Economie

Quand les exonérations n’attirent pas les investisseurs étrangers

Les exonérations ne sont pas la raison première qui pousse les investisseurs étrangers à investir dans un pays donné, selon différents économistes. D’autres paramètres interviennent. Au Burundi, une politique de promotion des investissements est plus que nécessaire pour attirer les investisseurs étrangers    

« Les incitations fiscales ne sont pas la raison principale pour laquelle les entreprises viennent s’établir dans un pays. Cela étant, elles sont quand même indispensables », a précisé Libérat Mfumukeko, économiste et ex-secrétaire général de l’East African Community (EAC) lors du Forum National sur le Développement du Burundi qui s’est tenu en novembre 2021.  Il affirme néanmoins que les entreprises qui s’implantent dans un pays font très attention au niveau des impôts. Il ne faut pas trop imposer, mais faire en sorte que l’investisseur puisse payer l’impôt.

La potentialité du marché, l’accès au financement, l’accès aux crédits, la disponibilité des infrastructures, de l’eau, de l’énergie, etc. entrent en jeu en ce qui concerne la promotion des investissements dans un pays.

Différents paramètres entrent en jeu

Pour Aude Toyi, Administrateur Directeur Général Adjoint de l’Interbank dans les années 2010-2011, les gouvernements se sont empressés à accorder des incitations fiscales aux investisseurs, mais les résultats n’ont pas été positifs. D’autres paramètres, notamment la potentialité du marché, l’accès au financement, l’accès aux crédits, la disponibilité des infrastructures, de l’eau, de l’énergie, etc. entrent en jeu en ce qui concerne la promotion des investissements dans un pays. Elle précise que l’environnement des affaires doit être favorable pour inciter les investisseurs.

Selon Mme Toyi, en 2011, une étude a été faite au secrétariat de l’EAC pour le Burundi, le Rwanda et la Tanzanie et 489 investisseurs ont été interviewés pour savoir ce qui les a poussées à investir dans ces trois pays. 92% de ces investisseurs ont indiqué qu’ils auraient investi en l’absence même des exonérations.  Seulement 8% y ont investi grâce aux incitations fiscales. Sur le Burundi, 75% ont affirmé qu’ils auraient quand même investi sans exonérations. 25% auraient investi grâce aux avantages fiscaux.

Seulement 19% d’emplois générés par les avantages fiscaux

Au niveau de la création d’emplois, ceux qui ont investi grâce aux avantages fiscaux ont contribué seulement à 19% au moment où ceux qui auraient investi sans incitations fiscales ont contribué à 81%.

Aude Toyi informe que certains bénéficiaires des exonérations ont réellement investi. D’autres ont contourné l’objet de l’investissement soit totalement, soit partiellement. D’autres ont investi mais leurs investissements ne sont pas aujourd’hui fonctionnels. D’autres ont disparu. «Ces derniers ont été attirés par les incitations fiscales, mais ont constaté par après qu’il n’y a pas de potentialités de marché», fait-elle savoir en ajoutant que le coût engagé ne leur a pas permis de rendre leurs produits compétitifs.

Libérat Mfumukeko dénonce que les services chargés de la facilitation dans la plupart des institutions ne sont pas digitalisés. De là, l’investisseur n’est pas informé sur l’évolution dans le traitement du dossier. Si le processus était digitalisé, il pourrait à distances avoir où en est le traitement de son dossier. Encore plus, le processus de traitement des dossiers est long. Comme conséquence, les infrastructures pouvant faciliter l’installation rapide des investisseurs sont parfois indisponibles et difficiles à acquérir et coûteux (terrains, entrepôts, électricité). « En 2010, nous avons été approché par la même entreprise qui a installé la Zone Economique Spéciale au Rwanda, mais on n’a rien fait et on n’a toujours rien », déplore Mfumukeko. Un investisseur comme G. Watt est arrivé à la Regideso en 2013 en nous proposant de construire une centrale solaire. Nous avons refusé. Mais ils ont installé une centrale solaire à Rwamagana au Rwanda la même année. Cela montre notre réactivité face aux investisseurs. Nous tardons beaucoup et ils installent ailleurs.

Libérat Mfumukeko recommande la mise en place d’un guichet unique des services cruciaux au sein de l’Agence de Développement du Burundi pour faciliter les investisseurs étrangers durant leurs différentes démarches administratives.

Une politique de promotion des investissements s’impose

Audace Ndayizeye, président de la CFCIB déplore l’inexistence d’une politique de promotion des investissements qui favorise la production pour la consommation locale et pour l’exportation. «On a mis la charrue avant les bœufs. Il fallait d’abord définir une politique qui tient compte de la substitution des exportations, de l’innovation et de la création d’emplois pour stimuler la croissance économique», explique-t-il. Selon lui, le code des investissements devrait tenir compte de l’existence de la politique de promotion des investissements.

M. Ndayizeye ajoute qu’on fait la promotion des investissements pour substituer les produits importés et promouvoir les exportations. C’est une façon d’exporter la main d’œuvre. Ce sont les importateurs qui vont payer cette main d’œuvre. Le président de la CFCIB propose de mettre en place un cadre de haut niveau, en l’occurrence un conseil économique et social composé d’experts nationaux pour des réflexions sur le développement.

Mots-clés :
A propos de l'auteur

Bruce Habarugira.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur.
La rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires enfreignant ces règles et les règles de bonne conduite.

éditorial

Une riposte à la hauteur des enjeux ?

Une riposte à la hauteur des enjeux ?

Les effets du phénomène climatique El Niño caractérisé par des températures anormalement élevées et de fortes intempéries sont déjà perceptibles. A fortiori, le gouvernement vient de déclarer l’urgence climatique et appelle à l’aide internationale pour atténuer l’impact du changement climatique. Le Burundi est en proie aux effets du changement climatique. Ces derniers se manifestent à travers les catastrophes naturelles dont les inondations, les pluies torrentielles, les vents violents ou la prolongation de la saison sèche selon les régions. Les catastrophes d’une forte intensité fragilisent d’une manière répétitive les habitations, les infrastructures socio-économiques et exposent la population à une précarité absolue

    Abonnez-vous à notre bulletin

    Journal n° 605

    Dossiers Pédagogiques

    Facebook

éditorial

Une riposte à la hauteur des enjeux ?

Une riposte à la hauteur des enjeux ?

Les effets du phénomène climatique El Niño caractérisé par des températures anormalement élevées et de fortes intempéries sont déjà perceptibles. A fortiori, le gouvernement vient de déclarer l’urgence climatique et appelle à l’aide internationale pour atténuer l’impact du changement climatique. Le Burundi est en proie aux effets du changement climatique. Ces derniers se manifestent à travers les catastrophes naturelles dont les inondations, les pluies torrentielles, les vents violents ou la prolongation de la saison sèche selon les régions. Les catastrophes d’une forte intensité fragilisent d’une manière répétitive les habitations, les infrastructures socio-économiques et exposent la population à une précarité absolue.
  • Journal n° 605

  • Dossiers Pédagogiques