Commerce

Un an après le déménagement du « Grenier du Burundi », quel bilan ?

Au cours de l’année passée, pas de mal de tractations ont été faites pour redynamiser le marché COTEBU. L’une des mesures prises par les autorités municipales a été le déménagement du « Grenier du Burundi » vers le marché COTEBU. Les commerçants font remarquer que le changement voulu par la Mairie a été éphémère. Ce qui remet en cause l’impact réel des différentes mesures prises

La Mairie a décidé de démenager tous les commerçants du « Grenier du Burundi » vers le marché COTEBU

Tout commence avec l’incendie qui a calciné le marché central de Bujumbura en janvier 2013. Depuis cette période, les anciens occupants du marché central se sont dispersés  un peu partout pour occuper les marchés excentriques tels que Jabe, Ruvumera ou encore Bujumbura City Market dit chez Sion. Ce dernier s’est vite rempli de commerçants et le commerce y est devenu florissant. Par contre, certains commerçants avaient tout perdu et avaient du mal à garder la tête au-dessus de l’eau. D’où la prolifération du commerce ambulant qui a conquis surtout les alentours de l’ex-marché central.

Le gouvernement a décidé de construire un marché dit provisoire au quartier Ngagara  dans un terrain situé près de l’ex-COTEBU. Les travaux de construction ont connu un certain retard à cause de l’insuffisance des fonds. Ce qui a alimenté les grognes des anciens occupants du marché central. Finalement, en février 2015 le marché a été inauguré officiellement. Depuis cette période, le marché peine à fonctionner. Les commerçants ont affiché des réticences à l’idée d’occuper ce marché.

Le « Grenier du Burundi » n’a fonctionné que trois ans

Sept mois après l’incendie du marché central de Bujumbura, la seule place qui a été épargnée par l’incendie dénommée « Grenier du Burundi » rouvre ses portes. Les premières tentatives se sont soldées par un échec. La Mairie avait octroyé l’autorisation d’exploiter le site à une autre personne en violation du contrat qui la lie à l’homme d’affaire Juvénal Ntuzwenimana. Celui-ci avait aménagé et exploitait l’espace avant l’incendie. Après diverses tractations, le « Grenier du Burundi » rouvre et les femmes commerçantes y prestent jusqu’en juillet 2017.

A cette période, la situation change. La mairie décide de déménager tous les commerçants du « Grenier du Burundi » vers le marché COTEBU. Les autorités municipales justifiaient cette mesure comme étant la mise en application des recommandations issues de la réunion tenue deux mois plus tôt avec les commerçants du marché COTEBU. Ceux-ci avaient demandé la fermeture du «Grenier du Burundi » et la délocalisation des grossistes des produits vivriers de Bujumbura City Market vers le marché  COTEBU.

Le marché COTEBU n’a pas profité aux petits commerçants

Le commerce des fruits et des légumes prolifère le long des grands artères du centre-ville (Sur la photo, un petit marché de fruits et légumes à la jonction de l’avenue de France et de l’avenue de Grèce)

Burundi Eco est revenu longuement sur le sujet de la redynamisation du marché de COTEBU. Actuellement la question que l’on peut se poser est : « Quel est l’impact de ces mesures une fois que mises en vigueur ? La greffe est-elle réussie ?

Pour obtenir les réponses aux questions susmentionnées, il suffit de se rendre sur le marché COTEBU. Vous êtes accueillis par des rabatteurs qui vous demandent quel bus vous souhaitez prendre croyant que vous voulez voyager vers l’intérieur du pays.

A cet endroit noir de monde, les bouchons sont au rendez-vous. Les automobilistes, les cyclistes et les piétons circulent à longueur des journées. L’avenue de l’O.U.A est trop étroite pour permettre la fluidité de la circulation des camions, des voitures, des Tuks-Tuks et des vélos qui circulent en double sens. On peut traverser à peine  la route.

Une fois entrer dans le marché COTEBU, quelle surprise ! Plusieurs échoppes ont été érigées de parts et d’autres des axes principaux dudit marché. Par contre, au niveau des coins éloignés de ces axes, pas mal de stands sont quasi vides. Les propriétaires des quelques stands occupés se plaignent qu’il n’y a presque pas d’acheteurs. D’autres stands semblent fermés pendant plusieurs mois, car les araignées pullulent sur les articles abandonnés.

Les commerçants qui prestent dans ce marché disent que les propriétaires ont décidé d’abandonner leurs échoppes parce qu’elles ne sont pas bien aménagées et sont trop petites. Paradoxalement certains commerçants exercent leurs activités aux alentours du marché. Pour en savoir plus sur les vraies motivations qui poussent les commerçants à quitter le marché COTEBU, Burundi Eco a rencontré les déserteurs pour connaître les vraies raisons de ce désintéressement.

La mévente des produits a repoussé les commerçants 

Le marché COTEBU n’est pas virevoltant. Les clients viennent à compte-gouttes .Ce qui pousse les vendeurs à fermer leurs stands. Mme Joselyne Niyonkuru, commerçante de fruits rencontrée au centre-ville explique les raisons qui l’ont poussée à quitter le marché COTEBU.

Après l’annonce de la Mairie, j’ai déménagé vers COTEBU avec un capital de 300 000 FBu. J’ai remarqué que je travaillais à perte. Cela étant dû au fait que le marché est excentrique. Il n y a pas assez de clients pour répondre à l’offre. Elle explique qu’elle a essayé de commercialiser ses produits à l’extérieur du marché sans succès. Pour elle, les marchés COTEBU et Bujumbura City Market favorisent le commerce de gros pour les fruits et les légumes. Les grossistes s’en sortent plutôt bien alors que les détaillants ont du mal à écouler leurs produits.

Face à cette situation, elle a décidé finalement de retourner au centre-ville pour redémarrer les activités. « Je me suis arrangé avec ceux qui ont des magasins pour installer des rayons devant leurs magasins. Je dois payer 10 000 FBu de loyer au propriétaire du magasin chaque mois. Cela m’épargne de jouer au cache-cache avec la police qui n’hésite pas de saisir les marchandises », indique Mme Niyonkuru.  Le cas de cette commerçante illustre bien le commerce des fruits et des légumes qui s’est développé au centre-ville après l’incendie du marché central de Bujumbura.

Mme Ange Nizigiyimana, commerçante de fruits abonde dans le même sens et affirme qu’elle a abandonné son stand du marché COTEBU faute de clients. « Les rares clients qui fréquentaient ce marché étaient ne parvenaient pas à atteindre l’intérieur du marché. C’est pourquoi j’ai décidé de quitter », dit-elle. Elle comme une dizaine d’autres femmes étalent les fruits et les légumes devant le magasin « MASHIGA SHOP » situé à la jonction de l’avenue de Grèce et l’avenue de France. Mme Nizigiyimana affirme qu’il y a un léger mieux depuis qu’elle est retournée au centre-ville. Il y a une grande affluence, car les travailleurs qui rentrent à la maison passent pour acheter l’un ou l’autre article.

Pourquoi tant de résistances ?

L’idée de construire un marché provisoire pour abriter les victimes de l’incendie du marché central de Bujumbura a été décriée dès le départ. Les commerçants et la société civile craignaient qu’il n’y ait pas la possibilité de retrouver des places au marché central. Ils plaident pour la réhabilitation du marché central en ruine. Peu à peu, leur inquiétude semble se concrétiser, car la place de l’ex-marché central a été réservée à la construction d’un grand centre commercial moderne. Le projet reste en suspens et tarde à se réaliser. Il y a lieu de se demander si les commerçants qui avaient des stands dans l’ex-marché central auront des échoppes dans ce nouveau bâtiment luxueux très entendu. Difficile à croire !

Il importe de noter que  les commerçants de l’ex-marché central avaient cherché des places dans les galeries, ou les magasins se trouvant non loin du centre-ville. Et ils étaient en même temps propriétaires des stands au marché COTEBU. Donc en attendant la fin des travaux, ils se sont installés et ils avaient du mal à abandonner le business du centre-ville.

Par conséquent, les propriétaires des stands dans ce marché les ont fait louer aux autres personnes. Comme il n’y avait d’affluence, les locataires ont dû quitter le marché un à un. On n’exclut pas aussi la brutalité de certaines mesures qui ont été prises.

On se rappellera la destruction des stands non fonctionnels au marché COTEBU. C’était dans le but d’abriter les femmes commerçantes chassées du « Grenier du Burundi ». Les propriétaires des stands n’ont même pas été autorisés à récupérer les restes de leurs stands. Ils trainent toujours derrière les bureaux du commissaire du marché COTEBU. Certains commerçants persistent et signent que si les échoppes ne sont pas réaménagés, ils vont migrer vers les nouveaux marchés réhabilités.

Cette situation devrait servir de leçon aux décideurs. En principe, l’activité commerciale se crée d’elle-même. C’est la loi de l’offre et de la demande qui entre en jeu. Il n’est pas question d’amener les gens à travailler par contrainte. Le commerce est une profession libérale par excellence.

A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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