avances, la Banque centrale nationale n’aura pas le droit les bons de trésor. Les pays doivent perdre leurs souverainetés sur la politique monétaire.

L’étape de la monnaie commune de l’East African Community (EAC) est prévue pour 2024 et devrait être suivie par celle de la création d’une fédération politique en 2025. Cette dernière risque également de ne pas être tenable étant donné que l’une influe sur l’autre.

A propos de l'auteur

Dona Fabiola Ruzagiriza.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur.
La rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires enfreignant ces règles et les règles de bonne conduite.

Un commentaire
  • Innocent dit :

    Cela devrait profiter a tout le monde:Les extremismes et Les nationalisms diminueraient chaque citoyen ne considerant que ses interest.Je crois qu’avec l’entree du Congo la Tanzanie (seul avec moins de soubresauts politique)pourrait lacher du lest en matiere de nationalisme.Le Congo pourrait connaitre la paix-tout le monde s’y investirait mais il faudra une police comme au Rwanda et combattre la corruption institutionnalisee dans tous les etats.La securite des atmes sera vite maitrisee mais la justice et la corruption entrainera des insatisfactions deroutantes:Il faut vraiement que les agents publiques apprennent a avoir honte de la corruption et ne pas considerer cela comme un moyen de s’enrichir et Les grands responables ne pas laisser cela impunis pour cause de soutien politique.Il faut une strategie anticorruption preallable et la tester sans badiner.C’est un poison foudroyant qui a alite certains etats..bbvb

Les commentaires sont fermés.

éditorial

Vers la redynamisation de la filière café ?

Vers la redynamisation de la filière café ?

Le café reste le pilier de l’économie nationale dans la mesure où il apporte des devises et des revenus aux ménages. Cependant la production du café vert est en chute libre. Elle oscille autour de 8 000 tonnes alors que les projections portent sur une quantité exportable de 45 000 tonnes chaque année. Pour gagner ce pari, il faudra mobiliser des investissements conséquents pour redynamiser l’ensemble de la chaine de valeur. Malgré les tentatives de nationalisation de la filière café, les défis demeurent nombreux. Les milieux bien informés évoquent notamment le désintéressement de la population, le faible encadrement des producteurs, les opérateurs privés qui s’enrichissent sur le dos des producteurs.

    Abonnez-vous à notre bulletin

    Journal n° 606

    Dossiers Pédagogiques

    Facebook

éditorial

Vers la redynamisation de la filière café ?

Vers la redynamisation de la filière café ?

Le café reste le pilier de l’économie nationale dans la mesure où il apporte des devises et des revenus aux ménages. Cependant la production du café vert est en chute libre. Elle oscille autour de 8 000 tonnes alors que les projections portent sur une quantité exportable de 45 000 tonnes chaque année. Pour gagner ce pari, il faudra mobiliser des investissements conséquents pour redynamiser l’ensemble de la chaine de valeur. Malgré les tentatives de nationalisation de la filière café, les défis demeurent nombreux. Les milieux bien informés évoquent notamment le désintéressement de la population, le faible encadrement des producteurs, les opérateurs privés qui s’enrichissent sur le dos des producteurs.
  • Journal n° 606

  • Dossiers Pédagogiques